Agroécologie 3 min

L’agroécologie appliquée à la protection de cultures : relever le défi d’une agriculture sans pesticides

Valoriser la biodiversité et renforcer la santé des sols pour redonner de la durabilité à nos systèmes agricoles : c’est le pari de l’agroécologie. Comment appliquer ces principes à la protection des cultures ? Peut-on se passer de pesticides ? Quelles sont les recherches restant à développer ? Une équipe internationale d’une cinquantaine de scientifiques de différentes disciplines répond à ces questions dans un article de référence publié dans la revue Advances in Agronomy

Publié le 13 février 2023

illustration L’agroécologie appliquée à la protection de cultures : relever le défi d’une agriculture sans pesticides
© INRAE - C. Jez

De nombreux scientifiques s’intéressent et développent des approches de protection des cultures permettant de réduire, voire supprimer totalement l’usage des pesticides. Parmi elles : la protection agroécologique des cultures, qui s’appuie sur deux principes fondateurs de l’agroécologie :

  • la valorisation de la biodiversité et le renforcement de la santé des sols
  • l'adoption de mesures préventives telles que l'usage de variétés tolérantes ou résistantes aux maladies, des pratiques agricoles adaptées et la combinaison de solutions agronomiques à effet partiel, plutôt que le recours à des mesures curatives, comme l'usage de pesticides, contre les bioagresseurs des cultures.

La régulation naturelle des bioagresseurs ( insectes ravageurs, plantes adventices, champignons pathogènes) s’avère en effet fortement liée à la diversité végétale déployée de la parcelle (mélanges de variétés ou d’espèces, rotations) au paysage (par ex. haies, mosaïque des cultures), comme l’a démontré une récente expertise scientifique collective pilotée par INRAE . La biodiversité et de nombreux services écosystémiques (comme la régulation de l’eau et la fixation du carbone) sont également favorisés, tandis que les rendements apparaissent comparables à ceux obtenus en agriculture conventionnelle. 

« Contrairement à un pesticide qui est homologué et doit être utilisé pour un type bien précis de bioagresseurs, la protection agroécologique des cultures va permettre d’agir à l’échelle du territoire ou de l’agroécosystème et sur tous les bioagresseurs, en entrant dans un cercle vertueux de valorisation de la biodiversité pour renforcer la santé de l’agrosystème », Jean-Philippe Deguine, agroécologue, UMR PVBMT (Cirad-Université de la Réunion)

Ces échelles sont également des lieux d’interactions sociales entre agriculteurs mais aussi plus largement avec des acteurs d’amont et d’aval. Des conseillers, formateurs, expérimentateurs, scientifiques, environnementalistes, metteurs en marché, consommateurs, citoyens et décideurs publics contribuent eux aussi à la conception de solutions innovantes. De nombreux exemples attestent de coopérations entre acteurs pour la mise en œuvre de ces solutions. Pour les scientifiques qui s'expriment collectivement dans cet article, la protection agroécologique des cultures permet d'atteindre conjointement plusieurs objectifs :

  • le maintien  ou l'amélioration de  la productivité agricole, en réduisant les dommages causés par les bioagresseurs,
  • la production d'aliments sains,
  • la réduction des impacts négatifs de l'agriculture sur l'environnement et la santé humaine du fait de l'absence d’usage de pesticides
  • la contribution à l'amélioration de  la viabilité économique des exploitations agricoles.

A partir de leur expertise et des connaissances acquises, les auteurs proposent des chemins d’action vers une généralisation de la protection agroécologique des cultures.

« Le concept peut être appliqué partout dans le monde, à condition de tenir compte des spécificités locales, précise Nadine Andrieu, agronome, UMR Innovation (Cirad-INRAE-Institut Agro). A ce titre, le partage des connaissances, à double sens entre scientifiques et agriculteurs, est primordial, mais il faudra aussi un appui conséquent des politiques publiques pour accompagner les nécessaires transformations techniques et organisationnelles. »

La transition agroécologique, appliquée à la santé des plantes, peut s’étaler sur plusieurs années, entre le diagnostic partagé de terrain, la reconception participative des systèmes de culture, la formation des agriculteurs et la coordination entre les acteurs. . « Mais il faut sortir de la logique actuelle du court-terme et prendre le temps de recréer des équilibres biologiques dans les agroécosystèmes. Plus tôt on commence, plus tôt ces nouveaux systèmes pourront répondre aux enjeux actuels de l’agriculture », souligne Eric Scopel, agronome, UPR AÏDA, Cirad.

