Agroécologie 8 min
Agroécologie : des technologies pour faciliter son déploiement du champ aux territoires
Les systèmes agricoles ont évolué au gré des innovations biologiques, chimiques et technologiques : mécanisation, motorisation et aujourd’hui numérisation des outils. Quels sont les impacts des technologies d’hier et quels développements sont nécessaires pour demain ? Éclairage sur les agroéquipements, l’agriculture numérique et leur effet levier pour l’agroécologie.
Publié le 21 avril 2021
Des machines agricoles pour nourrir une population
Les machines agricoles apparaissent dès le milieu du XIXe avec la révolution industrielle, mais elles ne remplaceront qu’au début des années 1950, le modèle agricole familial français. « La succession des deux guerres mondiales a achevé ce modèle » explique Xavier Reboud, chargé de mission « Agroéquipements et numérique pour l’agroécologie » auprès de la direction scientifique Agriculture d’INRAE « l’absence de main d’œuvre due à la mort de milliers d’hommes a conduit à une perte d’autonomie alimentaire pour la France » reprend-il. Un risque qui a motivé les politiques agricoles de l’époque vers l’accroissement de la productivité. Toutefois « pour produire plus, le développement du machinisme n’était pas suffisant, il s’est accompagné simultanément de l’amélioration génétique des espèces animales et végétales et de l’utilisation de la chimie (engrais et pesticides) développée pendant la guerre » reprend Xavier. Ces trois évolutions ont façonné nos paysages actuels. La taille et la forme des champs est devenue rectangulaire pour s’adapter aux passages des tracteurs. De même, les haies ont été supprimées (remembrement) au profit de grandes étendues en monocultures spécialisées et les petits chemins pédestres se sont transformés en grandes voies routières. Ces changements, s’observent dans tous les pays industrialisés et à une moindre échelle dans les pays en voie de développement. « Il serait illusoire d’espérer un retour à une agriculture non mécanique » poursuit Xavier « outre le gain de productivité, ce modèle a permis une forte réduction de la pénibilité physique, et d’offrir du temps pour d’autres tâches comme celle d’aller à l’école pour les enfants des fermes. ».
Une production mécanique standardisée dont l’impact et la résilience interroge
L’introduction des machines agricoles a permis de nourrir plus de monde mais a indirectement conduit « au gigantisme des cultures et à leur ultra spécialisation en monoculture, un modèle qui fonctionne majoritairement avec des produits phytosanitaires et des fertilisants minéraux pour assurer sa production » rappelle X. Reboud. Cette organisation, a considérablement réduit la biodiversité des écosystèmes viticoles, arboricoles et maraîchers, les rendant moins résilients aux aléas climatiques (précipitation, gel, sécheresse) et plus vulnérables aux ravageurs. Face à ce constat, les pratiques et les agroéquipements ont évolués ces 20 dernières années vers une agriculture dite « de précision ». « L’usage de capteurs et de GPS embarqués sur tracteurs, des données satellitaires et de service web d’aide à la décision, a permis une nette économie d’intrants (pesticides, engrais, eau) en adéquation avec les besoins réels des plantes » indique Véronique Bellon-Maurel, directrice de l’Institut Convergences Agriculture Numérique #DigitAg.. Toutefois, ces évolutions ne remettent pas en cause le modèle agricole dominant. Il faut aller plus loin pour répondre aux enjeux de préservation des ressources et des écosystèmes, et à la demande des consommateurs locaux attentifs à l’origine, la qualité des produits et leur impact environnemental.
2 à 5 hectares, c’est la surface qui peut être entretenue par un être humain sans aide mécanique, c’est bien peu face à la surface moyenne des exploitations françaises estimées à 70ha ; une surface qui serait ingérable sans l’appui de la mécanisation.
Des pratiques agroécologiques diversifiées auxquels les agroéquipements et le numérique devront répondre
Pour répondre à ces enjeux d’agriculture durable, les pratiques agroécologiques représentent un levier prometteur.
A la fois discipline scientifique et mouvement socio-politique « l’agroécologie promeut un changement de paradigme où l’écosystème agricole doit se réguler par lui-même » explique Xavier Reboud. Elle s’appuie sur un ensemble de pratiques telles que le mélange de cultures, le maintien d’un couvert végétal, l’absence de labour des sols afin de favoriser leur auto-fertilisation, la résilience aux aléas climatiques (sécheresse, fortes précipitations) et la régulation des maladies par le biocontrôle. Mais l’efficacité de ce système agricole repose sur l’appropriation massive des pratiques agroécologiques. Cela exige un travail de pilotage des cultures et de prévention des maladies à l’échelle de la parcelle, de l’exploitation mais surtout du territoire. Dans ce contexte « le numérique et les agroéquipements connectés, qui se sont beaucoup développés ces cinq dernières années permettent d’élargir la transition vers l’agroécologie de grandes exploitations, en particulier grâce à des dispositifs d’anticipation et de détection précoce des dysfonctionnements. D’ici peu elles permettront de gérer collectivement des ressources rares comme l’eau » détaille Véronique. Les pratiques de culture en association, comme le blé et le pois, ou la lentille et caméline ont incité les agroéquipementiers à développer de nouveau équipements qui permettent le semis, la récolte ou le tri de ce type de culture. Récemment, des drones ont été utilisés dans les champs de maïs pour introduire des trichogrammes, prédateurs de la pyrale du maïs, une action de lutte biologique qui se faisait jusqu’alors à la main. En maraîchage comme en viticulture, ce sont les robots qui se développent pour aider aux tâches physiques comme le désherbage ou au traitement des maladies.
« Cela reste des technologies encore disruptives pour le monde agricole qui peuvent impacter les métiers ou les écosystèmes, si elles sont mal utilisées » indique Véronique « c’est pourquoi nous devons identifier les risques économiques, sociaux ou éthiques à éviter ou à anticiper lors de leur déploiement ». Un objectif concrétisé par le lancement du Livig-Lab Occitanum en juin 2020, qui expérimente en collaboration avec la filière et les citoyens dans la région Occitanie, des technologies numériques innovantes pour favoriser la transition agroécologique et l'alimentation de proximité.
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