Alimentation, santé globale 4 min
L’effet potentiel des statines pour restaurer le microbiote chez les personnes obèses
Publiée dans Nature le 6 mai 2020, une étude sur une cohorte de 900 personnes de niveaux d’obésité différents montre que les personnes obèses possèdent un microbiote perturbé et favorable à un état inflammatoire avec une plus grande fréquence que les personnes non obèses. Cette prévalence n’est pas observée chez les personnes obèses traitées aux statines, suggérant que ce médicament hypocholestérolémiant aurait un effet bénéfique sur le microbiote. Les études se poursuivent pour établir ce lien de cause à effet.
Publié le 28 mai 2020
Le projet Métacardis s’intéresse au rôle potentiel du microbiote intestinal dans le développement de maladies cardiométaboliques comme l’obésité, le diabète, l’infarctus, grâce à l’étude d’une cohorte de plus de 2000 sujets européens présentant ou non une de ces maladies (voir encadré). Les premiers résultats obtenus sur cette cohorte concernent l’obésité.
L’obésité est associée à un profil de microbiote favorable à l’inflammation
On savait que le microbiote des personnes obèses se caractérise par une biodiversité moindre en espèces bactériennes. L’étude de Métacardis précise ces observations en montrant qu’un profil particulier de microbiote, appelé Bact2, est présent chez 19% des personnes obèses, contre seulement 4% chez les personnes non obèses. Ce profil se caractérise par une majorité de bactéries appartenant au genre bacteroides et une déficience en bactéries aux propriétés anti-inflammatoires telles que Faecalibacterium. Ce profil était déjà connu pour être plus fréquent chez les patients souffrant de maladies inflammatoires de l'intestin, de sclérose en plaques ou de dépression. On sait aussi que les individus en bonne santé qui possèdent ce profil présentent des niveaux d'inflammation légèrement plus élevés que ceux qui ne l’ont pas.
« Ce profil de microbiote étant lié à un état inflammatoire, il n’est pas étonnant de le trouver de manière plus fréquente chez les personnes obèses, chez lesquelles un état inflammatoire dit « de bas niveau » est fréquemment observé », indique Karine Clément. « En effet, l’accumulation de tissu graisseux entraîne la production de molécules inflammatoires due à l’infiltration des tissus graisseux par des lymphocytes et des macrophages. La présence de ces cellules inflammatoires entretient l’obésité dans un processus de cercle vicieux et provoque probablement un phénomène de résistance à l’amaigrissement. Cependant, on ne sait pas encore si la prévalence du profil Bact2 chez les obèses est une cause ou une conséquence de cet état inflammatoire lié à l’obésité ».
Le traitement par des statines annule la prévalence de ce profil chez les personnes obèses
La véritable surprise de cette étude concerne l’effet des statines, un médicament prescrit pour réduire le cholestérol sanguin et donc diminuer le risque de maladies cardio-métaboliques. Chez les personnes obèses prenant des statines, le pourcentage de profil Bact2 tombe à 6% (contre 19% pour rappel chez les personnes obèses qui n’en prennent pas). Ce pourcentage de 6% est finalement proche de celui des individus non obèses (4%). Il apparaît donc que le traitement par les statines est associé à un maintien du microbiote dans un état sain.
L’étude, qui établit des corrélations, ne permet cependant pas de démontrer un mécanisme de cause à effet des statines : il faudra préciser si ces médicaments ont un effet direct sur la composition du microbiote et par quel mécanisme. On ne peut en effet exclure un effet indirect, par exemple que les participants traités aux statines soient plus sensibilisés aux risques cardiovasculaires et adoptent une meilleure hygiène de vie, avec un impact positif sur leur flore intestinale.
Cependant, ces résultats sont prometteurs. Les statines sont en effet connues pour apaiser les niveaux d'inflammation et pourraient ainsi créer un environnement intestinal favorable au développement d’un microbiote équilibré. D’autre part, un impact direct des statines sur la croissance bactérienne a déjà été démontré. Des essais cliniques prospectifs ont débuté à l’Hôpital européen Georges-Pompidou et à la Pitié-Salpêtrière à Paris, pour étudier les modifications du microbiote intestinal chez des personnes débutant un traitement par statines. Ces essais permettront d’évaluer le potentiel des statines comme thérapie pour moduler le microbiote de façon bénéfique.
Référence : S. Vieira-Silva et al. Statin therapy is associated with lower prevalence of gut microbiota dysbiosis. Nature, 6 mai 2020 : https://doi.org/10.1038/s41586-020-2269-x
Le projet Metacardis, coordonné par Karine Clément à l’Inserm, repose sur un consortium composé de 14 groupes de recherche multidisciplinaire dans six pays européens. Il se fonde en particulier sur l’étude des données relatives aux personnes incluses dans des cohortes nationales et dans la cohorte Metacardis. Coordonnée par l’AP-HP, cette dernière comprend plus de 2 000 personnes en bonne santé ou à différents stades de progression de maladies cardiométaboliques (obésité, diabète et maladies cardiovasculaires), recrutés à Paris, Leipzig (Allemagne) et Copenhague (Danemark).
Quelques chiffres :
- Taille du tube digestif déplié : 400 m2 de surface de contact, contre 2 m2 pour la peau
- Taille du microbiote présent dans le tube digestif : 100 000 milliards de bactéries (soit 2 kg), environ 500 espèces bactériennes, 540 000 gènes bactériens (25 fois plus que de gènes humains).
Quelques rôles connus du microbiote :
- Fonctions digestives : dégradation des fibres, récupération par l’organisme des nutriments (glucides, lipides) alimentaires.
- Fonctions dans l’immunité : maturation du système immunitaire, protection contre les bactéries pathogènes alimentaires, régulation des phénomènes inflammatoires.
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