Alimentation, santé globale 5 min

La signature aromatique et microbiologique des prairies naturelles

Oui, il existe bien un « effet pâturage » sur les caractéristiques sensorielles et la qualité nutritionnelle du lait, fromage, beurre et de la viande, comme l’ont déjà souligné de nombreux travaux de l’Inra Auvergne Rhône-Alpes. Grâce à l’essor des outils d’analyse microbiologique, les recherches explorent dorénavant l’impact de la diversité végétale des prairies sur le microbiote de l’animal. Oui, pour les fromages aussi, le lien au terroir est à prévaloir.

Publié le 25 septembre 2018

illustration La signature aromatique et microbiologique des prairies naturelles
© INRAE, Christophe Maitre

Saint Nectaire, Cantal, Salers, Bleu d’Auvergne, Fourme d’Ambert. Ces 5 fromages AOP sont fabriqués sur une zone de prairies naturelles du Massif central autour de Marcenat. Une estive située à 1 000 m d’altitude, où autrefois une voie ferrée montait les vaches en transhumance, accueille aujourd’hui le domaine expérimental de l’Inra Auvergne Rhône-Alpes. Dans ce beau paysage au cœur du plateau du Cézallier, une équipe menée par Bruno Martin de l’unité mixte de recherches sur les herbivores (UMRH) à l’Inra Auvergne-Rhône-Alpes, travaille pour établir le lien entre la qualité de l’herbe pâturée par les vaches et celle des produits qui en sont issus. Les prairies naturelles ont plus d’un atout dont  celui de maintenir une biodiversité végétale importante et sa faune associée. Une véritable richesse patrimoniale ! « Certains pays d’ailleurs n’hésitent pas à recourir à des labels, comme le « Origin Green » en Irlande ou le « 100 % Grass fed » aux USA pour faire valoir leurs produits », explique le chercheur.

La prairie naturelle, gage de la qualité de nos fromages

C'est le fromage qui va préserver nos prairies.

En France, depuis une dizaine d’années, l’Inra a mené d’importants travaux pour caractériser et authentifier les produits d’animaux nourris à base d’herbe. Que ce soit le goût du lait, la couleur, la texture, la flaveur des beurres, fromages ou de la viande, « nous constatons un impact du pâturage sur la qualité des produits. La diversité botanique des prairies naturelles joue également un rôle, en particulier sur les fromages. »  Ce qui signifie bien que le lien au terroir existe également pour ces produits. Un argument, pour Bruno Martin, en faveur des filières fromagères AOP qui souhaitent renforcer leur stratégie de différenciation par la qualité liée à l’origine. C’est ainsi que le cahier des charges du Saint Nectaire prévoit que 90 % des prairies exploitées doivent être en prairies naturelles.
Sur le plan nutritionnel, les recherches ont également montré le bénéfice procuré par le pâturage, notamment sur des prairies diversifiées pour le lait et la viande : forte diminution des acides gras saturés, augmentation des acides gras polyinsaturés comme les Ω 3, amélioration du ratio Ω6/Ω3 ainsi qu’une hausse de la teneur en antioxydants et certaines vitamines. Même si les effets du pâturage dépendent du pourcentage d’herbe dans la ration de l’animal, leurs qualités nutritionnelles restent supérieures à celles des produits animaux nourris à base de compléments ou d’ensilage de maïs.

Biodiversité végétale et biodiversité microbienne animale : un lien potentiel

Depuis peu, c’est le microbiote de la vache - intestin, rumen et mamelles – et du lait, en lien avec le pâturage, qui intéresse les chercheurs. Dans le cadre du projet Divem « Diversité végétale et microbienne », Bruno Martin et son équipe suivent depuis cet hiver 2 lots de vaches sur le domaine expérimental de Marcenat. Pour l’été, l’un a été placé sur une prairie peu diversifiée composée majoritairement de graminées et de légumineuses. Les vaches du second groupe ont eu droit à l’estive sur une parcelle très diversifiée (voir diaporama). Objectif de l’expérience : aller plus loin que la qualité gustative et organoleptique des produits provenant d’une alimentation à l’herbe des ruminants. Les travaux portent sur le rôle des tanins, des métabolites secondaires des plantes qui modulent la dynamique des microbiotes. Les chercheurs savent par exemple que les métabolites secondaires des plantes modifient la composition des matières grasses du lait, mais ne connaissent pas encore les mécanismes en action au niveau du rumen des animaux.
Mené en collaboration entre les UMR Herbivores et Fromage, le travail de thèse de Marie Frétin, a bien montré que l’élaboration des qualités gustatives des fromages est le fruit d’interactions entre l’activité des microorganismes d’une part et la composition chimique du lait et du fromage d’autre part. Par exemple, la composition de la matière grasse du lait, modulable par l’alimentation des vaches, est susceptible d’influencer les communautés microbiennes de la surface des fromages qui sont responsables de la formation de la croûte. « Les aspects microbiens et biochimiques sont intimement liés. Les progrès de la métagénomique nous offrent maintenant les outils pour mieux comprendre les déterminants de la composition des microbiotes de l’animal et du lait cru » déclare Bruno Martin pour qui il est si important « de valoriser le lien au terroir et faire prendre conscience du rôle de nos prairies naturelles pour garantir la qualité du fromage. »

Quelle quantité d’insectes avale une vache en broutant ?

Gaëlle Maxin,UMR Herbivores, Marcenat, Inrae ARA

Depuis 2016, Gaëlle Maxin travaille sur les nouveaux aliments pour les ruminants. À la différence des élevages de porcs et de volailles, les insectes ne sont pas (encore) autorisés dans l’alimentation des ruminants par l’Union européenne. Quel volume serait nécessaire pour une vache ? Gaëlle recherche dans la littérature scientifique des publications qui montreraient que les vaches au pâturage ingèrent une certaine quantité d’insectes. Au-delà de l’aspect sanitaire, c’est l’approvisionnement de la matière première qui constitue un point de blocage pour l’instant.
Un des enjeux de ces recherches est de proposer à la filière des alternatives aux protéines actuelles, notamment le soja. Autre objectif de taille : aller vers une économie circulaire en bouclant les cycles par exemple en valorisant les déchets des cultures. « Dans l’alimentation des ruminants, ce n’est plus seulement la valeur alimentaire que l’on nous demande d’évaluer, » explique Gaëlle. Les effets des aliments sur la qualité des produits, sur les rejets de méthane et d’ammoniac, sur la santé des animaux, l’absence de compétition avec l’alimentation humaine, le retour au pâturage avec des prairies et fourrages diversifiés… ». Tous ces éléments sont des critères qui importent de plus en plus. L’évaluation multicritère est désormais la pierre d’angle des travaux de Gaëlle.

Patricia LéveilléRédactrice

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