Malgré les recherches intensives menées au cours des dernières décennies et l'avancée significative des connaissances, les pratiques agronomiques recommandées ne suffisent pas à garantir des niveaux de mycotoxines conformes aux limites réglementaires. Jusqu'à présent, les recherches visant à fournir des bases pour le développement de stratégies de contrôle des mycotoxines ont été presque exclusivement menées en considérant « un pathogène-une maladie », une approche qui s'est avérée insuffisante pour atteindre une compréhension globale du processus de la maladie de la fusariose et de l'accumulation des mycotoxines dans les cultures. En effet, le mélange d'espèces de Fusarium en interaction dans une niche écologique partagée est susceptible d'entraîner une production de mycotoxines ayant sa propre régulation qui ne peut être prédite en étudiant les espèces fongiques individuellement. Il est clair que les interactions entre les espèces de Fusarium vont au-delà du simple théorème 1 + 1 font 2. Un changement de paradigme est nécessaire : l'approche centrée sur une seule espèce de Fusarium doit être dépassée.
Ce défi guide le projet TEAMTOX qui propose de considérer Meta-Fusarium sp. comme un individu unique.

La Fusariose de l'épi : le cycle d’infection et de contamination par les mycotoxines est sous l’influence de nombreux facteurs environnementaux et agronomiques. (Illustration : Valentin Fiévet, PhD recruté dans le cadre du projet TEAMTOX)
Meta-Fusarium sp. : 7 champignons pathogènes étudiés comme un seul
Dans ce contexte, l'objectif de TEAMTOX est de déchiffrer la régulation de la biosynthèse des mycotoxines produites par ce que nous appellerons « Meta-Fusarium sp. ». Le Meta-Fusarium sp., qui comprend les principales espèces de Fusarium impliquées dans la FHB, sera considéré dans les analyses écophysiologiques comme un champignon individuel fonctionnant comme un organisme unique. L'approche novatrice qui sous-tend le projet de recherche TEAMTOX ouvrira la voie à de meilleures stratégies de lutte contre la fusariose et les mycotoxines. Elle illustrera la nécessité de dépasser les approches réductionnistes centrées sur une seule espèce fongique pour identifier et valider l’efficacité de nouvelles solutions alternatives aux fongicides de synthèse.
Pour valider l’intérêt du nouveau paradigme guidant le projet TEAMTOX et proposer une méthodologie et des données pour utiliser un Meta-Fusarium sp., les activités de recherche s’organisent autour de quatre questionnements sur le fonctionnement biologique de Meta-Fusarium sp.
1.) Quelles sont les dynamiques de la composition de Meta-Fusarium sp. et sa production de métabolites secondaires sous pressions abiotiques ? L’objectif est de décrire la cinétique de distribution des espèces de Fusarium et les profils de mycotoxines produites par Meta-Fusarium sp. ainsi que d’identifier les perturbations induites par différents facteurs abiotiques dont la température et le potentiel redox de l’environnement.
2.) Comment est régulée la production de mycotoxines par les Meta-Fusarium sp. lorsqu'ils sont exposés à des pressions abiotiques ? Des études de génomique et épigénomique seront conduites pour identifier les événements moléculaires qui conduisent à la production de mycotoxines par Meta-Fusarium sp., en lien avec la dynamique de sa composition.
3.) La diversité génétique intra-spécifique d’une des espèces constituantes a-t-elle un impact significatif sur la composition et le fonctionnement de Meta-Fusarium sp. ? Les espèces de Fusarium sont connues pour montrer une extrême diversité génétique et phénotypique, liée à un fort potentiel adaptatif. En substituant une souche d’une des espèces constituantes du Meta-Fusarium sp. par d’autres souches génétiquement différentes, nous caractériserons l’effet souche sur la composition de Meta-Fusarium sp. et son profil de mycotoxines.
4.) La susceptibilité de Meta-Fusarium sp. aux biomolécules et agents de biocontrôle diffère-t-elle de celle des espèces constituantes ? Meta-Fusarium sp. peut-il contribuer à optimiser les essais d’évaluation d’efficacité ? L’objectif est de soutenir la valeur ajoutée de notre approche Meta-Fusarium sp. en évaluant les effets de candidats au biocontrôle dont la bioactivité a été précédemment démontrée par des approches in vitro centrées sur une seule espèce. Il est en effet plus que probable que l’efficacité de ces biosolutions soit fortement modulée en situations d’interactions biotiques.
Des avancées scientifiques significatives sont attendues du projet TEAMTOX qui apportera de nouvelles connaissances sur les déterminants de l’accumulation de mycotoxines dans les récoltes céréalières et les mécanismes de régulation de leur production. Ces avancées illustreront l’intérêt des recherches sur un Meta-pathogène, un nouveau concept qui pourrait aussi bénéficier aux initiatives de recherche portant sur d’autres maladies fongiques des plantes. L’ensemble des données acquises dans TEAMTOX contribuera à l’optimisation de stratégies de contrôle de la fusariose et des contaminations en mycotoxines ainsi qu’à la réduction de l’emploi de fongicides de synthèse. Une limitation des pertes économiques dans les filières céréalières et une diminution de l’exposition des consommateurs à des molécules toxiques sont les deux objectifs ultimes du projet.