Dossier revue
Agroécologie

L'élevage laitier aujourd'hui dans le monde

En 2021, du lait est produit sur tous les continents, majoritairement par des vaches, mais également par d’autres femelles de mammifères. Mais produire du lait peut prendre des formes extrêmement diverses, y compris au sein d’un même pays. Entre pâturage des montagnes et mégafermes, à quoi ressemble l’élevage laitier dans le monde ?

Publié le 27 septembre 2022

L’être humain consomme des laits produits par des animaux depuis le début de la domestication des mammifères, il y a près de 10 000 ans. Riches en protéines, vitamines, minéraux et acides gras essentiels, ces laits sont des aliments complets consommés sur tous les continents et à tous les âges de la vie. « En 2019, le lait de vache, toutes races confondues, représentait 81 % du volume produit dans le monde selon la FAO. Depuis la Seconde Guerre mondiale, ce volume a connu une forte croissance, grâce aux progrès de la génétique et de l’alimentation du bétail, atteignant 850 milliards de litres en 2020 », précise Vincent Chatellier, économiste au laboratoire d’étude et de recherche en économie sur les structures et marchés agricoles, ressources, territoires (unité mixte de recherche Smart-Lereco du centre INRAE Bretagne-Normandie). Cette production fournit aux populations humaines des produits laitiers essentiels et diversifiés : lait liquide et en poudre, yaourts, fromages, beurre, crème, desserts lactés…

Les premiers robots de traite autonomes sont apparus dans les bâtiments au début du XXIe siècle. Dans les alpages, ils existent parfois sous forme mobile.

Trois grands systèmes de production

Les formes d’élevage laitier sont extrêmement diverses, y compris entre régions au sein d’un même pays. Trois grands systèmes de production peuvent être distingués en lien avec le mode d’alimentation des animaux : pastoral, mixte et industriel. Même si les fourrages représentent la majeure partie de la ration (60-80 %) de ces 3 systèmes, leur origine est diverse et propre à la géographie, au climat et aux cultures de chaque pays. Les aliments concentrés, issus de céréales, de légumineuses et d’oléagineux, sont le plus souvent achetés, même s’ils peuvent être préparés à partir de cultures produites sur l’exploitation.

Les élevages pastoraux, très localisés

Les systèmes d’élevage pastoraux représentent 9 % du volume de lait produit dans le monde selon l’Atlas de l’herbivore, paru en 2014 (données FAO 2010). Ils se caractérisent par une alimentation composée à 90 % d’herbe pâturée et fauchée. Ils sont présents dans des zones peu favorables aux cultures telles que les plateaux montagneux et les terres non cultivables (steppes, savanes, etc.). Les troupeaux sont déplacés suivant les saisons pour laisser à la végétation le temps de repousser. Aujourd’hui, le pastoralisme est encore présent dans de nombreuses régions du monde (Europe, Amériques, Australie, Afrique, Mongolie, etc.). Le degré de mobilité varie selon les systèmes, allant du pastoralisme nomade africain au ranching sur d’immenses surfaces privées dans le sud des États-Unis, en passant par la transhumance dans certaines zones de l’Union européenne. En France, on le trouve principalement dans les régions de haute montagne.

Les élevages mixtes, la norme

Les systèmes d’élevage mixtes peuvent être considérés comme la norme mondiale.

Les systèmes d’élevage mixtes (81 %) peuvent être considérés comme la norme mondiale, mais avec une immense diversité de formes. Ils consistent à associer des zones de prairies réservées à l’élevage et des zones de cultures (céréales, oléagineux, légumineuses) destinées à l’alimentation humaine ou du bétail. Le fumier y est recyclé comme engrais. L’introduction d’aliments concentrés permet d’augmenter la productivité laitière par animal et d’avoir une production régulière à l’échelle de l’année. « C’est le système de loin le plus répandu en Europe, avec des formes valorisant des proportions variables d’herbe sous diverses formes (pâturée, ensilée, enrubannée). Il est présent sur tout le territoire français en zone de plaine et de piémont », explique Jean-Louis Peyraud, chargé de mission à la Direction scientifique agriculture d’INRAE, en charge des recherches sur les productions animales.

