Exemples d'outils numériques au service de l'agriculture et de l'environnement

Élevage : prévenir plutôt que guérir 

Une nouvelle méthode informatique détecte 90 à 100 % des anomalies dues à un problème de santé chez une vache.

Depuis les années 2000, un suivi individualisé des animaux est possible. Nathalie Mitton, chercheuse à l’Inria et co-autrice du livre blanc Agriculture et numérique, donne un exemple : « Un de nos doctorants a fondé une start-up, Lituus. Elle fabrique des colliers pour détecter si les vaches vont bien. Les comportements normaux (chaleur, vêlage) et anormaux (boiterie, trouble du comportement) définis par les éleveurs sont paramétrés dans l’outil. Les informations remontent par les capteurs et sont analysées par intelligence artificielle. En cas de souci, une alarme est déclenchée, évitant à l’agriculteur d’aller deux fois par jour scruter l’état de santé de son troupeau. Surtout, cela lui permet de réagir dès les premiers signes pour soigner sa bête. C’est une avancée en matière de bien-être animal, de baisse de pénibilité et charge mentale pour l’éleveur ». Dans le même esprit, grâce au machine learning et à des capteurs embarqués sur des vaches laitières, Nicolas Wagner a mis au point une nouvelle méthode informatique durant sa thèse¹. Elle permet de limiter les fausses alertes et une détection des anomalies souvent un voire deux jours avant les premiers symptômes observés par l’éleveur. 

_{1. « Détection des modifications de l’organisation circadienne des activités des animaux en relation avec des états pré-pathologiques, un stress, ou un événement de reproduction », 2020.} 

Pollinisation et biodiversité : suivre les abeilles

Le suivi des abeilles est essentiel pour l’apiculteur afin de s’assurer de leur productivité et de la présence de ressources à butiner. Cependant, multiplier les visites génère des coûts et constitue un facteur de stress pour les insectes. Sur la base des travaux d’INRAE (projet Beelive²), la société BeeGuard propose depuis 2016 des systèmes de suivi des ruches et du comportement des pollinisateurs. Ainsi, à partir de mouchards posés sur les abeilles et d’autres capteurs, les apiculteurs surveillent sans intervention le bon fonctionnement de la ruche à partir d’indicateurs de température, d’humidité ou de taux de retour à la ruche. L’analyse des entrées et sorties d’abeilles leur indique si la zone extérieure présente assez de ressources ou s’il se produit une surmortalité d’origine inconnue. La ruche ainsi équipée devient une sentinelle de la qualité de l’environnement.

_{2. Projet primé aux SIMA Innovation Awards 2022.}

Cultures : repérer le mildiou par drone

La détection précoce de maladies et la géolocalisation précise des plantes infectées contribuent à un traitement optimisé des cultures et surtout à une réduction de l’usage de produits phytopharmaceutiques. À l’échelle des exploitations, des logiciels de reconnaissance de maladies ou de stress hydrique sont développés. La société bordelaise Chouette a, par exemple, développé un logiciel de détection des premiers symptômes du mildiou sur les feuilles de vigne, sur le même principe que la reconnaissance faciale. Le drone qui embarque la caméra de détection couplée au géopositionnement fournit au viticulteur une carte avec une localisation précise des plants infectés. Celui-ci pourra intervenir précocement et uniquement sur la zone infectée. Ce système lui permettra d’endiguer la propagation de la maladie en agissant plus tôt, et de réduire sa consommation en produits phytopharmaceutiques en agissant très localement. 

Aménagement : des satellites  au service de la gestion environnementale

La plateforme DINAMIS (Dispositif institutionnel national d’approvisionnement mutualisé en imagerie satellitaire) réunissant des acteurs publics et privés de la recherche et de l’industrie (CNES, CNRS, IGN, INRAE, IRD, Cirad, Airbus…) donne accès à un bouquet d’images commerciales de données optiques à très haute résolution spatiale et un relais vers des données optiques gratuites et radar à haute résolution spatiale à partir d’images Pléiades, SPOT 6-7 et bientôt Sentinel 2. Avec ces images d’une précision allant jusqu’à 50 cm, le traitement des données permet un suivi des parcelles agricoles (occupation des sols, types d’activité, étape de la croissance, zones malades…) ou boisées (espèces, coupes, dégâts sanitaires…), ainsi que des eaux superficielles. Ces informations sont précieuses pour les politiques d’aménagement ou de planification territoriale, de suivi ou de gestion environnementale.

Traçabilité : des bases  de données pour les labels

La production agricole et alimentaire engendre une masse d’informations nouvelle : origine, date de péremption, composition ou encore temps de pâturage que seul le numérique est en mesure de traiter, d’analyser et de restituer. La transmission des informations suit le processus de production tout au long de la chaîne pour arriver au consommateur, servant chaque étape et alimentant les bases de données des systèmes de notation comme Nutriscore ou Eco-score ou les systèmes de qualité AOC/AOP, IGP ou le label AB aux cahiers des charges exigeants. En France, deux plateformes servent de bases de données nationales. HubAlim³ trace les données sur les produits provenant de l’agriculture tandis que Num’Alim⁴ regroupe les fiches des produits alimentaires transformés par les industriels auxquelles sont ajoutées les informations concernant la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Les applications comme Yuka⁵ viennent se sourcer sur leur référentiel, Univers’alim, qui regroupe plus de 250 000 produits alimentaires vendus en France. Ces données s’affichent sur les emballages ou les sites d’e-commerce alimentaire.

<sub>3. Plateforme BtoB de données agroalimentaires.
4. Plateforme de données sur les produits agroalimentaires transformés pour des applications consommateurs.
5. Yuka est une application mobile qui, à partir du code-barres d’un produit commercialisé, scanne les étiquettes et les déchiffre pour identifier les produits mauvais pour votre santé.</sub>