Alimentation, santé globale

Passage à la retraite : quels effets sur les pratiques alimentaires ?

Le passage à la retraite représente une transition importante au cours de la vie. Comment évolue notre alimentation quand nous vieillissons ? Nous conformons-nous plus aux recommandations nutritionnelles ? Prendre sa retraite est-il l’occasion de mieux manger ? Pour répondre à ces questions des scientifiques d’INRAE ont mené plusieurs études.

Publié le 28 juin 2021

illustration Passage à la retraite : quels effets sur les pratiques alimentaires ?
© INRAE

Entre leurs 45 et leurs 75 ans, les sujets adoptaient une alimentation de plus en plus conforme aux recommandations nutritionnelles

De premiers enseignements ont été tirés d’un suivi au long cours des habitudes alimentaires. Des chercheuses d’INRAE ont utilisé les données de la cohorte GAZEL, composée de 20 000 hommes et femmes agents d’EDF-GDF qui avaient environ 45 ans en 1990 et qui ont été interrogés sur leurs habitudes alimentaires à cinq reprises entre 1990 et 2014. Les chercheuses ont constaté qu’entre leurs 45 et leurs 75 ans, les sujets adoptaient une alimentation de plus en plus conforme aux recommandations nutritionnelles, consommant progressivement plus de fruits, légumes et produits laitiers, et moins de produits gras et sucrés.

 

Des analyses plus précises sur la consommation de légumes confirment et précisent ces résultats. En 1990, 17,7 % des hommes et 31 % des femmes de la cohorte déclaraient consommer des légumes tous les jours, en 2009 c’était le cas pour un homme sur trois et une femme sur deux. Entre-temps tous avaient pris leur retraite.

 

Parmi les personnes interrogées, moins de la moitié déclaraient prendre leur déjeuner à domicile lorsqu’ils travaillaient tandis que la quasi-totalité déclarait le prendre à domicile lorsqu’ils étaient en retraite. Les chercheuses ont constaté un changement important et significatif du niveau de consommation de légumes chez ceux qui avaient changé leur lieu de déjeuner lors de leur passage à la retraite. Il semble donc que la retraite provoque un changement dans le contexte des repas qui s’accompagne d’une modification de l’alimentation. (1, 2, 3)

 

L’influence de la variation de revenu

Et du côté du porte-monnaie… différents travaux montrent que les dépenses alimentaires diminuent entre 4 % à 14 % au cours de l’année du passage à la retraite. Toutefois, cette diminution des dépenses alimentaires n’indique pas nécessairement que les quantités consommées varient dans la même mesure. Peu d’études scientifiques ont considéré à la fois les dépenses alimentaires et les quantités d’aliments achetés pour séparer l’impact d’éventuels changements dans le comportement d’achats et de préparation de repas (plus de temps consacré à la recherche de promotions, préparation de repas à partir d’ingrédients de base…) des changements réels dans les quantités consommées.

Une baisse importante des dépenses et des quantités d’aliments achetés l’année suivant le passage à la retraite.

En analysant l’évolution de la consommation alimentaire d’un panel de plus de 1 600 ménages au sein desquels le chef de famille a pris sa retraite, les chercheurs d’INRAE ont pu étudier l’effet causal du passage à la retraite à la fois sur les dépenses alimentaires et les quantités d’aliments réellement achetés. Ils mettent en évidence une baisse importante des dépenses et des quantités d’aliments achetés l’année suivant le passage à la retraite. Les achats de produits d’origine animale affichent la plus forte diminution, avec plus de 30% de baisse. En supposant que les ménages consomment ce qu’ils achètent, cela suggère que non seulement ils dépensent moins d’argent pour la nourriture, mais qu’ils en consomment également une plus petite quantité. En outre, les chercheurs constatent que les ménages ayant de faibles revenus avant la retraite sont aussi ceux qui enregistrent la plus forte baisse des achats alimentaires, ce qui suggère que la diminution des achats est due à un manque de moyens financiers. Ces données tiennent compte des variations dans le temps de la taille du ménage, du nombre de repas pris hors domicile et de la possession d’un jardin ou d’arbres fruitiers.

Les impacts potentiels sur la santé de ces changements sont ambigus. D’un côté la baisse de consommation de graisses, de sel et de sucre pourrait avoir des conséquences positives mais par ailleurs la diminution de la consommation de protéines et de vitamines risque de compromettre l’équilibre alimentaire des retraités. (4)

 

Références

  1. Dion, C., Gojard, S., Plessz, M. & Zins, M. (2020). Bien vieillir, bien manger : Avancée en âge et modifications de l’alimentation dans la cohorte Gazel. Gérontologie et société, 2(2), 99-120. https://doi.org/10.3917/gs1.162.0099
  2. Plessz, M., Guéguen, A., Goldberg, M., Czernichow, S., & Zins, M. (2015). Ageing, retirement and changes in vegetable consumption in France: Findings from the prospective GAZEL cohort. British Journal of Nutrition, 114(6), 979-987. doi:10.1017/S0007114515002615
  3. Plessz, M. & Guéguen, A. (2017). À qui profite le couple : Une étude longitudinale de l’alimentation à l’intersection du genre, de la situation conjugale et du statut social. Revue française de sociologie, 4(4), 545-576. https://doi.org/10.3917/rfs.584.0545
  4. Olivier Allais, Pascal Leroy, Julia Mink, (2020) Changes in food purchases at retirement in France, Food Policy, Volume 90, https://doi.org/10.1016/j.foodpol.2019.101806

Claire Gaudout

Contacts

Marie PlesszCentre Maurice Halbwachs

Olivier AllaisUnité Alimentation et Sciences Sociales

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