Signée par 56 scientifiques dont plus de quarante issus d’organismes français, cette publication exprime un véritable consensus scientifique français sur la protection agroécologique des cultures, plus largement intégrée dans une approche globale de la santé qui met en connexion santé humaine, animale, végétale et environnementale. Elle compile environ 300 références bibliographiques issues de tous les continents, offre des perspectives en matière de transition agroécologique et met en évidence de nouveaux besoins de recherche.

Référence

Jean-Philippe Deguine et al. 2023. Agroecological crop protection for sustainable agricultureAdvances in Agronomy

D'après Communiqué de presse Cirad

Contacts

Jean-Philippe Deguine Coordinateur de l'articleUMR PVBMT (Cirad-Université de la Réunion)

Les centres

En savoir plus

Agroécologie

Augmenter la diversité végétale des espaces agricoles pour protéger les cultures

Mélanges variétaux, associations d’espèces, succession de cultures dans le temps, agroforesterie, haies et autres éléments semi-naturels du paysage… la diversité végétale concourt à diminuer les populations de champignons pathogènes, plantes adventices, insectes ravageurs qui vivent aux dépens des cultures, avec l’objectif de réduire voire de se passer des pesticides. Et cela sans perte de rendement. De nombreux verrous en amont et en aval des filières agricoles limitent le déploiement de ces stratégies de protection des cultures, mais les politiques publiques pourraient être un levier important pour inciter les agriculteurs à les adopter. Ce sont les principaux enseignements d’une expertise scientifique collective réalisée par INRAE à la demande des ministères en charge de l’Agriculture, de la Transition écologique et de la Recherche. Explications.

07 novembre 2022

Agroécologie

Sécuriser la production agricole mondiale : démonstration des performances des cultures associées

COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Face aux besoins alimentaires d’une population mondiale en croissance, sécuriser la production agricole tout en réduisant son empreinte environnementale est indispensable. La diversification des cultures est l’une des solutions agroécologiques pour intensifier durablement l’agriculture. Cependant la combinaison de plusieurs espèces cultivées dans une même parcelle agricole, une pratique traditionnelle largement utilisée dans les pays du Sud, est désormais remise en cause par l’urbanisation et le déplacement de main d’œuvre vers les villes, et reste une pratique peu utilisée dans les pays occidentaux. Devant ce constat, une équipe internationale de scientifiques issus d’INRAE, de l’université Wageningen aux Pays-Bas, de l’université d’Agriculture de Chine à Pékin et de l’université d’Agriculture de Mongolie Intérieure à Hohhot, mettent en exergue, par une analyse de 226 expérimentations agronomiques, l’intérêt objectif des cultures plurispécifiques. Des travaux parus le 3 janvier 2023 dans la revue PNAS.

05 janvier 2023

Biodiversité

Combiner des pratiques agroécologiques pour conserver les oiseaux dans les vignobles

COMMUNIQUE DE PRESSE - L’intensification des pratiques agricoles et la disparition des habitats semi-naturels aux abords des champs ont conduit à un déclin généralisé des communautés d’oiseaux dans les paysages agricoles européens. Leur conservation est devenue un enjeu majeur pour les régions agricoles, y compris viticoles, à la fois pour les services essentiels qu’ils apportent aux agriculteurs, comme la régulation des ravageurs, mais également pour leur valeur patrimoniale et culturelle. Une équipe internationale coordonnée par INRAE, et impliquant également Bordeaux Sciences Agro et l’Ecole supérieure d’agricultures d'Angers (ESA), a étudié les communautés d’oiseaux de 334 vignobles de 12 régions viticoles en France, en Espagne et en Italie. Leurs résultats, publiés le 11 mai dans la revue Journal of Applied Ecology, montrent que la diversité des communautés d’oiseaux est favorisée par la combinaison de la viticulture biologique, l’enherbement entre les rangs de vigne et la diversité des habitats qui composent le paysage (forêt, haies, prairies…).

11 mai 2021