Biodiversité 3 min
Le pollen réduit la sensibilité des abeilles aux pesticides
De nombreux travaux scientifiques ont montré le rôle crucial de la nutrition pollinique sur la santé des abeilles mellifères (Apis mellifera). La consommation de pollen peut notamment améliorer l’immunité et la tolérance aux agents pathogènes des abeilles. Des chercheurs INRAE ont récemment étudié l’influence de la nutrition en pollen sur la sensibilité des abeilles aux pesticides. Ils ont mis en évidence que certains pollens ont des effets bénéfiques plus importants que d’autres, ceci étant dû à des différences dans leurs compositions en nutriments et en composés phytochimiques selon les espèces florales.
Publié le 15 septembre 2021
Des pollens qui permettent de mieux tolérer un insecticide
Des chercheurs INRAE de l’unité Abeilles et Environnement avec leurs homologues belges, italiens et suisses ont récemment évalué l’influence de deux mélanges polliniques (nommés ici pollen 1 et 2) sur la sensibilité des abeilles au sulfoxaflor, un insecticide agissant sur les mêmes cibles que les néonicotinoïdes. Ils ont mis en évidence des effets bénéfiques de la consommation de pollen sur la tolérance au sulfoxaflor suite à une exposition aiguë (une dose) et à des expositions chroniques (abeilles exposées au pesticide pendant 10 jours). Notamment, lors de l’exposition chronique, l’alimentation en pollen a permis de diminuer le risque de mortalité des abeilles exposées au sulfoxaflor. Si la faible concentration de sulfoxaflor (0,2 µg/ml de sirop) a augmenté par 1,5 le risque de mortalité des abeilles n’ayant pas reçu de pollen, ce risque est devenu non significatif chez les abeilles ayant consommé du pollen. De même, pour la concentration la plus élevée (2 µg/ml de sirop) représentant un scénario extrême d’exposition, le risque de mortalité est passé de 12 (pas de pollen) à environ 5 (avec pollen). Les chercheurs ont également observé que la capacité des abeilles à tolérer le pesticide a été affectée par le type de mélange pollinique. En effet, les abeilles nourries avec le pollen 1 ont encore mieux toléré le pesticide que celles nourries avec le pollen 2.
Un effet « détox » des pollens, différent selon leur composition
Cette baisse de toxicité est notamment liée aux capacités de détoxification des pesticides par les abeilles. Les mesures de résidus de pesticides après exposition ont montré que la concentration de sulfoxaflor a diminué plus fortement chez les abeilles ayant consommé du pollen, et plus rapidement chez les abeilles nourries avec le pollen 1 par rapport aux abeilles nourries avec le pollen 2. Cette meilleure détoxification semble dû à une plus faible concentration de l’acide p-coumarique dans le pollen 1 (637 μM) que dans le pollen 2 (1491.6 μM). En effet, de précédents travaux ont montré que des concentrations relativement faibles d’acide p-coumarique ont des effets positifs sur la longévité et les capacités de détoxification des abeilles, alors que des concentrations élevées n’ont pas d’effets ou au contraire deviennent toxiques.
Les chercheurs démontrent à partir des résultats de cette étude que la disponibilité et la qualité du pollen facilitent l’élimination des pesticides dans le corps des abeilles et diminuent leur sensibilité à ces composés. Par conséquent, la baisse des ressources florales, en quantité et en qualité, dans les agrosystèmes pourrait augmenter la sensibilité des abeilles aux pesticides, ce qui constitue un argument supplémentaire en faveur de la restauration de la diversité des ressources florales dans ces habitats, afin de protéger les abeilles.
Cette étude a été financée par le projet européen PoshBee - Pan-european assessment, monitoring, and mitigation Of Stressors on the Health of BEEs (programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union Européenne).
Référence : Barascou L., Sené D., Barraud A., Michez D., Lefevre V., Medrzycki P., Di Prisco G., Strobl V., Yañez O., Neumann P., Le conte Y., Alaux C. (2021) Pollen nutrition fosters honeybee tolerance to pesticides. Royal Society Open Science. 8: 210818. https://doi.org/10.1098/rsos.210818 |