Biodiversité Temps de lecture 5 min
Les archives génétiques des forêts : décrypter le passé pour mieux prévoir l’avenir ?
Des scientifiques du consortium européen GenTree, dont Bruno Fady, coordinateur du projet et directeur de recherche au sein de l’unité de recherche Ecologie des Forêts Méditerranéennes (URFM), ont cherché à connaitre l’évolution de la diversité génétique des arbres forestiers européens durant le Quaternaire, période qui débute avec l’apparition des premiers outils du genre Homo et le début des cycles glaciaires, et continue de nos jours. Les résultats ont fait l’objet d’une publication dans la revue Nature Communications.
Publié le 29 janvier 2025

Pour cette étude, les scientifiques ont réalisé un vaste échantillonnage de sept espèces d’arbres représentatives des forêts européennes, largement réparties et écologiquement contrastées. Les équipes INRAE, et d’Avignon en particulier, ont contribué à la collecte et l’analyse des données génétiques du hêtre commun, du pin maritime, du chêne sessile et du peuplier noir.
Une méthode à remonter le temps
L'analyse des séquences génétiques après échantillonnage, a permis de reconstituer les dynamiques démographiques des espèces sur cette longue période. A partir des données obtenues, les scientifiques ont pu modéliser et comparer différents scénarios évolutifs permettant d’arriver à la diversité génétique observée de nos jours.
Les résultats, contrairement à ce qui était attendu, montrent que les variations de la diversité génétique observée ne sont pas systématiquement corrélées aux épisodes glaciaires les plus intenses.
Des fluctuations de la diversité génétique pas seulement dues aux cycles glaciaires
Il est admis que les glaciations tendent à réduire la diversité génétique en raison de l’impossible migration de tous les individus de chacune des populations vers des endroits plus chauds, correspondant à leur habitat optimum, entrainant ainsi la perte d’une partie des individus et des populations. De fait, ce n’est pas ce que l’'étude met en évidence et elle montre l'importance d’autres facteurs biologiques et écologiques, aux côtés des changements environnementaux, dans la fluctuation de la diversité génétique. En effet, des facteurs comme la dissémination des graines et surtout du pollen par le vent sur de longues distances et les nombreuses descendances issues de chaque arbre permettent d’atténuer certains effets de l’environnement, telles que les glaciations.

Des arbres résistants ou presque…
Le Quaternaire a débuté il y a 2.6 millions d’années avec des cycles glaciaires de 40 000 ans. Depuis -800 000 ans environ, les cycles du Quaternaire durent 100 000 ans en moyenne avec une alternance d’épisodes chauds, de 20 000 ans, et froids, de 80 000 ans. Notons que le réchauffement actuel est au-delà des températures des précédents épisodes chauds du Quaternaire, tant en valeur absolue que par sa dynamique.
Les principaux résultats montrent que malgré ces forts changements environnementaux du Quaternaire, ces arbres forestiers européens ont été capables de conserver leur diversité génétique. Des résultats surprenants qui vont à l’encontre de l'hypothèse initiale selon laquelle les périodes glaciaires réduisaient cette diversité en restreignant les populations.
En effet, lorsque le nombre d’individu contribuant activement à la reproduction est élevé (>10 000), que le temps de génération est long (≥ 15 ans) et que des individus éloignés géographiquement peuvent se reproduire, les fluctuations démographiques de la population induites par les cycles glaciaires n’ont que peu d’impact sur la diversité génétique globale de l’espèce.
Ces données semblent être porteuses d’espoir quant à la capacité de nos forêts européennes à s’adapter et à résister aux changements climatiques à venir, du moins pour les espèces à aire de répartition large et continue. Bruno Fady rappelle cependant qu’il est essentiellement question des effets des alternances glaciaires et interglaciaires dans cet article et que le changement climatique actuel en diffère par sa vitesse et sa direction.
Il parait donc impératif de préserver cette diversité génétique dans des aires protégées et d'adopter une sylviculture appropriée afin d'accompagner au mieux les forêts dans leur adaptation aux changements environnementaux.
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Lien de l’article : Resilience of genetic diversity in forest trees over the Quaternary | Nature Communications
DOI : https://doi.org/10.1038/s41467-024-52612-y