Changement climatique et risques Temps de lecture 3 min
AgroMetInfo, un nouvel outil de veille agroclimatique
Depuis 2019, un nouveau site internet d’information, AgroMetInfo, remplace le dispositif de veille agroclimatique appelé VAC, qui avait été mis en place par INRAE à la suite de la sécheresse de 2003. Ce site permet d’analyser l’influence du climat sur la production agricole et d’anticiper des adaptations de l’itinéraire technique.
Publié le 18 juin 2020

1976, 1997, 2003, 2005, 2011, 2015 sont des épisodes de sécheresse historiques et 2019, une année de canicule. Ces sécheresses sont amenées à se multiplier. En effet, les tendances sur le long terme prévoient une augmentation de la température moyenne de 2 à 4 °C d’ici la fin du siècle, une diminution des pluies au printemps et en été et des événements extrêmes plus nombreux (1). Force est donc d’intégrer le risque de sécheresse dans le champ de l’agriculture (2). Car il est important d’anticiper ses conséquences sur le rendement des cultures.
C’est une question centrale mais complexe pour laquelle la recherche déploie un éventail de méthodes complémentaires (3), dont un outil appelé anciennement VAC (pour Veille agroclimatique) et qui a évolué en 2019 sous le nom actuel d’AgroMetInfo. Le principe est le même : il s’agit toujours d’analyser le climat en cours de saison agricole et de voir comment il impacte le développement des cultures, mais au lieu de le faire sur une vingtaine de sites où sont implantées des unités expérimentales INRAE, c'est réalisé maintenant sur toute la France, en collaboration avec Météo France.
Au total, c’est plus de 8 000 points en France qui sont étudiés avec un maillage de 8 km2. Ce qui représente chaque jour 11 à 12 heures de calcul, plus de 430 000 graphes et 2 500 cartes produits. Mais que mesure-t-on et dans quel but ?
Analyser l’influence du climat sur le rendement des cultures
L’objectif n’est pas de calculer un rendement réel, mais un rendement « climatique », théorique, qui ne tient compte que des paramètres du climat. La démarche comporte deux étapes : d’abord, calculer des indicateurs agroclimatiques en chaque point du territoire pour avoir une vision en temps réel de la situation climatique. Ces indicateurs, au nombre de 25, illustrent la situation climatique et le bilan hydrique de la saison agricole (5). Dans un second temps, les données climatiques alimentent un modèle qui simule le développement des cultures et donne en sortie des paramètres de rendement, de stade phénologique ou de besoin en eau des cultures. Le modèle de développement des cultures utilisé dans cette deuxième étape de la démarche est le modèle STICS, qui, pour plus de simplicité se base sur un protocole de simulation unique : mêmes itinéraires techniques, mêmes variétés, même sol pour tous les points. Seul le climat change et peut expliquer ainsi les tendances temporelles et la variabilité spatiale issues de la modélisation.
Avec ce nouveau dispositif à l’échelle de la France, et, compte tenu des temps de calcul, l'analyse se limite pour l’instant au blé tendre et au maïs irrigué, deux cultures françaises « symboliques » qui se comportent de manière très différente par rapport au climat.
Comparer les années et anticiper les tendances
Avec ce dispositif, on modélise les effets du climat sur un cycle cultural en chaque point du territoire. Pour 2020 par exemple, même si les récoltes sont encore à venir, les simulations tendent à montrer une situation délicate pour le blé tendre dans les Hauts-de-France, le Centre et l’Aquitaine. Pour le maïs irrigué, dont la saison ne fait que commencer, l’incertitude est plus importante. Le dispositif permet aussi d’estimer la quantité d’eau qu’il serait nécessaire d'apporter par irrigation pour obtenir un rendement moyen.

Les outils de calcul mobilisés permettent également de comparer des années entre elles. Si l’évolution du climat au cours de l’année est la même qu'une année antérieure, on peut supposer que les tendances d’évolution des rendements des cultures seront les mêmes, à la hausse ou à la baisse. AgroMetInfo peut être utile au conseil agricole pour situer l’année en cours, comparer les situations régionales, anticiper les stratégies de conduite des cultures. Quoi qu’il en soit, il est accessible à tous sur Internet.
(site actuellement en cours de refonte)
(1) Sources : Météo France et GIEC.
(2) Voir le rapport de l’expertise scientifique collective « Sécheresse et agriculture » paru en 2006.
(3) Autres outils de veille et d’analyse :
- ISOP (Information et suivi objectif des prairies), qui donne une indication du déficit en fourrage suivant les régions. Ce système est le fruit d’une collaboration entre Météo-France, INRAE et le ministère de l’Agriculture (service de la statistique et de la prospective).
- MARS (Monitoring Agricultural ResourceS), qui donne, à l’échelle européenne, une anticipation des rendements réels des cultures, mais à un grain géographique moins fin que la VAC.
(4) Seuls sont considérés les points dont l’altitude est inférieure à 800 mètres. Ce maillage provient de la réanalyse climatique SAFRAN de Météo-France, qui nous est fournie quotidiennement grâce à un partenariat.
(5) Somme des températures, cumul des précipitations, bilan hydrique climatique et état de la réserve hydrique du sol.
2003 et 2011 étaient des sécheresses édaphiques, ou sécheresses du sol, liées à un déficit de pluies au printemps. 2015, l’année la plus chaude relevée au plan mondial, était aussi une sécheresse édaphique, mais plus tardive, à partir de juin, après une bonne recharge des nappes en hiver.
Ces différents types de sécheresse affectent différemment les cultures : en 2011, en raison de la précocité de la sécheresse, ce sont les prairies, les fourrages et certaines céréales qui ont le plus souffert. En 2015, le maïs a été principalement touché, ainsi que les fourrages.
STICS (Simulateur multidisciplinaire pour les cultures standard) modélise, à l’échelle de la parcelle, le développement d’une culture en fonction de tous les paramètres agronomiques : climat, sol, et pratiques agricoles. Il fonctionne aussi pour des cultures associées (c’est-à-dire plusieurs espèces cultivées en même temps) ou pour des successions culturales. Développé à l’Inra depuis 1996, le modèle STICS a servi de base à la conception de nombreux autres modèles intégratifs.