Alimentation, santé globale 15 min

Matériau biopolymère extrudé et intérêt biomédical

Des biopolymères, tels que l'amidon et certaines protéines végétales, présentent un intérêt non seulement dans le secteur alimentaire comme ingrédient, mais aussi dans le domaine biomédical et pharmaceutique, notamment pour l'élaboration de matrices comestibles et résorbables. Une étude récente montre comment le procédé d'extrusion permet d'obtenir des matériaux permettant la libération d'un principe actif pharmaceutique.

Publié le 22 juin 2020

illustration Matériau biopolymère extrudé et intérêt biomédical
© BIA

Un matériau biopolymère extrudé pour la libération d’un principe actif pharmaceutique

L’extrusion est montrée comme un procédé alternatif à la galénique traditionnelle pour obtenir une matrice résorbable à base de zéine chargée avec un Principe Actif-Liquide Ionique

Obtention de filaments extrudés à partir d’une matrice protéique thermoplastique chargée avec 20% d’un Principe Actif - Liquide Ionique (PA-LI) : [Lidocaïnium][Ibuprofénate]. Libération progressive du PA-LI depuis un filament extrudé placé en milieu physiologique simulé (immersion en tampon PBS à 37°C)
Obtention de filaments extrudés à partir d’une matrice protéique thermoplastique chargée avec 20% d’un Principe Actif - Liquide Ionique (PA-LI) : [Lidocaïnium][Ibuprofénate]. Libération progressive du PA-LI depuis un filament extrudé placé en milieu physiologique simulé (immersion en tampon PBS à 37°C)

Les biopolymères suscitent un intérêt croissant dans l’élaboration de matrices comestibles et résorbables pour le domaine pharmaceutique, ou biomédical. En particulier, la zéine, principale protéine de stockage du maïs, a un potentiel important, notamment grâce à sa mise en œuvre aisée, aux interactions possibles avec les molécules d’intérêt thérapeutique et à sa faible solubilité en milieu aqueux. Par ailleurs, les Principes Actifs pharmaceutiques de la famille des Liquides Ioniques (PA-LI) sont très prometteurs pour l’obtention de futurs médicaments. Ils peuvent être facilement dosés et transformés pour préparer des produits pharmaceutiques présentant un franchissement rapide des parois cellulaires et une stabilité plus importante que des formes solides.

L’inclusion d’un PA-LI dans une matrice biopolymère permet d'assurer sa conservation, de faciliter sa mise en forme et son administration. Parmi les PA-LI, le [Lidocaïnium][Ibuprofénate], nommé « [Lid][Ibu] », a un triple intérêt : un effet plastifiant sur les biopolymères et deux rôles thérapeutiques en raison de ses molécules constitutives, avec (i) le cation, Lidocaïnium, comme anesthésique local et (ii) l'anion, Ibuprofénate, en tant que composé anti-inflammatoire non stéroïdien.

Les travaux ont permis d’élaborer et de caractériser des filaments extrudés à partir de la composition zéine + 20%[Lid][Ibu]. Par ailleurs, la libération du PA-LI a été suivie en conditions physiologiques simulées à 37°C et dosage par Spectroscopie-UV à l’Institut UTINAM à Besançon. Dans ces conditions, un relargage progressif est obtenu et une semaine est nécessaire pour libérer 85% de la quantité initiale de [Lid][Ibu]. La mesure par RMN du solide, effectuée par la plateforme BIBS à Nantes, spécialisée en analyse de biopolymères, a permis de montrer une affinité élevée entre la matrice extrudée à base de zéine et le PA-LI. Ce point est particulièrement important et il est à la base de la libération graduelle de ce type d’ingrédients pharmaceutiquement actifs, grâce aux interactions avec la matrice favorisées par le procédé d'extrusion. Ces résultats montrent que ce matériau serait pertinent pour cibler des applications dans le domaine pharmaceutique, ou biomédical.

Les recherches futures porteront sur la mise en forme de cette composition par impression 3D, afin d’élaborer à façon des comprimés adaptés aux besoins du patient. Le contrôle de la vitesse de libération du principe actif serait obtenu par l’ajustement de la porosité du comprimé, donnée par le procédé.

Partenaires : cette étude a été menée dans l’unité BIA (INRAE, Nantes), en collaboration avec l’Institut UTINAM (CNRS,, Univ Franche Comté Besançon) et l'unité GEPEA (CNRS, Oniris, Univ Nantes, Saint-Nazaire).

