Biodiversité 3 min

L’indispensable communication (chimique) entre le couvain et ses abeilles nourrices

Varroa destructor, un petit acarien parasite, décime dans le monde entier les colonies d’abeilles domestiques et se répand sans être véritablement inquiété par les moyens de lutte mis en place à ce jour. Certaines espèces d’abeilles luttent efficacement contre ce parasite en adoptant un comportement hygiénique rendu possible grâce à la communication chimique entre le couvain et les nourrices.

Publié le 22 mars 2023

illustration L’indispensable communication (chimique) entre le couvain et ses abeilles nourrices
© INRAE, Amélie NOEL

Communiquer pour survivre 

La communication chimique est un mode de communication largement utilisé par les insectes sociaux comme les abeilles. Elle est impliquée dans de nombreux comportements et processus physiologiques tels que la reproduction, la nutrition ou la lutte contre les parasites et les agents pathogènes. 

Chez l'abeille domestique Apis mellifera, la libération de composés chimiques par le couvain (ensemble des œufs, larves et nymphes) joue un rôle essentiel dans le comportement des ouvrières, la physiologie, les activités de butinage et la santé de la colonie dans son ensemble.

Une équipe de chercheurs et de chercheuses d’INRAE et de l’Université de Saint-Etienne s’est intéressée à la présence de composés organiques volatils (COV) émis par le couvain durant tout son cycle de développement, notamment pour identifier les COV impliqués dans le comportement hygiénique de certaines abeilles. En effet certaines abeilles nourrices sont capables de détecter les alvéoles du couvain parasitées par Varroa destructor et de les nettoyer.

Capturer les composés organiques volatils pour comprendre la communication chimique entre le couvain et les nourrices

Les scientifiques ont ainsi étudié les émissions de COV du couvain, tout au long du développement de l’œuf à l’émergence de l’abeille. Pour cela, ils ont fait pondre les reines de 9 colonies sur des cadres vides et ont suivi l’évolution de cette ponte tous les jours durant un cycle de 21 jours. Ils ont pu capturer les molécules environnantes, à l’aide d’une fibre SPME (microextraction en phase solide), une fibre aussi fine qu’un cheveu capable d’adsorber les composés chimiques. 

L’analyse chimique par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS) qui s’en est suivie, a permis d’identifier et de quantifier 32 COV dont certains déjà identifiés dans le répertoire phéromonale de l’abeille et d’autres jamais identifiés dans la communication chimique de l’abeille mellifère jusqu’alors. 

Ces recherches menées en laboratoire permettent d’étudier comment chaque composé évolue durant le cycle, quel est leur niveau de présence à chaque moment clé comme l’operculation ou la nymphose. Et ainsi s’interroger s’il y a une valeur phéromonale particulière à chaque stade du cycle. L’idée est de mieux connaître les émissions normales du couvain pour ainsi étudier ses émissions lors du parasitisme par varroa.

Etudier le comportement hygiénique de certaines abeilles face à Varroa destructor

Ces travaux ont été réalisés dans le cadre de la thèse d’Amélie Noël, doctorante au sein de l’unité INRAE Abeilles et Environnement à Avignon. Diplômée d’une licence en Neurosciences (Université de Caen) et d’un Master en Comportement Animal et Humain (Université de Rennes), la jeune scientifique cherche à comprendre pourquoi certaines colonies d’abeilles sont résistantes à V. destructor, un petit acarien parasite qui décime des colonies entières d’abeilles domestiques et qui se reproduit au sein des alvéoles de couvain operculées. Comment les abeilles ouvrières arrivent-elles à détecter les alvéoles du couvain parasitées par V. destructor et ensuite à les nettoyer ? Et de quelle façon fonctionne cette communication chimique entre le couvain et les abeilles nourrices ? Autant de questions cruciales dont les réponses permettraient peut-être de trouver des solutions efficaces et durables pour endiguer ce fléau qui ravage les colonies d’abeilles domestiques, fragilisées également par la présence d’insecticides et le manque de ressources alimentaires dans leur environnement.

RÉFÉRENCE

  • Noël A, Dumas C, Rottier E, Beslay D, Costagliola G, Ginies C, et al. (2023) Detailed chemical analysis of honey bee (Apis mellifera) worker brood volatile profile from egg to emergence. PLoS ONE 18(2): e0282120. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0282120

Arnaud RIDELRédacteurDépartement Santé des Plantes et Environnement

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Amélie NOEL ChercheuseAbeilles et Environnement

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