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Quand les chercheurs tentent de leurrer les nématodes phytoparasites
Les nématodes à kyste sont des ravageurs des cultures qui parasitent les racines des plantes. Ils peuvent rester en dormance des années avant de percevoir des exsudats racinaires, cocktails complexes de molécules sécrétés par les racines qui les raniment, provoquant l’infestation des plantes. Pour contrer les nématodes à kyste sans utiliser de produits toxiques, des chercheurs d’INRAE ont adopté une approche originale : répandre des exsudats pendant la période d’interculture, conduisant à l’éclosion suicide des nématodes, incapables de se développer en l’absence de leur plante hôte. Testé sur divers échantillons de sols français, ce leurre semble très efficace.
Publié le 24 novembre 2021
Les kystes, des bombes à retardement pour les cultures infestées
Le nématode à kyste de la pomme de terre Globodera pallida, comme tous ses cousins nématodes à kyste, donne du fil à retordre aux agriculteurs. Les nématicides chimiques permettant de lutter contre eux ont été récemment interdits en France car trop dangereux, ne laissant que peu d’options pour lutter contre ce nématode qui diminue le rendement des cultures en s’introduisant dans les racines, dont ils prélèvent les nutriments. Une fois un champ infesté, les femelles de Globodera pallida fécondées agissent comme des bombes à retardement, en formant à leur mort des kystes qui renferment entre 200 et 400 larves. Ces kystes peuvent survivre plus de 10 ans dans le sol avant que des exsudats racinaires ne réveillent de leur dormance les larves qu’ils contiennent, prêtes à coloniser de nouvelles racines.
Prendre le nématode à son propre jeu
Une voie de recherche prometteuse pour lutter contre les nématodes à kyste sans produits toxiques consiste à employer l’avantage du nématode contre lui-même : la synchronisation entre perception des exsudats racinaires et éclosion. L’idée consiste à utiliser des exsudats comme produit de biocontrôle pour provoquer une éclosion suicide des larves en absence de la plante hôte, c’est-à-dire en période d’interculture. Les larves écloses ne survivraient alors que 10-15 jours et ne pourraient donc pas attaquer la plante lors de la culture suivante.
L’un des obstacles à la mise en œuvre de cette technique était de vérifier que l’exsudat apporté en surface du sol atteindrait bien les kystes en quantité et qualité suffisante pour provoquer l’éclosion des larves, quelles que soient les propriétés physico-chimiques et biologiques des sols. C’est désormais chose faite grâce à l’unité de recherche INRAE Institut de Génétique Environnement et Protection des Plantes (IGEPP), qui a testé l’efficacité de cette méthode contre Globodera pallida dans des sols de propriété physico-chimiques et de compositions microbiennes contrastées. Les résultats de ces recherches ont été publiés en octobre 2020 dans la revue Frontiers in Microbiology.
Des performances très concluantes
Ce sont en tout quatre sols agricoles aux caractéristiques très distinctes qui ont été sélectionnés par l’IGEPP. Afin de dissocier l’effet global du sol (physico-chimie et microbiote) de l’effet du microbiote seul sur la réussite des éclosions suicides, une matrice de sol stérile a été inoculée à partir des microbiotes des sols agricoles pour produire quatre sols recolonisés. Des tests d’éclosion suicide ont ensuite été réalisés dans les sols agricoles et recolonisés en plaçant des kystes de Globodera pallida directement dans les différents sols et en appliquant deux doses d’exsudat racinaire, préalablement produit à partir de racines de pomme de terre.
Résultat : dans les quatre sols agricoles d’origine, l’éclosion est très forte (90%) quelle que soit la dose employée d’exsudat racinaire. Par contre, dans les quatre sols recolonisés, l’éclosion est fortement stimulée pour la dose la plus forte d’exsudat (90%), mais plus faiblement pour la dose plus faible (70%). Une première étape très encourageante vers l’utilisation d’exsudats racinaires comme nématicides naturels, même si leur production massive représente aujourd’hui un véritable défi technologique.
Référence : Gautier, C., Martinez, L., Fournet, S., Montarry, J., Yvin, J.C., Nguema-Ona, E., Guillerm-Erckelboudt, A.Y., Piriou, C., Linglin, J., Mougel, C., and Lebreton, L. (2020). Hatching of Globodera pallida induced by root exudates is not influenced by soil microbiota composition. Frontiers in Microbiology, 11: 536932. https://doi.org/10.3389/fmicb.2020.536932 |