Agroécologie 3 min
Diviser pour mieux régner
Les chercheurs du Laboratoire des Interactions Plantes Microorganismes d’INRAE ont étudié un mécanisme de coopération au sein de colonies de champignons, une méthode de division du travail, où chaque cellule œuvre différemment dans un but commun. Ainsi, les cellules des filaments mycéliens auraient des fonctions différentes mais complémentaires, leur permettant un travail collectif dans le processus d’infection de l’hôte. Cette organisation coopérative au sein des filaments fongiques est d’autant plus importante pour le succès du champignon que la plante attaquée est capable de se défendre efficacement. Ces résultats originaux apportent des éléments de compréhension du pouvoir infectieux de ce champignon pathogène.
Publié le 23 avril 2020
Sclerotinia sclerotiorum, un champignon pathogène
La pourriture blanche est une maladie des plantes provoquée par Sclerotinia sclerotiorum, un champignon parasite. Il infecte de nombreuses espèces végétales, cultivées ou non, et particulièrement les légumes (comme la pomme de terre ou encore la tomate). Très présente en France, cette maladie a un impact économique important sur les espèces cultivées et engendre de fortes pertes de rendements.
Les symptômes du champignon sont observables à l’œil nu. Des nodules appelés sclérotes, composés de mycélium, sont visibles sur la plante infectée et peuvent persister plusieurs années. Ils constituent la forme de résistance du champignon et lui permettent de survivre. D’autres symptômes sont observables comme la présence de mycélium dans les tissus infectés ainsi que de la pourriture.
Contrairement à la majorité des champignons, S. sclerotiorum peut déclencher des maladies sur des centaines d’espèces différentes. Cette large capacité d’infection augmente la vitesse de propagation de la maladie. C’est pourquoi, il est important d’étudier les phénomènes moléculaires et cellulaires sous-jacents afin de comprendre le pouvoir infectieux de ce champignon.
La coopération cellulaire au service de l’infection
Les chercheurs du Laboratoire des Interactions Plantes Microorganismes (LIPM) ont combiné séquençage global du transcriptome (ensemble des ARN issus de la transcription du génome), modélisation du métabolisme du champignon et modélisation biophysique du transport spatial des nutriments afin de déterminer les bénéfices de la coopération chez le parasite.
Une différence d’expression des gènes a été observée entre les cellules de l’extrémité du filament et celles situées au centre, uniquement quand le champignon infecte un hôte. Pendant l’infection les cellules n’ont pas la même fonction mais elles œuvrent toutes pour la colonisation de l’hôte et la croissance du champignon. Certaines vont par exemple produire des toxines pour détruire les cellules végétales, tandis que d’autres feront des réserves de nutriments, et même si la plante se défend, la croissance du champignon se poursuit. Ce n’est plus le cas quand le lien est rompu entre les différentes cellules. Cette coopération entre les cellules du centre et celles de l’extrémité permet donc au champignon de faire face aux défenses de la plante.
Ces travaux montrent que la coopération entre les cellules des filaments du champignon est un mécanisme qui lui confère un fort pouvoir d’infection envers une large gamme d’hôtes. La compréhension des mécanismes moléculaires du pouvoir infectieux des agents pathogènes est donc essentielle à la mise en place de stratégies de gestion des maladies.
Référence Rémi Peyraud, Malick Mbengue, Adelin Barbacci & Sylvain Raffaele. Intercellular cooperation in a fungal plant pathogen facilitates host colonization.PNAS February 19, 2019 116 (8) 3193-3201 |