Agroécologie 5 min

Des avancées scientifiques pour la sélection variétale des plantes

Des chercheurs rennais ont mis au point une nouvelle méthode permettant d'effectuer du brassage génétique dans de grandes régions chromosomiques où ce processus est habituellement absent. Cette avancée ouvre des perspectives inédites pour l'amélioration des plantes cultivées.

Publié le 21 janvier 2025

© INRAE, MAITRE Christophe

L'évolution et l'adaptation des espèces sauvages ou cultivées reposent sur leur diversité génétique. Cette diversité est brassée à chaque génération lors de la formation des gamètes par recombinaison méiotique. C’est un processus qui intervient généralement aux extrémités des chromosomes, ce qui exclut les « régions froides » plus centrales que sont les centromères. Or, cela limite la combinaison de certains gènes avantageux ou empêche l’élimination de certains gènes indésirables présents dans ces régions. Cette étude menée chez le colza permet un brassage de l’information génétique de façon plus efficace et homogène le long des chromosomes.

Brassage de l’information génétique dans des régions normalement « froides » du génome

La capacité à réaliser des évènements de recombinaison méiotique dans des régions normalement « froides » du génome en jouant sur le niveau de ploïdie de la plante va permettre de faciliter son amélioration génétique et ainsi d’aider à répondre aux défis actuels auxquels font face de nombreuses espèces cultivées : le maintien et l’amélioration de la production, tout en diminuant les intrants, et ce dans un contexte de changement climatique toujours plus contraignant.

Des résultats novateurs

Les scientifiques ont utilisé le colza comme espèce modèle. Ils ont découvert que, chez les hybrides avec un niveau de ploïdie impair, la recombinaison méiotique est toujours fortement modifiée. Ces hybrides possèdent un génome sous forme de paires de chromosomes, comme chez l'humain, mais avec un génome entier additionnel à l'état unique.

Ils ont observé une augmentation importante de la fréquence d’échanges entre chromosomes y compris dans les « régions froides », près des centromères qui ne recombinent normalement presque jamais. Ils ont aussi démontré que cette dérégulation pouvait être maintenue ou supprimée naturellement dans la génération suivante en jouant sur le niveau de ploïdie impair ou pair. Il est donc soit possible de produire un colza présentant une grande diversité génétique à la génération suivante ou de maintenir un niveau de recombinaison méiotique élevé pour continuer de bénéficier de ce brassage important de l’information génétique.

Mieux comprendre les mécanismes impliqués

Au cours de cette étude, les chercheurs se sont également intéressés à mieux comprendre l’origine moléculaire de cette dérégulation de la recombinaison méiotique via l’analyse de l’expression de plusieurs gènes clés de la méiose. Des résultats prometteurs ont été obtenu et l’équipe s’intéresse actuellement à l’ensemble des gènes potentiellement impliquées dans ce mécanisme. L’observation récente, par une autre équipe, de ce même type de dérégulation chez des blés à niveau impair de ploïdie, indique que ce phénomène pourrait être commun aux espèces polyploïdes et pourraient ainsi faciliter l’introduction de diversité génétique et donc de caractères d’intérêts agronomiques chez de nombreuses plantes cultivées allopolyploïdes, telles que le café, le coton ou encore la fraise.

Référence : Franz Boideau, Virginie Huteau, Loeiz Maillet, Anael Brunet, Olivier Coriton, Gwenaëlle Deniot, Gwenn Trotoux, Maryse Taburel-Lodé, Frédérique Eber, Marie Gilet, Cécile Baron, Julien Boutte, Gautier Richard, Jean-Marc Aury, Caroline Belser, Karine Labadie, Jérôme Morice, Cyril Falentin, Olivier Martin, Matthieu Falque, Anne-Marie Chèvre, Mathieu Rousseau-Gueutin, Alternating between even and odd ploidy levels switches on and off the recombination control, even near the centromeres, The Plant Cell, Volume 36, Issue 10, October 2024, Pages 4472–4490, https://doi.org/10.1093/plcell/koae208

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