Publication associée : Chaunier, L., Viau, L., Lourdin, D., Falourd, X. and Leroy, E. 2020. A drug delivery system obtained by hot-melt processing of zein plasticized by a pharmaceutically active ionic liquid. Journal of Materials Chemistry-B, 8:4672-4679. https://doi.org/10.1039/D0TB00326C

Contact : Laurent Chaunier, laurent.chaunier@inrae.fr

Biomatériaux en immersion

Suivi en temps réel de l’évolution de matériaux d’intérêt biomédical plongés dans l’eau

Cylindre d'amidon extrudé

Le domaine biomédical a en permanence besoin de nouveaux dispositifs implantables et biodégradables. Pour ces applications, les molécules naturelles présentent l’avantage d’être bien acceptées par l’organisme. L’amidon, peu cher, biocompatible et rapidement biodégradable est un produit particulièrement bien adapté. Mélangé à un plastifiant, le glycérol, il peut être mis en forme (cylindres joncs de quelques mm de diamètre) par un procédé d’extrusion (Procédé de transformation thermo-mécanique qui détruit la structure native des grains d’amidon pour obtenir un matériau plastique 3D). Afin de mieux contrôler les propriétés de ce matériau (temps de dégradation dans un milieu physiologique, par exemple), une très bonne connaissance de sa structure et de son évolution en milieu aqueux sont nécessaires.

Pour cela, des expériences ont été menées sur la ligne de lumière SWING au synchrotron Soleil, en parallèle de mesures en imagerie par résonance magnétique (IRM).

Deux types d’échantillons ont été testés : avec et sans plastifiant. Ces recherches ont permis de comprendre, via une caractérisation très fine des changements structuraux, les différences de comportement des deux types d’échantillon : avec plastifiant, le matériau résiste beaucoup mieux à la dégradation par l’eau. Ceci viendrait d’une diffusion plus rapide de l’eau dans ce matériau qui pourrait s’expliquer par une organisation structurelle différente (présence d’un réseau de cristaux).
Cette étude ouvre la voie à d’autres, par exemple en remplaçant l’eau par une solution d’enzymes pour suivre la biodégradation en direct.

Partenaires : ce travail a été principalement réalisé dans l’équipe MC2 de l'unité BIA, en collaboration avec l’IRSTEA Rennes pour la RMN et le Synchrotron Soleil à Gif-sur-Yvette.

Publication associée : Chevigny, C., Chaunier, L., Ferbus, R., Roblin, P., Rondeau-Mouro, C., & Lourdin, D. (2018). In-Situ Quantitative and Multiscale Structural Study of Starch-Based Biomaterials Immersed in Water. Biomacromolecules, 19(3), 838-848.  http://doi.org/10.1021/acs.biomac.7b01635

Contact : Chloe Chevigny, chloe.chevigny@inrae.fr

L’amidon thermoplastique sous une lumière différente

Caractériser son hétérogénéité structurale pour mieux comprendre ses propriétés

Jonc d'amidon thermoplastique, avec plastifiant produit par extrusion

L’amidon thermoplastique (TPS) est un matériau biosourcé qui représente une alternative durable aux polymères synthétiques car il est peu cher, biocompatible et facile à mettre en forme par extrusion. Il peut être utilisé pour les applications les plus variées, de l’alimentaire au biomédical.

Afin d’optimiser les usages du TPS, une compréhension détaillée de sa structure et de ses propriétés sont nécessaires. De fait, lors du procédé d’extrusion, les grains d’amidon semi cristallins sont partiellement ou totalement fondus. Dans cette étude, la microstructure de trois types de TPS (avec et sans plastifiant, puis sans plastifiant mais recristallisé) a été analysée par imagerie SHG (Second Harmonic Generation) sur la ligne de lumière DISCO (ligne de lumière couvrant la gamme VUV-visible, dédiée à la biologie et la chimie) au Synchrotron SOLEIL, ainsi que par RMN (Résonance Magnétique Nucléaire) du solide et DRX (Diffraction aux Rayons X). En parallèle, le gonflement dans l’eau de ces 3 TPS a été mesuré.

Cette étude a permis de caractériser spatialement des différences fondamentales dans les trois échantillons et de mieux comprendre leur fabrication : l’ajout de plastifiant augmente l’hétérogénéité structurale du TPS par la préservation partielle des grains natifs d’amidon lors de l’extrusion. Par ailleurs, avec le plastifiant le gonflement est à la fois plus rapide mais aussi plus limité.

Ces résultats remettent en question la relation supposée entre l’homogénéité de la microstructure du TPS et sa cohésion une fois immergé dans un milieu aqueux. Il serait maintenant intéressant de comparer l’impact du procédé de production (extrusion, casting) sur la microstructure en utilisant la même démarche que celle de ce travail.

Partenaires : ce travail a été réalisé dans le cadre du Master 2 de Veronica Nessi dans l'unité BIA, en collaboration avec la plateforme BIBS à Nantes pour les mesures de RMN et le Synchrotron SOLEIL à Gif-sur-Yvette pour l‘imagerie SHG.

