La résistance aux parasites des abeilles : quand la diversité génétique vient à la rescousse

L’invasion de l'acarien Varroa destructor, parasite de l’abeille domestique Apis mellifera et cause importante de pertes de colonies dans le monde, date de 1987. Certaines colonies ont développé des stratégies de défense et en supposant que ces caractères sont en partie héritables, l'élevage sélectif d'abeilles naturellement résistantes pourrait être une stratégie durable. Pour progresser dans cette direction, des chercheurs INRAE ont cherché à comprendre le déterminisme génétique de cette résistance en menant une des plus grandes études d’association sur les abeilles à ce jour. Ces résultats, publiés dans la revue Molecular Ecology, confirment que la résistance au varroa est héritable. Cependant, aucune région chromosomique ne contient de mutations ayant un effet majeur sur cette résistance, mais plusieurs régions, à effets faibles à modérés, sont mises en évidence. Ces résultats ouvrent la voie à la compréhension des mécanismes d’adaptation des insectes eusociaux à la charge parasitaire et à leur sélection génétique.

Publié le 06 mars 2025

© INRAE

Existe-t-il un lien entre génétique et résistance à l’infestation par l’acarien varroa ?

L’abeille domestique est importante tant pour des produits tels que le miel, la gelée royale, la propolis ou la cire, que pour les services essentiels de pollinisation qu’elle rend. Elle est malheureusement menacée par de nombreux facteurs biotiques et abiotiques, parmi lesquels l’acarien parasite Varroa destructor, contre lequel seule la lutte chimique semble porter des fruits. Des colonies naturellement résistantes à varroa ayant été observées, les chercheurs se sont posé deux questions :

  • Peut-on comprendre les mécanismes biologiques de cette résistance et estimer son héritabilité ?
  • Existe-t-il dans le génome des marqueurs de résistance à varroa qui pourraient être utilisés en sélection ?

Une analyse à travers plusieurs sous-espèces et mesures de la résistance

Plus de 1500 colonies réparties à travers la France ont été analysées, représentant plusieurs populations composées des sous-espèces majoritaires (A. m. mellifera, ligustica et carnica), ainsi qu’une population d’hybrides. La résistance des colonies a été évaluée en mesurant des phénotypes d’infestation, d’intervention sur des cellules de couvain fermé et de suppression de la reproduction des varroas. Les colonies ont été séquencées pour réaliser une analyse d’association phénotype-génotype. Chaque population comprenait des colonies de plusieurs apiculteurs, et a été traitée séparément pour éviter les biais de confusion liés à une structure trop forte de la population globale. Les résultats ont ensuite été combinés par des méthodes de méta-analyse.

Deux larves d'abeille sorties de leur cellules de couvain et portant chacune plusieurs femelles Varroa (environ 1.5mm) prêtes à se reproduire

La résistance à varroa héritable et polygénique

Les analyses confirment une base génétique à la variabilité des caractères de résistance à l’infestation par varroa dans les différentes populations d’abeilles. Soixante régions chromosomiques ont montré une association significative avec des phénotypes mesurés, après méta-analyse. Malgré une composante génétique globale importante (entre 20 et 80% de la variabilité phénotypique), seule une faible part (moins de 30%) de cette composante génétique peut être expliquée par les régions identifiées, indiquant ainsi un déterminisme polygénique. Quelques gènes de ces régions chromosomiques ont été suggérés pour expliquer des mécanismes biologiques sous-jacents, tels que i) la voie métabolique de l’hormone Ecdysone, cruciale à la maturation de varroa et produite par Apis mellifera ou encore ii) les gènes responsables de la production de protéines se liant aux molécules odorantes (Odorant binding proteins), essentielles pour l’olfaction chez les abeilles. En conséquence, cette étude montre que les populations d’abeilles domestiques ont une capacité d’adaptation à long terme à la menace posée par varroa. La diversité potentielle des mécanismes impliqués suggère que si elle s’établit, la résistance pourrait être durable. Enfin, la mise en place de programmes de sélection ne pourra s’effectuer que sur le long terme, en établissant des schémas prenant en compte la diversité génétique des abeilles mellifères, et la diversité des mécanismes génétiques mis en place par chaque population pour résister à l’acarien.

Cette étude s’appuie sur un jeu de données de grande ampleur représentant la diversité génétique et phénotypique de la résistance à varroa et des caractères de production chez l’abeille. Elle a aussi permis de confirmer la possibilité d’une sélection pour la résistance au varroa, tout en écartant de pouvoir utiliser un nombre restreint de marqueurs. La sélection génomique, dans l’hypothèse d’une baisse importante des coûts de génotypage, est une option envisageable pour améliorer la résistance du cheptel français. La validation du rôle des gènes candidats proposés aiderait à comprendre les mécanismes biologiques de la résistance : des études complémentaires seront nécessaires pour les confirmer et identifier les variants causaux sous-jacents.

 

Ce projet de recherche a été financé par FranceAgriMer (MOSAR RT 2015-776) et Investissement d’Avenir (BeeStrong PIA P3A). 

Réf. : Sonia Eynard, Fanny Mondet, Benjamin Basso, Olivier Bouchez, Yves Le Conte, et al.. Sequence‐Based Multi Ancestry Association Study Reveals the Polygenic Architecture of Varroa destructor Resistance in the Honeybee Apis mellifera. Molecular Ecology, 2024, ⟨10.1111/mec.17637⟩.

Contacts

Sonia Eynard

Chargée de recherche

UMR GenPhySE

Alain Vignal

Directeur de recherche

UMR GenPhySE

Bertrand Servin

Directeur de recherche

UMR GenPhySE

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