Alimentation, santé globale

Vers une meilleure évaluation du risque lié aux revêtements internes des boîtes de conserve

L'étude préliminaire menée par des chercheurs du LABERCA (UMR INRAE ONIRIS) visait à caractériser les substances migrant des revêtements internes de boîtes de conserve vers les légumes contenus. Suivant une approche d’analyse dite « non ciblée », par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse haute résolution, les oligoesters, produits de réactions incontrôlées dans la synthèse des revêtements à base de polyesters, sont apparus divers et dominants. Une base de données ergonomique référençant des dizaines de millions de composés potentiels a été mise à disposition de la communauté pour aider à l’identification de ces substances non désirées. Des substances de référence ont également été synthétisées suivant une voie innovante et efficace.

Publié le 09 février 2023

illustration Vers une meilleure évaluation du risque lié aux revêtements internes des boîtes de conserve
© Ronan Cariou LABERCA

Les revêtements internes des boîtes de conserve

Les emballages métalliques sont des éléments familiers de nos garde-mangers. Afin de prévenir la corrosion, leurs faces internes au contact des denrées alimentaires sont revêtues de vernis protecteurs. Les fabricants de revêtements et boîtes de conserve ainsi que les entreprises agroalimentaires qui les remplissent de denrées partagent la responsabilité de l’innocuité chimique de ces revêtements. Concernant ces revêtements, une attention particulière est portée aux résidus de monomères et additifs. De plus, le front de science avançant, les substances dites non-intentionnelles (en anglais NIAS pour non-intentionally added substances), qui sont des impuretés ou encore des produits de réactions incontrôlées lors de la synthèse, font l’objet d’une attention croissante.

Quelles alternatives au bisphénol A ?

L' étude avait pour ambition d’évaluer la diversité des NIAS dans douze boîtes de légumes (haricots, tomates, épinards…) collectées en grande surface. En effet, suite à l’interdiction en France depuis 2014 des revêtements époxydiques à base de bisphénol A, un perturbateur endocrinien, la nature des revêtements s’est diversifiée. Le secret industriel défavorise la connaissance fine de la manière dont le marché s’est adapté. S’il est attendu que les résidus de monomères et additifs soient maitrisés, la question des NIAS reste ouverte en raison de difficultés à les identifier et à les quantifier. Ces NIAS peuvent être prédictibles lorsqu’il s’agit de chaînes de monomères, ces dernières migrant plus facilement lorsqu’inférieures à 1000 Da (oligomères) et stabilisées par cyclisation.

Une base de données d’oligomères prédictibles et des substances synthétisées

Il était pressenti que des revêtements phénoliques et à base de polyesters seraient rencontrés, ce qui a orienté la constitution d’une base de données, « NIAS-db 1.0 », compilant des dizaines de millions de NIAS prédictibles. NIAS-db 1.0 est disponible sous licence libre (https://doi.org/10.15454/HHY2Z2). Son interface ergonomique facilite les requêtes.
De précédentes études ont montré que, pour les revêtements de type polyesters, les oligoesters sont les NIAS prédominants. Néanmoins, les études se heurtent au manque de substances de référence. La synthèse organique maîtrisée pas-à-pas de combinaisons néopentyl glycol et d'acide isophtalique a permis d’améliorer l’identification et la quantification de cette famille de NIAS.

Quels NIAS en présence dans les revêtements ?

Dans un premier temps, les 40 revêtements présents sur les différentes pièces (couvercle, corps, fond, soudure) ont été grattés et extraits par un solvant organique, puis analysés de manière non-ciblée par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse haute résolution. Le travail semi-automatisé de fouille des données s’appuyant sur NIAS-db et les standards synthétisés a permis d’identifier plus de 125 substances. Les polyesters sont présents dans 38 des 40 revêtements, avec 84 oligoesters identifiés (~80% des NIAS en intensité) et composés de 8 diols et 4 diacides.

Les revêtements de chaque boîte ont été étudiés individuellement.

Et dans les denrées ?

Dans un second temps, la concentration moyenne cumulée en oligoesters a été estimée à 330 μg/kg (43–1600 μg/kg) dans les légumes égouttés. Dix-huit combinaisons de monomères dépassent le seuil de 5 µg/kg en moyenne. Du point de vue toxicologique, les seules études disponibles ont été réalisées in silico, et il apparaît nécessaire de pousser plus avant les recherches par des études in vitro.

Les légumes égouttés contenaient entre 4 et 40 combinaisons d’oligoesters, pour une concentration cumulée moyenne de 330 μg/kg.

Et après ?

Le projet ANR OLIGO (2021-2025, 470 k€) rassemble 7 équipes autour de l’évaluation provisoire du risque lié aux oligoesters. Avec la synthèse de nouveaux oligoesters , il s’agit d’une part, d’élargir l’échantillonnage à tout type de denrée en emballage métallique pour cerner l’exposition de la population, et d’autre part, de produire des données de génotoxicité et de perturbation endocrinienne pour, in fine, procéder à une évaluation partielle du risque et émettre des recommandations.

 



PARTENAIRES SCIENTIFIQUES : 
Oniris, INRAE, LABERCA, F-44300 Nantes
Nantes Université, CNRS, CEISAM, UMR 6230, F-44000 Nantes

FINANCEMENT : Région Pays de la Loire, programme pour Recherche-Formation-Innovation: Food 4.2 (projet SYNTHOLI), pour la synthèse organique.
Projet HBM4EU, programme de recherche et innovation H2020, Union Européenne (Grant Agreement No. 733032), pour un des co-auteurs.

PUBLICATION ASSOCIEE : Cariou R, Rivière M, Hutinet S, Tebbaa A, Dubreuil D, Mathé-Allainmat M, Lebreton J, Le Bizec B, Tessier A, Dervilly A. Thorough investigation of non-volatile substances extractible from inner coatings of metallic cans and their occurrence in the canned vegetables. Journal of Hazardous Materials, 2022, 435, 129026. https://doi.org/10.1016/j.jhazmat.2022.129026.

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