Alimentation, santé globale 15 min

L’exposition aux dioxines et PCBs et les risques pour la santé humaine

Les questions de recherche de l’UMR INRAE-Oniris LABERCA (Laboratoire d’Etude des Résidus et Contaminants dans les Aliments), à Nantes, ciblent la sécurité chimique des aliments et la caractérisation de l’exposome chimique humain au service de l’étude du lien exposition-santé. Ci-dessous, 3 études sur les effets sur la santé de certains polluants chimiques environnementaux, notamment des perturbateurs endocriniens persistants tels que les dioxines et certains polychlorobiphényls (PCBs).

Publié le 24 juin 2020

illustration L’exposition aux dioxines et PCBs et les risques pour la santé humaine
© INRAE

Nos enfants sont-ils exposés aux polluants chimiques par leur alimentation ?

L’exposition aux dioxines et PCBs jugée préoccupante pour les enfants de moins de trois ans

Les aliments destinés aux nourrissons et enfants en bas-âge sont sensiblement différents de ceux des adultes. Aucune étude alimentation totale (EAT) n’avait jusqu’alors été conduite en France pour la population des 0-3 ans. L’exposition alimentaire des jeunes enfants (EATi) à diverses substances chimiques, en pratique plus de 500, se devait d’être précisée en raison de la vulnérabilité particulière de cette population.

L’unité Oniris-INRAE LABERCA, spécialiste en expologie (science de l'évaluation des expositions alimentaires d’origine chimique) a été impliquée à divers titres dans cette étude. Elle a contribué à produire des données de contamination dans un grand nombre de denrées alimentaires consommées par les enfants (0-3 ans) et a en outre participé à l’expertise sur  la caractérisation du risque associé aux polluants organiques persistants dont les dioxines et PCBs (polychlorobiphényles). Les dioxines sont des composés aromatiques produits notamment par des processus de combustion de la matière organique et regroupant 210 molécules qui se distinguent par le nombre et la position des atomes de chlore sur leurs cycles aromatiques. Les PCBs sont des dérivés chlorés du biphényle synthétisés massivement entre les années 30 et 70 et utilisés comme lubrifiants ou isolants électriques dans les transformateurs électriques et condensateurs. Les PCBs forment un groupe de 209 molécules. Les deux familles sont très stables chimiquement, insolubles dans l’eau et très solubles dans les lipides et peu biodégradables ; elles s’accumulent tout au long de la chaîne alimentaire et sont retrouvées particulièrement dans les graisses animales.

Alors que pour 90% des molécules étudiées dans l’EATi, le risque pour les enfants a pu être écarté, les conclusions ont appelé à une vigilance particulière pour neuf familles de substances chimiques dont les dioxines et les PCBs. Pour les dioxines, des dépassements de la valeur toxicologique de référence ont été observés pour 5 à 7 % des enfants de la tranche d’âge 7-36 mois. Les aliments contributeurs majeurs ont été principalement le lait de consommation courante, les poissons et les produits ultra-frais laitiers. Pour les PCBs de type « non dioxin-like », 1 à 4% des enfants de 13 à 36 mois ont dépassé la valeur toxicologique de référence. Chez ces derniers, plus de 80% de la contribution à l’exposition était attribuable au poisson.

Ces données ont permis de compléter l’évaluation de l'exposition de la population française en se concentrant sur une population sensible. Le renforcement de mesures de gestion, visant à limiter les niveaux d’exposition des populations, s’avère désormais nécessaire (c.-à-d. maîtrise des rejets environnementaux, diminution des seuils réglementaires dans les aliments, rappel des recommandations de consommation de poisson), l’alimentation constituant la principale voie d’exposition de la population générale (plus de 90 %).


Partenaires : cette étude a été menée par le LABERCA, UMR1329 Oniris/INRAE, Nantes en collaboration avec l’Anses, Direction de l’évaluation des risques, Maisons-Alfort et le CNRS UMR 7360, Université de Lorraine, Metz

Financement : L’EAT infantile a été soutenue financièrement par le Ministère de l'Agriculture, le Ministère de la Santé, le Ministère de l’Ecologie et du développement durable et l’Anses.

Publication associée : Marion Hulin, Véronique Sirot, Paule Vasseur, Aurèlie Mahe, Jean-Charles Leblanc, Julien Jean, Philippe Marchand, Anaïs Venisseau, Bruno Le Bizec, Gilles Rivière. Health risk assessment to dioxins, furans and PCBs in young children: The first French evaluation. Food and Chemical Toxicology 139 (2020) 111292. https://doi.org/10.1016/j.fct.2020.111292

Contact : Bruno Le Bizec

Polluants et risque de métastase

Mise en évidence d’un facteur de risque environnemental dans le cancer du sein métastatique

Mise en évidence d'un facteur de risque environnemental dans le cancer du sein métastatique

Certains polluants chimiques environnementaux, notamment des perturbateurs endocriniens persistants tels que les dioxines et certains polychlorobiphényls (PCBs), sont suspectés comme jouant un rôle dans la formation de cellules métastatiques qui sont responsables de 90% des décès par cancer. Toutefois, très peu d’études ont à ce jour exploré spécifiquement l’influence de ce facteur environnemental dans l’apparition et le développement de ces métastases.

