Biodiversité 5 min

La diversité des plantes optimise le fonctionnement des écosystèmes

Une équipe de chercheurs français, espagnols et américains vient de déterminer pour la première fois la quantité de diversité végétale nécessaire au fonctionnement des écosystèmes terrestres. Cette étude conduite sur les écosystèmes secs des cinq continents (steppes continentales, maquis méditerranéens, savanes, forêts sèches, déserts) est publiée dans la revue Nature Ecology and Evolution.

Publié le 29 mars 2017

illustration La diversité des plantes optimise le fonctionnement des écosystèmes
© INRAE

Les écosystèmes secs occupent 45 % des surfaces terrestres de la planète et sont menacées par la désertification. Ces écosystèmes abritent 38 % de la population mondiale, dont 90% sont localisés dans des pays en voie de développement dépendant de l’agriculture vivrière et de l’élevage. Ces populations sont hautement dépendantes des ressources naturelles disponibles. Porter plus d’attention à la biodiversité peut garantir l’avenir des écosystèmes dans notre contexte actuel de changement climatique, et constitue par conséquent un enjeu de premier plan pour les sociétés humaines.

La diversité des caractères morphologiques et physiologiques des plantes permet d’étudier l’effet de la biodiversité sur les écosystèmes

Le déclin de la biodiversité observé pour tous les écosystèmes de la planète a motivé la communauté scientifique à mieux comprendre les liens entre le fonctionnement des écosystèmes et la biodiversité. Dans cette étude, les chercheurs se sont intéressés à plusieurs facettes de la diversité végétale : le nombre d’espèces, leur abondance, mais aussi la diversité des caractères morphologiques et physiologiques des plantes (appelés « traits fonctionnels » des plantes). " Historiquement la communauté scientifique s’est principalement intéressée à l’effet du nombre d’espèces sur le fonctionnement des écosystèmes. Dans notre étude, nous avons également considéré la diversité des traits des espèces, par exemple la distribution des hauteurs de plantes ou bien la distribution des caractéristiques structurelles des feuilles dans les couverts végétaux, parce que les traits sont directement impliqués dans la capacité des plantes à acquérir, à conserver et à recycler les ressources de leur environnement comme l’eau ou les nutriments du sol " explique Nicolas Gross. Ce chercheur INRAE, alors au Centre d’étude biologique de Chizé a séjourné deux ans à Madrid à l’Université Rey Juan Carlos (URJC) dans le cadre de cette étude, grâce au programme européen de mobilité des chercheurs Agreenskills+ coordonné par INRAE.

Les auteurs ont ensuite corrélé la diversité des plantes des zones arides de la planète à plusieurs fonctions écosystémiques comme la productivité végétale, ou la capacité des sols à transformer les nutriments : ces fonctions sont intimement reliées avec des services écosystémiques clés des zones arides comme la fertilité des sols, la production de nourriture, la régulation du climat ou encore la limitation de l’érosion. "Une étude s’intéressant au lien entre la diversité des traits des espèces et le fonctionnement des écosystèmes n’a jamais été réalisée à une échelle aussi vaste" prévient Fernando T. Maestre, professeur d’écologie à l’URJC et coordinateur de l’étude (projet BIOCOM, financé par le Conseil européen de la recherche).

Des steppes de Chine au maquis méditerranéen, les écosystèmes fonctionnent selon les mêmes règles, en lien intime avec la biodiversité

Les conclusions de l’étude sont surprenantes.

" La diversité des plantes n’est pas liée au hasard dans la nature, elle s’organise de la même manière, précise, et systématique " explique Yoann Pinguet, chercheur Marie Curie à l’URJC. " Sur le large éventail d’écosystèmes étudiés, la diversité des traits est toujours plus importante pour le fonctionnement des écosystèmes que ce que l’on pourrait attendre par chance, en quelque sorte elle est maximisée ! ". L’étude montre que cette plus forte diversité de plantes est intrinsèquement reliée à la maximisation du fonctionnement des écosystèmes. " Ces résultats nous ont vraiment surpris, car nous comparons des écosystèmes composés d’espèces très différentes, aux histoires géologiques et climatiques contrastés comme des déserts steppiques en Chine et en Amérique du Sud, des maquis du bassin méditerranéen ou bien des forêts australiennes. Pouvoir résumer simplement les liens complexes entre la biodiversité et les écosystèmes à une échelle si large implique qu’il existe des règles générales qui organisent les écosystèmes de notre planète et que la biodiversité et le bon fonctionnement des écosystèmes sont intimement liés " explique Nicolas Gross. " Notre étude ne dit pas qu’il n’existe pas des situations où le fonctionnement des écosystèmes et sa diversité sont extrêmement faibles " souligne Yoann Pinguet "mais nos résultats suggèrent que les plantes, même dans des conditions difficiles, sont capables d’optimiser l’utilisation des ressources à travers une plus forte diversité".

En quantifiant une relation générale entre la diversité des plantes et le fonctionnement des écosystèmes secs de la planète, cette étude permet d’entrevoir de nouvelles perspectives pour anticiper l’impact des changements globaux sur ces écosystèmes et piloter des stratégies de gestion pour faire face à ces changements. " Nous avons quantifié pour la première fois combien de diversité est nécessaire à un fonctionnement optimal des écosystèmes "  raconte Pierre Liancourt, chercheur à l’Académie des sciences de la République tchèque. C’est pour cela que " la diversité des traits des plantes et leur distribution peuvent être utilisées pour évaluer le bon fonctionnement des écosystèmes et guider nos actions pour conserver et restaurer ces écosystèmes ", souligne N. Gross.

 

Contacts

Nicolas GrossUSC Centre d'études biologiques de Chizé (CNRS, INRAE) et UMR Ecosystème prairial (INRAE, VetAgroSup)

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