Alimentation, santé globale 3 min
Le régime cétogène : utile, mais pas forcément pour perdre du poids
Le régime cétogène, appelé « keto diet » par les Anglo-saxons, est vanté pour ses nombreux bienfaits : ce serait un régime idéal pour perdre du poids, soigner voire guérir le diabète et même traiter le cancer. Mais qu’en dit la science ?
Publié le 17 juillet 2020
Forcer le corps à consommer ses graisses
Comme son nom l’indique, le principe de ce régime est d’adopter un mode d’alimentation qui provoque la production de corps cétoniques. Schématiquement, ces molécules sont fabriquées à partir des graisses, quand les réserves en sucre de l’organisme sont épuisées. Le sucre n’étant plus disponible comme source d’énergie, l'organisme va puiser dans les graisses pour produire des corps cétoniques qui seront utilisés à sa place pour lui fournir de l’énergie. Ce processus est appelé « lipolyse ». L’intérêt est évidemment de faire ainsi diminuer la masse graisseuse, et donc de maigrir.
L’idée du régime cétogène trouve son origine dans les écrits de Guillaume Guelpa, au début du XXe siècle.
Ce médecin français spécialisé dans le traitement du diabète préconisait l’emploi du jeûne pour lutter contre la maladie. Dans son mémoire, « La guérison du diabète », on peut lire : « notamment, il faudrait supprimer temporairement tout apport d’aliment pour obliger l’organisme à vivre sur ses ressources jusqu’à la combustion totale du sucre anormal existant dans les tissus. »
Le jeûne est toutefois difficile à tenir, et peut s’avérer dangereux s’il est prolongé. Une alternative a donc été proposée pour stimuler autrement la lipolyse : exclure de son alimentation la quasi-totalité des glucides. C’est le chercheur Russell Morse Wilder qui est considéré comme le premier à avoir testé le régime cétogène dans sa forme actuelle, où le jeûne est remplacé par la restriction sévère de l’apport de glucides.
Le régime cétogène
En pratique, dans le régime cétogène les apports en aliments riches en sucres tels que les féculents (pâtes, riz, pomme de terre…), les légumineuses (lentilles, pois chiches), les fruits et bien évidemment les sucreries sont drastiquement réduits. À l’inverse, ce régime est riche en graisses, qui sont apportées sous forme de crème, beurre, huiles diverses et mayonnaise. Les stocks de glucose fondant rapidement, l’organisme puise en effet dans les graisses pour trouver une source d’énergie alternative.
Dans de telles conditions, l’apport de protéines n’a pas besoin d’être diminué ou augmenté particulièrement. Le régime cétogène inclut donc des protéines en quantités modérées, sous forme d’œufs, de fromages, de poissons et de viandes.
Les légumes ne sont pas interdits, à condition toutefois de tenir compte des sucres qu’ils contiennent et de les inclure dans la ration totale de glucides autorisée (environ 5 % des apports énergétiques, soit environ un maximum de 50 grammes par jour). À titre d’exemple, les haricots verts apportent 5 grammes de glucides pour 100 grammes.
L’efficacité du régime cétogène a fait l’objet de plusieurs études dans différentes situations pathologiques. Qu’en dit la science ?
Un régime efficace contre plusieurs affections
S’il existe un domaine où ce régime peut apporter des bénéfices, c’est pour traiter l’épilepsie. Le régime cétogène est ainsi une option thérapeutique en particulier chez des personnes souffrant d’épilepsie sévère. Les études montrent ainsi une réduction de la fréquence des crises d’épilepsie chez des enfants souffrant de formes résistantes aux traitements médicamenteux. Chez l’adulte, les résultats sont moins nets, ce qui ne signifie toutefois pas que le régime cétogène est inefficace. C’est la raison pour laquelle il est proposé à certains patients souffrant de ce type d’épilepsie.
En ce qui concerne le traitement du diabète, la réduction drastique des apports glucidiques s’accompagne d’une amélioration du contrôle de la glycémie (taux de glucose dans le sang, dont l’élévation définit le diabète). Le régime cétogène semble pour cela plus efficace qu’un régime très pauvre en calories, mais dont les glucides ne sont pas exclus. Toutefois, contrairement à ce qui est affirmé sur certains sites Internet, le régime cétogène ne guérit pas le diabète !
Qu’en est-il de la perte de poids ? Pour ce qui est du traitement de l’obésité, le régime cétogène est efficace en raison de son effet sur l’appétit. Les corps cétoniques réduisent en effet la sensation de faim, ce qui se traduit, après quelques jours de suivi du régime, par une réduction importante des apports caloriques. Et ce même si les produits gras peuvent être consommés, en théorie, à volonté.
Cependant, si la perte de poids observée est importante et rapide, un rebond pondéral survient dès l’arrêt du régime. C’est pourquoi il n’est pas plus indiqué que les autres régimes hypocaloriques pour traiter l’obésité.
Régime cétogène et cancer :
pas de bénéfice
Les présumées vertus du régime cétogène pour soigner le cancer ne datent pas d’hier. C’est en 1921 que le médecin russo-allemand Alfred Braunstein formule l’hypothèse que le glucose doit être consommé par des cellules cancéreuses pour les aider à se multiplier. Plus tard, un autre médecin chercheur, Otto Warburg, observe des perturbations dans l’utilisation du glucose par les cellules cancéreuses. Selon lui, c’est parce qu’elles tireraient essentiellement leur énergie de la fermentation du glucose.
Toutefois, il n’a jamais été démontré que la suppression du sucre supprime les cellules cancéreuses chez l’être humain. Selon le rapport scientifique du réseau National Alimentation Cancer Recherche (NACRe), aucune preuve n’existe d’un quelconque bénéfice d’un régime pauvre en glucides durant le traitement d’un cancer.
En outre, suivre un régime cétogène chez une personne traitée pour un cancer n’est pas sans danger. Cette alimentation peut en effet conduire à la dénutrition, laquelle peut à son tour contre-indiquer la poursuite des chimiothérapies. En pratique, les sociétés savantes ne recommandent pas donc pas de suivre un régime cétogène, y compris dans le cas d’un cancer avancé qui entraînerait une perte de chance pour le malade.
Cet article a été écrit en partenariat avec le site pums.fr.
Boris Hansel, Médecin, Maître de conférences des universités-praticien hospitalier, Inserm U1148, Faculté de Santé, Université de Paris et Paule Latino-Martel, Directrice de recherche. Coordinatrice du Réseau National Alimentation Cancer Recherche (réseau NACRe), Inrae
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original