Changement climatique et risques 5 min
Les sols face au changement climatique
Entre terre et ciel, la structure et l’état du sol dépendent du climat tout comme le climat dépend des échanges entre le sol et l’atmosphère. Autant d’interactions que complexifie aujourd’hui le changement climatique à l’œuvre.
Publié le 04 décembre 2020
De par leur rôle dans les cycles du carbone et de l’azote, les sols échangent en permanence avec l'atmosphère des gaz à effet de serre : le dioxyde de carbone (CO2), impliqué dans la photosynthèse et la respiration ; le méthane (CH4), provenant notamment des élevages et le protoxyde d’azote (N2O), produit par la transformation des engrais ou des déjections animales dans les sols anoxiques. D’origine anthropique, ces gaz contribuent au réchauffement climatique.
Si elle est à l’origine d’émissions de gaz à effet de serre, l’agriculture est également un levier important pour lutter contre le réchauffement climatique, qu’il s’agisse de réduire les émissions de gaz à effet de serre ou d’en améliorer le bilan net en stockant, par exemple, plus de carbone dans les sols.
Les sols, vers des pratiques favorables à la séquestration de carbone
A l’échelle planétaire, ce sont quelques 2 500 milliards de tonnes de carbone qui sont présents dans le sol soit deux à trois fois plus que dans l’atmosphère, essentiellement sous forme de matière organique.
La matière organique est l’ensemble des organismes, vivants et morts, du sol et de leurs résidus à différents stades de leur évolution
Bénéfique pour la fertilité des sols agricoles et forestiers, la séquestration de carbone dans les sols, sous forme de matière organique, permet également de réduire la teneur en CO2 de l’atmosphère, faisant d’eux un acteur majeur des évolutions climatiques en cours et de leur atténuation.
Cartographie des stocks de carbone dans les sols, étude des processus de stabilisation du carbone, identification des pratiques agricoles favorables au stockage du carbone… les travaux sont divers et embrassent désormais les aspects agronomiques, sociologiques ou encore économiques de ces questions, contribuant également à alimenter le débat public ou à éclairer les politiques publiques.
Les stocks de carbone dépendent des conditions pédoclimatiques et de l’occupation des sols. Ils sont élevés sous forêts et prairies (80 T/ha entre 0 et 30 cm de profondeur) où il convient de les préserver. Ils sont, à l’inverse, plus bas sous grandes cultures (50 T/ha) où l’enjeu est de les augmenter grâce à des pratiques agricoles qui favorisent la couverture des sols - implantation de cultures intermédiaires, établissement de prairies temporaires ou permanentes, développement de l’agroforesterie, enherbement des vergers... - et le retour de la biomasse produite au sol - mobilisation de nouvelles matières organiques, d’origine urbaine (composts, biodéchets).
L’évolution des stocks dépend de l’échelle spatiale à laquelle on se place.
La déforestation est le phénomène de régression durable des surfaces couvertes de forêts, qu'il soit d'origine anthropique (expansion agricole, extraction de combustibles fossiles, exploitation illégale du bois…) ou naturelle.
A l’échelle mondiale, la déforestation libère des quantités importantes de carbone dans l’atmosphère, réduit le stockage de carbone dans la biomasse végétale du fait de l’implantation de cultures, sans oublier qu’elle favorise l’érosion des sols.
En France, c’est l’inverse : la surface en forêts tend à augmenter depuis le milieu du XIXe siècle, avec un effet positif sur le stockage de carbone. Par contre les surfaces en prairies permanentes tendent à diminuer.
Les effets du changement climatique sur les stocks de carbone dans les sols agricoles et forestiers constituent un sujet de recherche à part entière. Les résultats suggèrent des effets contrastés du fait de l’augmentation des températures, entre accélération de la minéralisation du carbone, c’est-à-dire de sa transformation en CO2, et augmentation de la biomasse avec plus de retours au sol du carbone sous forme de matière organique.
En 2019, l’Institut a conduit une étude afin d’estimer le potentiel de stockage de carbone des sols agricoles et forestiers. L’objectif : évaluer la contribution potentielle du stockage de carbone à l’objectif de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre.
Les sols, des régulateurs de l ’eau
Force est aujourd’hui de constater que l’évolution du climat modifie la fréquence, l’intensité, la répartition géographique et la durée d’événements météorologiques extrêmes que sont les sécheresses, les inondations ou encore les tempêtes.
Les sols interviennent dans le cycle de l’eau. Leur porosité, leur profondeur ou encore leur taux de remplissage par l’eau déterminent la proportion d’eau qui ruisselle ou celle qui s’infiltre. Ils régulent ainsi la recharge et le remplissage des nappes phréatiques, ainsi que le régime des cours d’eau. Ils filtrent et épurent au passage les eaux qui les traversent et en influencent la composition.
La capacité des sols à stocker de l’eau et à la restituer est importante pour alimenter les plantes, c’est "l’eau verte", ou pour la recharge des nappes phréatiques et des cours d’eau, c’est "l’eau bleue". Le réservoir en eau accessible à la plante est « le réservoir utilisable », dite aussi « la réserve utile en eau » du sol. Il est intrinsèquement lié à la nature du sol et au couvert végétal qui lui est associé (prairie, forêt, culture…).
À l'échelle locale comme à l’échelle régionale et nationale, la caractérisation de ce réservoir, un paramètre très variable dans l’espace et le temps, est un point critique pour comprendre les interactions entre les cultures et leur environnement, pour optimiser la gestion de l'eau par l'irrigation, pour faire le choix de nouvelles cultures, de nouvelles successions culturales.
Au-delà de ses applications agricoles, cette donnée est également utilisée dans des applications hydrologiques, par exemple pour simuler les régimes des cours d’eau, les crues ou les étiages.
L'accroissement des phénomènes pluviométriques extrêmes est susceptible d'accélérer les pertes en sol et d’augmenter l’occurrence de coulées d'eau boueuse ; l’augmentation du niveau des mers menace les sols côtiers d’autant plus vite qu’ils ne sont pas protégés.
Entre risque de voir augmenter les menaces qui pèsent sur les sols et opportunité qu’ils soient plus riches en matières organiques, plus fertiles et plus résilient face à la variabilité climatique par des pratiques agricoles plus vertueuses, la question du changement climatique et de ses impacts sur les sols n’est pas simple. C’est en grandes cultures que réside le plus fort potentiel de séquestration de carbone, grâce à différentes pratiques destinées à favoriser la couverture des sols. Question : celle-ci ne risque-t-elle pas d'augmenter l’utilisation de l’eau par les plantes et de déséquilibrer la répartition de l’eau disponible, en augmentant les volumes d’eau verte pour l’agriculture et en diminuant la recharge en eau vers les nappes phréatiques ?
Aujourd’hui, les sols sont une composante majeure de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique. Ce défi auquel s'attaquent les équipes de l’Institut s’inscrit dans une vision toujours plus large. Elle prend en compte la globalité des cycles, qu’il s’agisse du carbone, de l’azote, du phosphore ou de l’eau, s’étend de la parcelle au paysage, à l’échelle de la France ou du globe, portée par de nouveaux questionnements et le développement des connaissances et des moyens.
En France, le changement climatique pourrait s’accompagner d’une augmentation des surfaces cultivées aux dépens des prairies et forêts, entrainant une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. SI ce changement était pris en compte, leur réduction aurait un coût moindre.
Retrouvez l’intégralité du dossier : les sols, essentiels pour la planète