Agroécologie 3 min

L'agressivité d'un champignon ravageur de céréales contrôlée par une mutation génétique

L’unité Mycologie et Sécurité des Aliments apporte de nouvelles perspectives dans la recherche de moyens de lutte efficace contre la fusariose des épis, une maladie causée par des champignons qui affectent les céréales à paille. En étudiant l’un des agents pathogènes responsables de cette maladie, les chercheurs d’INRAE ont découvert chez ce dernier l’existence d’une mutation dans l’un de ses gènes, limitant considérablement son pouvoir pathogène. Une découverte prometteuse pour lutter contre une maladie à fort impact sanitaire.

Publié le 28 février 2022

illustration L'agressivité d'un champignon ravageur de céréales contrôlée par une mutation génétique
© INRAE, Marie-Anne GARCIA

La fusariose, une maladie coriace

La fusariose des épis est une maladie ravageuse et encore assez difficile à cerner qui touche les champs de céréales à paille. Elle est provoquée par des champignons pouvant causer de grandes pertes de rendement dans les champs. En plus de leur caractère pathogène, certains d’entre eux sécrètent des toxines dans les grains des céréales. La production céréalière étant destinée à l’alimentation humaine ou animale, cette maladie devient alors un enjeu sanitaire, d’autant plus que les mycotoxines produites au champ se retrouvent tout au long de la chaine de production jusqu’au produit transformé. La fusariose est une maladie très difficile à maîtriser en raison de la grande diversité génétique présente chez ces espèces pathogènes. Ainsi, les laboratoires de recherche misent désormais sur des actions de prévention pour éviter les épidémies et pour limiter également l’utilisation de pesticides. Mais pour définir quelles stratégies mettre en place, il est nécessaire de comprendre en premier lieu comment le champignon pathogène s’installe, parasite la plante et s’adapte à son environnement.

Etudier le nuisible…

Les chercheurs de l’unité Mycologie et Sécurité des Aliments ont ainsi étudié la relation parasitaire entre le blé et Fusarium graminearum (un des champignons les plus ravageurs). La plante présente une résistance partielle à l’infection par le champignon, qui montre une grande diversité phénotypique, notamment quant à son agressivité et la quantité de toxines produites.  L’équipe de recherche s’est alors donnée comme mission de débusquer le ou les gènes responsables de l’expression de ces caractères, à travers une approche de génétique quantitative. Cette approche permet l’étude des caractères génétiques quantitatifs (comme par exemple la taille, le poids, ou encore la quantité de toxines produites). La méthode utilisée a permis de cartographier dans le génome du champignon, des QTL (abréviation anglaise de Quantitative Trait Locus), régions contenant un ou plusieurs gènes responsables de l’expression du caractère étudié. Cette méthode dite de QTL mapping, utilisée couramment chez les plantes ou les espèces animales, reste originale pour étudier la génétique des champignons phytopathogènes.

…pour trouver son talon d’Achille

Et cette analyse a su porter ses fruits ! Un QTL majeur a en effet été identifié, contenant notamment un gène appelé Velvet, dont le rôle est de réguler l’expression de nombreux caractères fondamentaux dans la biologie du champignon, dont les caractères de pouvoir pathogène. L’équipe a pu déterminer qu’une mutation spécifique de ce gène conduit à une réduction de l’agressivité de F. graminearum, ainsi qu’à une baisse significative de sa capacité à produire des mycotoxines. Le contrôle de cette mutation pourrait donc permettre au sein des cultures comme le blé, de limiter le développement de la maladie. L’équipe de recherche prévoit ainsi de prolonger l’étude sur le terrain, sur des populations naturelles, afin de mieux comprendre le rôle que peuvent avoir des variants alléliques d’un gène comme Velvet sur l’épidémiologie de F. graminearum. Affaire à suivre de près…

Référence : 

Benoit Laurent, Magalie Moinard, Cathy Spataro, Sylvain Chéreau, Enric Zehraoui, Richard Blanc, Pauline Lasserre, Nadia Ponts, Marie Foulongne-Oriol, QTL mapping in Fusarium graminearum identified an allele of FgVe1 involved in reduced aggressiveness, Fungal Genetics and Biology, Volume 153, 2021, 103566, ISSN 1087-1845, https://doi.org/10.1016/j.fgb.2021.103566.

 

Mylène LE CAËRRédactriceDépartement SPE

Contacts

Marie FOULONGNE-ORIOL ChercheuseMycologie et Sécurité des Aliments (MycSA)

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