L'objectif du projet était d'étudier le lien potentiel entre les concentrations d’une cinquantaine de polluants chimiques environnementaux dans le sang et le tissu adipeux péri-tumoral de patientes (suivies par l’Hôpital Georges Pompidou à Paris) et la présence, chez ces patients, d’un cancer du sein métastatique associé à différents marqueurs cliniques d’agressivité (projet METAPOP). Ce projet transdisciplinaire associant des volets à la fois clinique, analytique et de biologie moléculaire, a reposé sur une étude cas-témoin comparant patientes présentant un cancer du sein métastatique versus non-métastatique.

Les résultats obtenus montrent notamment qu’une des substances de la famille des dioxines (la 2,3,7,8-Tétrachlorodibenzo-p-dioxine) est significativement associée au risque d’apparition de métastases chez des patientes en surpoids présentant un indice de masse corporelle supérieur à 25. Il s’agit d’une des premières études faisant un lien entre métastases et polluants organiques persistants au niveau clinique, qui doit toutefois être confirmée à plus large échelle.
Les perspectives de cette étude concernent l’étude d’un potentiel effet cocktail, avec la combinaison de plusieurs des polluants concernés.

Partenaires : l'UMR LABERCA (INRAE-Oniris, Nantes) a participé au projet collaboratif METAPOP, coordonné par l’UMR-S 1124  (INSERM - Université Paris Descartes), en partenariat avec l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital Européen Georges-Pompidou, Service de Chirurgie Cancérologique Gynécologique et du Sein.

Publication associée : Koual M*, Cano-Sancho G*, Bats AS, Tomkiewicz C, Kaddouch-Amar Y, Douay-Hauser N, Ngo C, Bonsang H, Deloménie M, Lecuru F, Le Bizec B, Marchand P, Botton J, Barouki R, Antignac JP, Coumoul X. Associations between persistent organic pollutants and risk of breast cancer metastasis. Environ Int. 2019 Nov;132:105028. doi: 10.1016/j.envint.2019.105028. Epub 2019 Aug 2. PubMed PMID:  31382183. (*equally contributed).

Contact : German Cano-Sancho

Lait maternel et contaminants chimiques

Des niveaux et des signatures d’exposition variables selon les pays

Les niveaux de concentrations des contminants chimiques recherchés (polluants organiques persistants de type dioxines, polychlorobiphényles, retardateurs de flamme polybromés) apparaissent globalement inférieurs dans les prélèvements de lait maternel collecté chez des mères Françaises par rapport à ceux observés dans des prélèvements issus de mères scandinaves. Les proportions relatives de ces différents contaminants diffèrent d'un pays à l'autres, avec notamment un rapport PCB/dioxines plus élevé en France

Il est aujourd’hui bien établi que l’alimentation de la femme enceinte influence la composition du lait maternel. En fait, ce dernier reflète plus globalement leur environnement et leur style de vie. A côté de ses composantes nutritionnelles et bioactives, la présence de contaminants chimiques doit ainsi être prise en compte pour une approche bénéfice-risque plus intégrative. Les sources d’exposition à ces contaminants sont toutefois très variables entre les populations et à ce jour, les données épidémiologiques restent limitées. La variabilité interindividuelle en terme de métabolisme et de susceptibilité quant à l’impact de ces contaminants est également à prendre en considération pour une évaluation du risque adaptée.

Une caractérisation de plusieurs centaines de prélèvements de lait maternel collectés chez des femmes françaises, danoises et finlandaises, a été réalisée dans le cadre de programmes de recherche régionaux et européens. Un panel étendu de substances a été caractérisé, qui incluait les dioxines, les polychlorobiphényles (PCBs), les retardateurs de flamme polybromés, et les pesticides organochlorés. Les niveaux d’exposition des mères françaises se sont avérés  significativement inférieurs à ceux des mères nordiques. S’agissant de la famille des pesticides, le principal métabolite du DDT (le p,p’-DDE) est clairement le principal contributeur en termes d’exposition. L’existence de signatures d’exposition (proportions relatives des différents contaminants) différentes pour les trois sous-populations étudiées a également été mise en évidence.

Les différences observées sont à rapprocher de facteurs environnementaux, alimentaires et/ou génétiques. Le lien entre cette exposition et la santé des nouveau-nés reste à étudier. Sur le plan descriptif, ces données sont utiles pour estimer l’exposition du nouveau-né allaité, mais aussi comme indicateur de l’exposition interne de la mère et du fœtus durant la période de gestation.

Partenaires : cette étude a été conduite par le LABERCA, en collaboration avec l’Unité PHAN, le CHU de Nantes, et l’Hôpital Royal de Copenhague.

Publication associée : Antignac, J. P., Main, K. M., Virtanen, H. E., Boquien, C. Y., Marchand, P., Venisseau, A., Guiffard, I., Bichon, E., Wohlfahrt-Veje, C., Legrand, A., Boscher, C., Skakkebæk, N. E., Toppari, J., & Le Bizec, B. (2016, In Press). Country-specific chemical signatures of persistent organic pollutants (POPs) in breast milk of French, Danish and Finnish women. Environmental Pollution. http://dx.doi.org/10.1016/j.envpol.2016.07.069

Contact : Jean-Philippe Antignac

 

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