Agroécologie 6 min

Le verger de Gotheron : quand la biodiversité tourne rond

Produire des fruits avec zéro pesticide, voilà l’ambitieux défi que se sont fixé les chercheurs d’INRAE de l’UERI de Gotheron (Drôme) impliqués dans le Projet Z. Ce projet de plus de 10 ans vise à concevoir un système sans pesticides et très bas intrants. Deux ans ont été nécessaires pour coconcevoir* un premier module (1,5 ha), qui a été mis en place début 2018 et sera suivi sur plus de 10 ans.

Publié le 04 novembre 2021

illustration Le verger de Gotheron : quand la biodiversité tourne rond
© INRAE, B. Nicolas

Le Projet Z est un projet de longue durée (2015-2030) au cours duquel plusieurs phases de conception et d’évaluation de systèmes agroécologiques de production de fruits sont prévues. La méthode utilisée pour parvenir à limiter les intrants repose sur la biodiversité et l’organisation innovante des plantes dans l’espace de production, pensée pour limiter l’arrivée, la progression, l’installation et l’impact des bioagresseurs.

Ce n’est plus un simple verger mais un espace de production qui associe plusieurs espèces et variétés fruitières, des plantes de service, des dispositifs de régulation, de manière à créer un environnement très défavorable pour les bioagresseurs. Première surprise, le verger de 1,5 hectare est rond, une forme choisie pour limiter la surface d’échange avec l’extérieur. Il est cerné par une double haie de 500 mètres de long, incluant quelques amandiers et châtaigniers qui, en plus de son effet brise-vent, constitue une barrière pour limiter la progression des ravageurs.

Les arbres et arbustes qui constituent le cercle extérieur garantissent une protection physique et une régulation des populations de ravageurs, ainsi qu’une diversification de la production. Illustrations : Camille Ulrich

Une première barrière pour fixer les bioagresseurs

Le long de cette première barrière sont installés des nichoirs, des perchoirs, des tas de branchages et des pierriers qui favorisent l’installation d’auxiliaires prédateurs tels que les mésanges insectivores, les rapaces, les reptiles et les belettes (prédateurs de campagnols). Cette première barrière représente également une zone de biodiversité qui fournit ressources alimentaires et habitats pour la faune auxiliaire. Ces auxiliaires sont des prédateurs ou parasitoïdes, vertébrés et invertébrés, qui contribuent à la régulation des populations de ravageurs des arbres fruitiers (pucerons, campagnols...). Les bioagresseurs qui franchissent cette première barrière parviennent à un rang circulaire de pommiers peu sensibles qui jouent le rôle de piège en fixant les pucerons attirés par cette espèce fruitière.

Attirer les auxiliaires, éloigner les ravageurs

Le cercle suivant est constitué d’arbres et arbustes fruitiers variés. Notamment des espèces prospectives telles que la grenade et la figue, implantées dans un contexte du changement climatique. Ce cercle vise à protéger les nombreux pommiers, pêchers, pruniers et abricotiers situés sur les cercles intérieurs où se concentre l’essentiel de l’espace de production. Toutes les variétés ont été choisies pour leur résistance naturelle aux maladies.

Le verger circulaire combine des espèces fruitières diverses (pommier, abricotier, pêcher, prunier) et des variétés choisies pour leur résistance aux maladies et aux ravageurs.
Illustrations : Camille Ulrich

Dans cette zone, des plantes attractives vis-à-vis des auxiliaires et répulsives vis-à-vis de certains ravageurs (plantes aromatiques, bandes fleuries) ont aussi été plantées à intervalles réguliers afin de renforcer les mesures précédentes. Des légumineuses sont aussi présentes, qui fixent l’azote de l’air grâce à leur symbiose avec les bactéries du sol, et sont utilisées lors de la fauche pour fertiliser les arbres fruitiers. Enfin, le centre du verger est constitué d’une mare et d’une zone semi-sauvage qui constituent un précieux réservoir de biodiversité fonctionnelle.

Étudier l’impact de l’agencement pendant 15 ans

Le verger arrivera à maturité dans 4 ans et sera évalué durant au moins 10 ans supplémentaires. Il s’agira de mesurer les performances agronomiques et environnementales, les services écosystémiques de régulation et de support, et de comprendre les processus se mettant en place, en lien avec les pratiques réalisées. Sur cette longue période, les chercheurs pourront contrôler l’impact de l’agencement spatial dans la maîtrise des bioagresseurs et produire des connaissances sur la façon de construire et de conduire un tel système. À terme, cette évaluation servira à réaliser un pilotage dynamique de l’agroécosystème.

* Cette phase de conception 2016-2017 a été soutenue par les métaprogrammes INRA Ecoserv et SMaCH dans le cadre du programme SAFIR (Systèmes agroécologiques en production fruitière : innovation et reconception).

Ce verger est l’un des sites expérimentaux du projet Dephy EXPE Ecophyto ‘ALTO’ (2018-2023) https://www6.paca.inrae.fr/ueri/Contrats-et-projets/Expe-DEPHY-Ecophyto-II-ALTO

DYNAMIQUE DE CONCEPTION ET PRODUCTION DE CONNAISSANCES

La démarche s’accompagne d’une dynamique qui permet d’interagir, localement et internationalement, avec un public d’acteurs diversifiés au sein de la filière (agriculteurs, conseillers, formateurs, expérimentateurs, chercheurs…) autour de la démarche, du dispositif et des résultats, pour une production de connaissances coconstruites et partagées. Après une phase initiale de conception (verger circulaire), d’autres modules sont prévus, à concevoir et à planter dans une même approche de « design agroécologique ». Ces autres modules, à implanter sur les 10 ha disponibles, s’accompagneront entre autres de la prise en compte, à l’échelle supraparcellaire, des interactions entre les zones de production et les zones « support à la production » (par exemple ilôts de biodiversité, zones dédiées à la production de ressources fertilisantes).

Armelle FaveryRédactrice

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