Agroécologie 3 min

Les COV (composés organiques volatils), ces médiateurs chimiques qui permettent aux insectes et aux plantes de communiquer

C’est un monde d’odeurs riche et complexe qui permet aux insectes et aux plantes de communiquer. Les COV ou composés organiques volatils intéressent de près les scientifiques d’INRAE notamment pour développer des solutions de luttes efficaces et durables contre les insectes ravageurs de cultures.

Publié le 13 octobre 2022

illustration Les COV (composés organiques volatils), ces médiateurs chimiques qui permettent aux insectes et aux plantes de communiquer
© INRAE

Les COV un monde d’informations invisible

La plupart des organismes terrestres vivants a la capacité d’émettre et de percevoir des composés organiques volatils (COV). Les insectes le font pour communiquer avec leurs congénères (reconnaissance, reproduction, alerte de danger…), identifier des ressources (abri, nourriture, site de reproduction) ou des ennemis naturels, se cacher (masquage olfactif), attirer une proie, éloigner un ennemi naturel, ... Pour tous, un seul et même objectif finalisé : survivre ! 

Les plantes émettent également des COV, qui sont autant de messages qui renseignent sur leur état physiologique et écologique, leur stade phénologique, leur infestation par des bioagresseurs. Ces informations peuvent être captées et déchiffrées par différents organes du monde végétal et animal et constituent un réseau d’informations remarquables qu’il convient de capter et de déchiffrer. C’est un monde invisible d’une grande complexité, d’information et de désinformation, où se mélangent de multiples émanations olfactives et se télescopent les messages de toutes sortes, chacun essayant d’y retrouver celui qui l’intéresse.

Une alternative aux pesticides ?

Dès lors, on comprend mieux qu’une monoculture avec un environnement olfactif pauvre soit une proie facile pour un ravageur et qu’à contrario la biodiversité favorise un environnement olfactif plus complexe, plus difficile à décoder. On comprend aussi pourquoi la pollution olfactive engendrée notamment par les hydrocarbures ou les traitements phytosanitaires perturbe le comportement des insectes.

Les écologues se passionnent pour ces médiateurs chimiques et y voient un moyen de contrôler la pression sur les cultures de certains ravageurs, en favorisant l’émission de certains COV. Ce pourrait être une alternative à l’usage de pesticides, encore faut-il identifier la nature du message olfactif délivré, comprendre le mode d’action de ces COV et être capable de reproduire ce message à discrétion. 

Des plantes aromatiques pour perturber les insectes ravageurs

Si la diffusion dans les cultures d’un mélange artificiel de COV est expérimentée pour baisser la pression de certains ravageurs, un autre moyen envisagé pour cela consiste à introduire des plantes de service (PdS) dans un système de culture. Ainsi, au sein de l’unité Plantes et Systèmes de Culture Horticoles (PSH) d’Avignon, les chercheurs étudient depuis 2010, l’effet des COV émis par des PdS, essentiellement aromatiques, sur le comportement et les performances des pucerons. Les tests en laboratoire montrent que le message olfactif délivré par ces PdS peut avoir des propriétés répulsives pour le puceron, perturber le comportement alimentaire de l’insecte, diminuer sa fécondité, son développement larvaire et sa survie. L’analyse de la production olfactive de ces plantes montrent la présence de certains composés ayant à titre individuel des propriétés similaires et/ou connues pour avoir une fonction physiologique, comme le β-farnesène (phéromone d’alerte du puceron). Mais plus qu’un effet individuel de certains COV, c’est l’association et plus précisément la proportion de plusieurs d’entre eux dans un bouquet olfactif qui semblent être déterminant de leur reconnaissance par les insectes. 

Les chercheurs ont également montré que ces COV pouvaient agir directement sur le puceron mais aussi de façon indirecte en modifiant le métabolisme de sa plante hôte. Aujourd’hui, si les scientifiques ont des certitudes sur l’effet de certains mélanges olfactifs sur le comportement et les performances de ce ravageur, la difficulté réside dans la reproductibilité de cet effet en milieu ouvert, en maraichage comme en arboriculture fruitière, où l’environnement olfactif est beaucoup plus complexe et soumis notamment aux variations climatiques. Garantir l’efficacité des PdS au champ, en améliorant le contrôle de leur production olfactive constitue le défi des prochaines années.

Hélène GAUTIERRédactrice

Contacts

Hélène GAUTIER ChercheusePlantes et Systèmes de Culture Horticoles (PSH)

Laurent GOMEZ ChercheurPlantes et Systèmes de Culture Horticoles (PSH)

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