Agroécologie 3 min
Agriculture de conservation : la gestion des adventices est un point critique
L'absence de travail du sol, qui est un des trois grands principes de l'agriculture de conservation, modifie en profondeur la gestion des adventices. Des travaux menés à INRAE montrent aussi que la composition en espèces de la flore adventice est modifiée dans les systèmes sans travail du sol.
Publié le 08 janvier 2020
Les systèmes sans labour sont fortement consommateurs d’herbicides
Le labour, en enfouissant les graines d'adventices dans le sol, contribue à la diminution du stock semencier (= la réserve de graines d’adventices dans le sol). Il est surtout efficace sur les espèces adventices dont les semences sont peu persistantes une fois enfouies. Conséquence directe, la suppression du labour en agriculture de conservation des sols (ACS) ou en technique culturale simplifié (TCS) se traduit par un usage accru d’herbicide, en particulier de glyphosate, pour gérer les adventices et les repousses de cultures en interculture.
La quantité de glyphosate utilisée est inversement proportionnelle à l’intensité du travail du sol. Les systèmes en semis direct sans aucun travail du sol, qui occupent actuellement environ 4-5% des surfaces de grandes cultures en France, sont les plus consommateurs de glyphosate, même si son usage peut être modéré (1).
Les agriculteurs expérimentent néanmoins de nombreuses innovations pour limiter l’emploi de cet herbicide, entre autres optimiser les applications et les volumes d’eau, optimiser le choix des couverts, détruire les couverts par le roulage etc. (2). Certaines de ces expérimentations sont en cours en partenariat avec INRAE (par exemple le Projet ENGAGED, ou encore le Projet SOLutionsACS). INRAE conduit également des essais sur ses fermes expérimentales pour diminuer, voire supprimer l’usage d’herbicides en ACS (lire l'article).
A noter que les systèmes en semis direct en France n’ont rien à voir avec ceux pratiqués en Amérique du Nord et du Sud, où le glyphosate est appliqué en culture sur des variétés OGM de soja, coton, maïs tolérantes au glyphosate. Ce couplage variété OGM/herbicide rend ces systèmes dépendants du glyphosate, dont il faut progressivement augmenter les doses (voir l'Expertise sur les variétés tolérantes aux herbicides, INRAE CNRS, 2011, lire l'article). Dans ces systèmes, l'utilisation des variétés tolérantes au glyphosate permet de ne mobiliser qu'un des piliers de l'agriculture de conservation (absence de travail du sol), sans nécessairement recourir aux deux autres : couverture maximale du sol et diversification des cultures (lire l'article sur la définition de l'ACS selon la FAO).
L’absence de travail du sol a des effets contrastés sur la germination des adventices
Plusieurs études ont montré que l’absence totale de travail du sol modifie le stock semencier d’adventices, qui se trouve concentré dans les cinq premiers cm du sol. Cette situation favorise les adventices à germination rapide, en particulier les graminées, ainsi que les vivaces qui se propagent via des organes végétatifs tels que les stolons ou les rhizomes (comme le Chiendent).
En revanche, les adventices annuelles germent moins bien quand leurs semences se trouvent en surface (3). De plus, les graines se trouvent exposées à la prédation des organismes granivores (insectes, oiseaux, rongeurs). Et ce d'autant plus que cette faune granivore est favorisée par le mulch constitué par les résidus du couvert, comme par exemple les carabes qui se nourrissent de limaces et de graines d’adventices.
Un profil d’adventices particulier en ACS
Des expérimentations conduites à INRAE de Dijon ont analysé l’évolution de la flore adventice dans un essai conduit pendant 10 ans en TCS (travail superficiel du sol), puis pendant 7 ans en semis direct (= ACS) (2010-2017) (4). Deux à trois ans après le passage en ACS, on observe un changement de flore, avec une dominance d’astéracées (pissenlit, laiteron, séneçon), de graminées (ray-grass, panic) et de vivaces (liseron). Dans le système de référence (5), on observe plutôt des espèces annuelles hivernales à cycle court et de petite taille (achémille des champs, vesce cultivée, véronique, euphorbe).
- Rapport sur les usages et les alternatives au glyphosate dans l’agriculture française, 2017. Lire l’article.
- Voir le dossier sur le glyphosate, TCS n°62, Mars/Mai 2011.
- Cordeau, S., Guillemin, J.-P., Reibel, C., Chauvel, B., 2015. Ann Appl Biol 166, 444-455 ; Cordeau, S., Wayman, S., Reibel, C., Strbik, F., Chauvel, B., Guillemin, J.P., 2018. Weed Biol Manag 18, 12-25.
- Cordeau, S., Adeux, G., Chamoy, P., Farcy, P., Munier, J., N.M., 2019. TCS n°101, Janvier/Février 2019; Adeux, G., Munier-Jolain, N., Meunier, D., Farcy, P., Carlesi, S., Barberi, P., Cordeau, S., 2019. Agron. Sustainable Dev. 39, 42.
- Système de référence : système local bourguignon dominant : rotations sur 3 ans (colza, blé d’hiver, orge d’hiver), labour, désherbage chimique raisonné.