Agroécologie 15 min

Le microbiote des nématodes entomopathogènes, un pas de plus dans la compréhension du mode de vie de parasites bio-insecticides.

Dans une étude publiée dans la revue Microbiome, une équipe montpelliéraine met fin à l’idée d’une interaction monoxénique entre un nématode entomopathogène et son symbiote bactérien.

Publié le 31 mars 2020

illustration Le microbiote des nématodes entomopathogènes, un pas de plus dans la compréhension du mode de vie de parasites bio-insecticides.
© Sophie Gaudriault INRAE

Les complexes némato-bactériens pathogène d’insectes sont étudiés à Montpellier depuis le début des années 1980. A l’époque, le jeune doctorant d’état, Noël Boemare, décrivait le mode d’action parasitaire de Steinernema carpocapsae, un nématode dont les larves libres vivent dans les sols. Ces larves sont utilisées depuis les années 30 dans la lutte biologique phytosanitaire contre les insectes ravageurs de culture. Le futur créateur du laboratoire d’Ecologie Microbienne des Insectes et Interactions Hôtes-Pathogènes (devenu depuis par fusion avec d’autres équipes, le laboratoire Diversité Génome & Interactions Microorganismes-Insectes, UMR1333 INRAe-UM) démontrait le rôle prépondérant de la bactérie symbiotique Xenorhabdus nematophila dans la multiplication du nématode et dans son entomotoxicité, avec la description de plusieurs autres espèces de bactéries jugées à l’époque moins opérantes [1].

L’explosion des connaissances sur le microbiote, c‘est-à-dire la communauté de microbes associée à un hôte, et les conséquences qui découlent de ses variations (par exemple, des maladies intestinales chroniques suite aux altérations du microbiote intestinal humain) conduisent actuellement la communauté des microbiologistes pathologistes à revoir sa vision fondée sur l’équation « une maladie = un pathogène » et à l’élargir à la notion de pathobiome, c’est-à-dire « une maladie = un pathogène + une communauté de microbes qui peuvent influencer le déroulé et l’issue de la maladie » [2].

C’est pourquoi un groupe de scientifiques montpelliérains, héritiers des travaux de Noël Boemare, se sont intéressés à la microflore bactérienne associée au nématode en plus du symbionte Xenorhabdus nematophila déjà connu. Grâce à des financements INRAe (département « Santé des Plantes et Environnement » et Metaprogramme « Meta-omics des Ecosystèmes Microbiens »), ils ont tout d’abord conçu un outil adapté pour permettre la description moléculaire (« metabarcoding ») des espèces bactériennes associées au nématode [3]. Les auteurs ont ensuite mis en évidence que ce microbiote n’est pas une microflore acquise au hasard. Au sein de cette communauté composée d’une dizaine d’espèces cultivables (principalement des Protéobacteries), l’espèce Pseudomonas protegens est aussi pathogène d’insecte, tout comme le symbiote Xenorhabdus nematophila, ce qui suggère que P. protegens pourrait également avoir un rôle dans l’entomotoxicité du complexe parasitaire [4].

Ces résultats publiés dans la revue « Microbiome » permettent d’explorer la notion de pathobiome chez un modèle biologique aisément manipulable et pour lequel il n’y a pas d’enjeux éthiques comme chez les mammifères. Les auteurs vont donc poursuivre ces études pour évaluer le rôle potentiel de chacun des membres du microbiote du nématode dans le cycle parasitaire chez l’insecte. De plus, les nouvelles connaissances sur cet agent de biocontrôle permettent d’envisager une meilleure maîtrise de sa production car le maintien a minima de cette microflore est probablement d’importance pour une efficacité optimale des activités entomotoxiques des complexes némato-bactériens.





Références

[1] Boemare, N., 1983. Recherches sur les complexes némato-bactériens entomopathogènes : étude bactériologique gnotobiologique et physiopathologique du mode d'action parasitaire de Steinernema carpocapsae Weiser (Rhabditida Steinernematidae). Thèse de l'Université Montpellier 2.

[2] Vayssier-Taussat, M., Albina, E., Citti, C., Cosson, J.-F., Jacques, M.-A., Lebrun, M.-H., Le Loir, Y., Ogliastro, M., Petit, M.A., Roumagnac, P., Candresse, T., 2014. Shifting the paradigm from pathogens to pathobiome: new concepts in the light of meta-omics. Front Cell Infect Microbiol 4, 29. doi:10.3389/fcimb.2014.00029

[3] Ogier, J.-C., Pagès, S., Galan, M., Barret, M., Gaudriault, S., 2019. rpoB, a promising marker for analyzing the diversity of bacterial communities by amplicon sequencing. BMC Microbiol 19, 171–16. doi:10.1186/s12866-019-1546-z

[4] Ogier, J.-C., Pagès, S., Frayssinet, M., Gaudriault, S., 2020. Entomopathogenic nematode-associated microbiota: from monoxenic paradigm to pathobiome. Microbiome 8, 25. doi:10.1186/s40168-020-00800-5

Sophie Gaudriault

Contacts

Sophie Gaudriault UMR Diversité, génomes et interactions microorganismes-insectes (INRAE, Univ. Montpellier)

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