Les élevages industriels, concentrés en Chine et aux États-Unis

Les systèmes dits industriels représentent moins de 10 % des volumes produits dans le monde, et se distinguent par une alimentation qui dépend à 90 % d’achats principalement de concentrés mais aussi de fourrage. Ils sont aussi parfois qualifiés de « hors-sols », car déconnectés de la production des terres de l’exploitation. Développés depuis les années 1960 en réponse à l’augmentation de la demande, ces systèmes sont représentés à l’échelle internationale par les feed-lots laitiers des États-Unis ou de Chine, avec plusieurs dizaines de milliers de vaches, et les systèmes laitiers israéliens très intensifs en termes de production par animal (15 000 L/an) mais avec des effectifs plus faibles. « En Europe, reprend Jean-Louis Peyraud, ils restent une exception, la production des fourrages étant plus rentable que sa délocalisation, en raison de frais de transport supplémentaires. »

Et l’Europe dans tout ça ?

En Europe, la pratique du pâturage est en recul au profit de l’alimentation à base de fourrages conservés.

De par le monde, la production de lait se développe au travers des trois types de système qui, au regard des contraintes et opportunités géographiques, climatiques et politiques ont tous prouvé leur capacité à être rentables. « Cette diversité se retrouve au sein de l’Union européenne (UE-27), premier producteur de lait devant les États-Unis et l’Inde, avec 151,3 milliards de litres par an en 2018 », note Vincent Chatellier. La quasi-totalité des 438 000 fermes européennes spécialisées dans la production laitière bovine s’appuie ainsi sur des élevages mixtes familiaux. « La taille des troupeaux diffère selon les pays. Certains grands pays laitiers, la France, l’Irlande et les Pays-Bas, ont fait le choix de troupeaux de taille moyenne, qui avoisinent les 60 à 80 vaches, précise Jean-Louis Peyraud. D’autres ont opté pour des cheptels plus importants. Au Danemark, les troupeaux sont supérieurs à 150-200 vaches en moyenne, et en Allemagne ils peuvent dépasser le millier de têtes. » Selon les pays, la productivité varie de 3 200 L/vache (Roumanie) à 9 500 L/vache (Danemark). Et si les surfaces agricoles des pays membres se maintiennent, voire augmentent, la pratique du pâturage est en recul au profit de l’alimentation à base de fourrages conservés, produits le plus souvent sur l’exploitation. 

Intensif ou extensif ? Des termes à préciser

 

L’hiver, les vaches à l’étable peuvent continuer d’être nourries à l’herbe sous forme de foin, d’ensilage ou d’herbe enrubannée.

Que qualifie-t-on quand on parle d’intensif : la production de lait par animal ou par hectare de ressources  exploitées ? Ceci peut faire toute la différence en  termes d’évaluation des impacts environnementaux et de bien-être animal.

« L’élevage dit intensif peut se traduire par un objectif de production très élevé par vache (plus de 12 000 L par lactation) avec des troupeaux de grande taille et nourris en bâtiment fermé sans accès au pâturage », explique Jean-Louis Peyraud, directeur scientifique adjoint Agriculture d’INRAE. Toutefois, certains systèmes basés sur le pâturage peuvent aussi être considérés comme intensifs. C’est par exemple le cas de la Nouvelle-Zélande, avec des troupeaux moyens d’environ 600 têtes (source : IFCN–World Mapping, 2014) mais avec un très fort chargement sur des prairies fortement irriguées, « bien que la production de lait reste modérée par vache, de l’ordre de 6 000 L/lactation », reprend Jean-Louis Peyraud. A contrario, les élevages dits extensifs sont caractérisés par un objectif d’économie d’intrants et de gestion de la densité des troupeaux en fonction du potentiel de production des pâtures. La ration d’herbe peut être fauchée et distribuée sous forme de fourrage à l’intérieur, comme on peut l’observer dans certaines fermes labellisées « Agriculture biologique » au Danemark. Définir ces statuts par un rapport d’équilibre ou de déséquilibre entre capacités du milieu d’élevage (hectares de pâture, de fourrage, d’épandage, diversité des écosystèmes) et chargement animal par unité de surface offrirait une vision plus intégrée pour comparer les systèmes.