Agroécologie Temps de lecture 5 min
Quelle est la circularité de la filière avicole en France ?
Cette étude quantifie les possibilités de réduction des fuites d’azote et d’augmentation de l’autonomie vis-à-vis des intrants de la filière avicole française.
Publié le 23 novembre 2023
A l’échelle mondiale, l’aviculture est le secteur d'élevage qui connait la croissance la plus rapide. En France, la consommation de poulet de chair, contrairement aux autres viandes, continue d’augmenter avec plus de 22,5 kg équivalent-carcasse (kgec) en moyenne par habitant en 2022 contre 15,6 kgec en 2012. Concilier augmentation de la production et engagement dans la transition agroécologique va nécessiter pour l’aviculture d’améliorer la circularité des flux de matières et d’énergie dans les territoires où elle est présente.
Le Pacte vert européen encourage la transition vers une agriculture plus circulaire, favorisant les pratiques agricoles vertueuses grâce à l'utilisation de ressources renouvelables et recyclées, produites sur place. En effet, cette circularité des flux est peu présente dans les systèmes issus des processus d’intensification et de spécialisation en agriculture. Ces processus ont par exemple entrainé une déconnexion géographique entre les productions végétales et les productions animales, avec des conséquences négatives en termes de pollution de l’air, des sols et des eaux, en raison de ruptures dans le bouclage des cycles.
Les chercheurs de l’UMR SAS, en collaboration avec l’ITAVI, proposent dans cette analyse un cadre d’évaluation de la circularité appliquée à une échelle nationale pour comprendre les potentiels de reconnexion entre les filières avicoles et végétales. L’objectif est de minimiser les importations d'aliments pour les animaux et de maximiser le recyclage des effluents vers les terres arables.
Cette étude a permis de caractériser pour la première fois l’ensemble des flux de nutriments à l’échelle de la filière avicole en France, en mesurant les flux d'azote à l'échelle nationale, entre 1990 et 2020. Pour améliorer la circularité (boucler les cycles), 2 pistes ont été explorées : premièrement, augmenter l'efficacité d'utilisation de l'azote à chaque étape de la chaîne d'approvisionnement, y compris le transfert d'azote via les effluents des volailles destinés aux cultures et l'utilisation des sous-produits des abattoirs et des industries de transformation ; deuxièmement, modifier les rations alimentaires en utilisant davantage d’ingrédients locaux issus des filières végétales non dédiées à l’alimentation humaine (coproduits et sous-produits).
Ainsi, les chercheurs estiment que l'efficacité d'utilisation de l'azote du secteur avicole est passée de 39 % en 1990 à 44 % en 2020. En revanche, l'autosuffisance en azote de la filière a à peine changé, atteignant 10 % en 2020, alors que les importations de produits avicoles ont été multipliées par 6. Sur l'ensemble des entrées annuelles (376 kt d'azote), 20 % seulement sont transformées en protéines consommables (viande et œufs), 24 % sont recyclés et 56 % sont perdus dans l'environnement.
L’empreinte spatiale de la filière avicole, qui correspond à la somme des surfaces nécessaires à l’alimentation des volailles produites en France, est estimée à 1,4 million d’hectares pour nourrir les volailles dont 0,4 million d’hectares sont actuellement à l’étranger (importations de tourteaux de soja essentiellement). Parmi les voies possibles d’amélioration de la circularité des flux au sein de la filière, cette étude met en exergue les compromis entre un gain en autonomie et la relocalisation des surfaces de production de l’alimentation animale en France.

Ces résultats permettent d’identifier, en les quantifiant, les possibilités de réduction des fuites d’azote, d’amélioration de la valorisation des intrants et de minimisation de la dépendance aux intrants extérieurs. La transition agroécologique de l’aviculture nécessitera un changement de paradigme qui consistera non seulement à décloisonner les filières, mais aussi à faire émerger une vision systémique pour boucler les cycles des flux de nutriments en associant productions animales et végétales au sein des territoires.
Les recherches se poursuivent pour analyser l’origine et les destinations des flux de matière en particulier pour l’alimentation animale et la gestion des effluents. Cette caractérisation de la circularité doit s’accompagner d’approches multiflux (P, énergie et carbone) et aussi multicritères (environnementaux, sociaux et économiques) pour construire des alternatives de reconnexion durables entre productions végétales et animales.
Harchaoui S., Blazy V., Péchenart E., Wilfart A. (2023-03-28). Challenges and opportunities for improving circularity in the poultry meat and egg sector: The case of France. Resources, Conservation and Recycling, 193, 106963 https://dx.doi.org/10.1016/j.resconrec.2023.106963>
https://hal.inrae.fr/hal-04048562