Biodiversité 3 min

Pollinisation du châtaignier : les travaux d’une équipe du Centre INRAE Nouvelle-Aquitaine Bordeaux primés.

Clément Larue, Eva Austruy, Gaëlle Basset et Rémy Petit de l’unité de recherches Biogeco à Cestas ont récemment montré, dans une étude publiée en 2021 dans la revue Botany Letters, que le châtaignier est très majoritairement pollinisé par les insectes.

Publié le 13 avril 2022

illustration Pollinisation du châtaignier : les travaux d’une équipe du Centre INRAE Nouvelle-Aquitaine Bordeaux primés.
© INRAE

Le débat autour du mode de pollinisation du châtaignier remonte au moins au XIXème siècle. Ce sujet a été remis sur la table par les producteurs de châtaignes, qui s’interrogeaient sur l’efficacité de la pollinisation dans leurs vergers, en lien avec la production de fruits. Une thèse CIFRE, entre INRAE et Invenio (une station d'expérimentation de la filière fruits et légumes en Nouvelle Aquitaine) a donc été lancée en 2018 pour étudier cette question.

Clément Larue, doctorant à Biogeco (2018-2021), a voulu identifier le principal vecteur du pollen des châtaigniers. Peu de travaux sur ce sujet étant disponibles malgré l’importance de cet arbre, il a mis en place une expérimentation dans les vergers d’Invenio dans le Périgord, en disposant des filets autour des rameaux de châtaignier. Ces filets empêchent le passage des insectes, mais pas celui du vent. Après comparaison avec des arbres témoins non équipés de filets, il a montré que la probabilité de fécondation s’effondre lorsque les insectes sont empêchés de venir sur les fleurs.

Suite à la publication de ce résultat, une partie des acteurs – aussi bien des professionnels de la châtaigne que des scientifiques - s’est montrée très sceptique. En effet, des ouvrages agronomiques et des publications scientifiques indiquent depuis longtemps que c’est le vent le principal vecteur du pollen de châtaignier, ce qui semblait cohérent avec le fait que le pollen de châtaignier peut être dispersé dans l’air sur plusieurs dizaines de kilomètres.

Les chercheurs de Biogeco ont donc reproduit leurs expériences sur un autre site, à Villenave d’Ornon, deux années de plus, afin de vérifier ces résultats. Ces nouvelles expériences ont confirmé le rôle majeur des insectes pollinisateurs. En présence de filet, la pollinisation des fleurs de châtaignier chute de 94% ! Ces travaux ont également montré que les abeilles domestiques n’étaient pas responsables de la pollinisation. Elles visitent les fleurs mâles, récupèrent nectar et pollen, mais ne vont que très rarement sur les fleurs femelles, à la différence d’autres insectes, notamment des mouches et des coléoptères.

L’ensemble de ces travaux permet de revoir la conception des vergers et de réfléchir à la mise en place d’actions en faveur de la biodiversité, afin d’améliorer le rendement. Il faut pour cela s’assurer que les insectes pollinisateurs sauvages sont abondants et diversifier les variétés donneuses de pollen présentes dans les vergers. Au-delà de l’appui à la filière castanéicole, ces résultats conduisent à reclasser le châtaignier, la septième espèce d’arbre forestier la plus abondante en France, parmi les espèces pollinisées par les insectes. Cette espèce doit donc être désormais considérée comme la première espèce d’arbre entomophile en France, constituant ainsi un enjeu majeur pour la conservation des pollinisateurs sauvages.

Ce travail vient d’obtenir le prix Jussieu 2021, doté de 5000€, décerné par la Société botanique de France. Avec une dotation de deux ans (salaire d’un postdoc et fonctionnement associé), obtenue dans le cadre du Plan de Relance (mesures de préservation de l'emploi de R&D), les travaux engagés en collaboration avec Invenio et la filière castanéicole vont pouvoir se poursuivre !

Grégory Lambert Chargé de communicationSDAR

Contacts

Remy PetitDirecteur de rechercheUNITÉ MIXTE DE RECHERCHE "BIOLOGIE GENES ET COMMUNAUTÉ"

Clément LarruePost-DoctorantUNITÉ MIXTE DE RECHERCHE "BIOLOGIE GENES ET COMMUNAUTÉ"

Le centre

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