Publication associée : Nessi, V., Rolland-Sabaté, A., Lourdin, D., Jamme, F., Chevigny, C., & Kansou, K. (2018). Multi-scale characterization of thermoplastic starch structure using Second Harmonic Generation imaging and NMR. Carbohydrate Polymers, 194, 80-88. https://doi.org/10.1016/j.carbpol.2018.04.030  

Contact : Chloe Chevigny, chloe.chevigny@inrae.fr

Des implants biodégradables en amidon

Une fonction thérapeutique peut être assurée temporairement par des dispositifs biocompatibles à base d'amidon.

Stent à mémoire de forme en amidon

Il existe dans le domaine biomédical un besoin de développer de nouveaux dispositifs implantables et biodégradables après une courte durée de vie, de l’ordre de quelques jours à quelques semaines. Pour ces applications les molécules naturelles présentent l’avantage d’être bien acceptées par les patients. Plus spécifiquement les polysaccharides sont de bons candidats car ils sont biocompatibles.

L’amidon peut être mis en forme par le procédé d’extrusion et par thermomoulage. Ainsi, de façon analogue aux polymères thermoplastiques, des "plaques" de 2 mm d’épaisseur ont été fabriquées à partir d’amidons extraits de pomme de terre et de maïs mélangés avec un plastifiant, le glycérol. L’évolution de la structure et des propriétés de ces matériaux immergés dans un liquide physiologique (PBS) à 37°C est fortement dépendante de la matière première utilisée. Les meilleurs résultats ont été obtenus avec l’amidon de pomme de terre plastifié avec 20% de glycérol qui montre un gonflement très modéré et des propriétés mécaniques stables sur une période de plus de deux mois. L’implantation sur des rats montre une excellente biocompatibilité dans le cas de l’amidon de pomme de terre alors que l’amidon de maïs induit une inflammation des tissus attribuée à la présence de protéines minoritaires.

Partenaires : ces travaux ont été réalisés au sein de l’unité BIA (INRAE Pays de la Loire) en collaboration avec le Laboratoire de bio-ingénierie cardiovasculaire pour la thérapie et pour l'imagerie médicale de l’INSERM à Paris.
Des chirurgiens des hôpitaux de Lyon et de Toulon ont participé à la mise au point de dispositifs pour le traitement post opératoire faisant suite à l’extraction de calculs dans les glandes salivaires. Ainsi, des stents à mémoire de forme et des tubes biodégradables en amidon ont été implantés sur des porcs.

Publication associée : Velasquez D., Pavon-Djavid G., Chaunier L., Meddahi-Pellé A., Lourdin D. Effect of Crystallinity, Plasticizer Content and Botanical Origin of Starch-Based Materials on Mechanical Properties and In Vivo Tissue Integration, Carbohydrate Polymers, sous presse, 2015. http://dx.doi.org/10.1016/j.carbpol.2015.02.006

Contact : Denis Lourdin, denis.lourdin@inrae.fr

En savoir plus :

La cuisson-extrusion : un procédé aux multiples applications

La cuisson-extrusion est un procédé de transformation des aliments. Une partie des produits qui en sont issus font désormais croustiller notre quotidien : céréales petit-déjeuner, confiseries, biscuits de type "pain plat", snacks apéritifs… Elle est aussi employée pour la production de fromages fondus ou la fabrication de surimi, la solubilisation de pectines et autres hémicelluloses, les modifications chimiques de biopolymères, la production d’amidons thermoplastiques. Ce procédé de transformation industrielle est étudié à INRAE depuis 1974, notamment à Massy puis à Nantes et à Montpellier. Les recherches concernent à la fois le génie des procédés et la connaissance des propriétés physico-chimiques de la matière transformée.

L'extrusion consiste à forcer un produit à s'écouler à travers un orifice de petite dimension, la filière, sous l'action de pressions et de forces de cisaillements élevés, grâce à la rotation d’une ou deux vis d’Archimède. L'échauffement qui en résulte provoque une cuisson du produit, par la fusion de l’amidon dans le cas des céréales, d'où le terme de "cuisson-extrusion", puis une expansion par évaporation de l’eau en sortie de filière. Cette technique permet d'élaborer des produits extrêmement divers dans leur composition, leur structure (forme expansée et alvéolée du produit) et leurs propriétés fonctionnelles et nutritionnelles (dénaturation des facteurs antinutritionnels ou toxiques, stérilisation des aliments par exemple). L’extension de cette technologie au gluten de blé a permis l’obtention de gluten plastifié, à la base de nombreuses applications dans le domaine des matériaux ou de l’emballage. Contrairement au cas de l’amidon, le traitement thermomécanique de protéines conduit souvent à des réticulations chimiques ce qui se traduit par l'obtention de produits élastiques dont les propriétés se rapprochent de celles du caoutchouc.
 

 

 

 

 

Contacts

Laurent Chaunier Unité BIA - Biopolymères Interactions Assemblages

Denis Lourdin Unité BIA - Biopolymères Interactions Assemblages

Chloé Chevigny Unité BIA - Biopolymères Interactions Assemblages

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