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Plus de protéines végétales dans l'assiette des séniors ?

Avec le vieillissement, la synthèse des protéines par le corps est moins efficace, entrainant une diminution des capacités musculaires, appelée sarcopénie. Il est donc recommandé aux personnes âgées d’augmenter leur apport en protéines, en particulier en protéines d’origine animale dont le profil en acides aminés est équilibré. Seulement, l’altération des capacités masticatoires et les choix alimentaires de cette population conduisent à une réduction de la consommation d’aliments riches en protéines animales. Une solution ? Mettre plus de protéines végétales (céréales, légumineuses) dans l’assiette des seniors. Une piste analysée par les chercheurs et chercheuses d'INRAE.

Publié le 08 novembre 2021

illustration Plus de protéines végétales dans l'assiette des séniors ?
© INRAE, NICOLAS Bertrand

L’efficacité d'utilisation des acides aminés diminue avec l’âge

Au-delà des changements de poids ou de la présence d’une faible corpulence, la dénutrition se caractérise par une réduction de la masse et de la fonction musculaire. De ce fait, les apports nutritionnels, notamment protéiques, ont non seulement pour but de couvrir les besoins nécessaires au maintien du muscle mais ils doivent aussi favoriser la préservation de la qualité de vie incluant la mobilité. Il est aujourd’hui bien documenté que l’utilisation des acides aminés issus de la digestion des protéines alimentaires est de moins en moins efficace avec l’avancée en âge, ce qui challenge l’efficience des stratégies nutritionnelles mises en place pour lutter contre la dénutrition. L'apport protéique doit donc être augmenté afin de maintenir les grandes fonctions de l’organisme et notamment la masse et la fonction musculaires pour retarder la fragilité et la dépendance de la personne âgée.

L’apport protéique recommandé a été fixé à minima à 1g/kg/j de protéines pour la personne âgée. Il est de 0,83g/kg/j pour les adultes jeunes en bonne santé.

Cet objectif n’est pas toujours facile à atteindre pour cette population en raison de la perte d’appétit, de la moindre appétence pour les protéines, de problèmes fréquents de mastication ou de la volonté de consommer moins de  viande ou de produits d’origine animale.  

Les protéines végétales : quelle stratégie chez les séniors ?

Bien que la consommation régulière de certaines protéines animales, comme les protéines solubles du lait (lactosérum) permette chez le sénior de maintenir la masse protéique de l’organisme, en particulier au niveau musculaire, la recherche de sources alternatives de protéines également efficaces mais issues de plantes a reçu beaucoup d'attention au cours de la dernière décennie. Cette demande coïncide avec les recommandations de la FAO et de l’OMS qui visent à équilibrer nos apports de protéines animales et végétales.

Outre certains problèmes techniques et organoleptiques, l'un des principaux obstacles à la consommation de protéines végétales est généralement leur composition déséquilibrée en acides aminés indispensables, et leur plus faible digestibilité comparativement aux protéines animales.

Néanmoins, il existe des solutions pour optimiser l’équilibre en acides aminés indispensables des aliments végétaux : en combinant céréales et légumineuses de compositions en acides aminés complémentaires, en complémentant les aliments en acides aminés déficitaires ou en consommant des quantités plus élevées de produits à base de protéines végétales.

Cette stratégie du « mélange » a été testée chez des rongeurs âgés qui ont été nourris avec un mix équilibré de protéines de blé et de diverses sources de protéines de légumineuses (féverole, pois ou lentille). Les résultats montrent que ces mélanges ne permettent pas de maintenir la masse musculaire de la même façon que les protéines de lactosérum aux mêmes quantités ingérées. Ceci montre bien qu’il est nécessaire, chez les séniors, d’augmenter aussi les quantités de protéines d’origine végétale ingérées même si différentes sources ont été mélangées pour équilibrer la composition en acides aminés.

Les chercheurs ont donc recherché si une alimentation protéique fortement végétalisée était quand même envisageable chez le sénior en bonne santé, dans le cadre d’une consommation « raisonnable ». Les résultats montrent qu’une telle stratégie est possible en mélangeant des protéines végétales équilibrées avec des protéines de lactosérum dans des proportions 70%/30%, respectivement et en augmentant l’apport protéique total de 25 %.

Le nombre de produits alimentaires à base de protéines végétales ne cesse de croître sur le marché et l’utilisation d’outils d’optimisation laisse entrevoir la possibilité de créer, en les mélangeant, des ingrédients protéiques végétaux de très forte qualité nutritionnelle, assurant à la fois la couverture des besoins minimaux en acides aminés indispensables et un apport supplémentaire en acides aminés spécifiquement adaptés à la population de consommateurs séniors.

Préserver la biodisponibilité des acides aminés

Mettre plus de protéines végétales dans l’assiette du sénior présente l’avantage d’accroitre l’apport en fibres et en bioactifs végétaux ayant des propriétés antioxydantes ou anti-inflammatoires, comme les polyphénols. Il faut toutefois faire attention, car certaines de ces molécules bioactives peuvent diminuer dans le sang la quantité des acides aminés issue de la digestion des protéines alimentaires.

Les chercheurs ont montré que la digestion des protéines alimentaires n’était pas modifiée lors de repas contenant des fruits et légumes riches en polyphénols, mais l’ingestion d’une quantité équivalente de polyphénols sous forme d’extraits purifiés a diminué significativement la digestibilité apparente de ces protéines. Bien qu’elles soient attractives sur le plan de leur effet santé, l’enrichissement du régime avec des polyphénols sous forme d’extraits dans des compléments alimentaires ou sous forme d’additifs lors de la préparation d’aliments, pourrait ainsi avoir des effets délétères en diminuant la biodisponibilité des acides aminés. De façon générale, toute modification de la matrice alimentaire (texture, dureté, viscosité, interactions entre les molécules de l’aliment ...) peut dégrader fortement la qualité nutritionnelle des protéines alimentaires chez le sénior. Il est donc préférable de privilégier une alimentation équilibrée et basée sur des aliments peu ou pas transformés.

 

Références

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