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Invasions biologiques d’insectes : mobiliser l’information génétique pour mieux estimer l’expansion possible des espèces exotiques envahissantes et le risque phytosanitaire.

Les espèces exotiques envahissantes représentent une menace majeure pour la santé des forêts et ont un fort impact économique. Parmi ces espèces, les insectes phytophages introduits en Europe sont de plus en plus nombreux et cette dynamique ne montre aucun signe de ralentissement…. La gestion du risque associé à ces organismes repose étroitement sur l’épidémiosurveillance, la détection précoce et l’évaluation des zones géographiques menacées.

Publié le 29 mars 2024

illustration Invasions biologiques d’insectes : mobiliser l’information génétique pour mieux estimer l’expansion possible des espèces exotiques envahissantes et le risque phytosanitaire.
© INRAE

Les risques d’invasion sont difficiles à estimer

Les invasions biologiques sont très difficiles à prévoir, mais il est possible de cartographier les régions climatiquement favorables à une espèce envahissante grâce à des outils tels que la modélisation des aires de distribution. Ces modèles ouvrent la voie à une adaptation des dispositifs de surveillance et au suivi de l’évolution des zones à risque sous l’effet du changement climatique.

Mais la situation n’est parfois pas aussi simple qu’il n’y paraît !

Certaines espèces sont en réalité composées de différents clades, c’est-à-dire de sous-ensembles génétiquement différents. Lorsque ces clades correspondent à des populations ayant des caractéristiques écologiques différentes, les analyses de risque à l’échelle de l’espèce sont insuffisamment précises.

Un nouveau scolyte envahissant en France

Xylosandrus crassiusculus est un scolyte envahissant originaire d’Asie récemment introduit en Europe. Cet insecte xylophage est généraliste, il vit sous l’écorce des arbres et creuse de nombreuses galeries dans le bois. Il représente de ce fait une menace importante pour de nombreuses espèces végétales. Les scientifiques des unités URZF et CBGP ont mis en évidence que cette espèce était composée de deux clades génétiquement différentiés en utilisant des marqueurs ADN mitochondriaux et nucléaires. Du point de vue géographique, ces deux entités sont distribuées dans des aires géographiques partiellement disjointes. En Europe, les résultats montrent qu'un seul de ces deux clades génétiques n'a jusqu'à présent été détecté.

Aire de distribution potentielle

Les équipes ont ensuite développé un modèle de niche écologique pour chaque clade afin d’en évaluer l’aire de distribution potentielle. Les résultats ont montré que les conditions climatiques actuelles de l’Europe sont en fait favorables aux deux clades. Le clade actuellement absent pourrait ainsi s’établir sur le continent s’il venait à être introduit. Par ailleurs, le clade présent n’occupe qu'une partie limitée des régions dans lesquelles le climat lui permet de se développer, ce qui signifie que l’expansion de X. crassiusculus ne fait probablement que commencer.

Changements globaux

L’introduction récente de X. crassiusculus en Europe est-elle liée au changement climatique ? Si l’accroissement des échanges commerciaux est connu pour être responsable d’une plus grande circulation des espèces envahissantes, le rôle du changement climatique est moins clair. Les chercheurs ont réalisé une analyse rétrospective du climat du siècle passé afin de déterminer si l’évolution du climat en Europe pouvait expliquer l’établissement récent du scolyte. Les résultats montrent que le climat était déjà favorable à cette espèce au cours du 20ème siècle, ce qui suggère que la colonisation récente du continent est plutôt liée à l’accroissement des échanges commerciaux transnationaux qu’à des changements environnementaux.

Enfin, la projection des modèles selon différents scénarios de changement climatique a permis d’évaluer l’évolution des zones à risque au cours des prochaines décennies. Le réchauffement climatique pourrait déplacer les zones favorables à l’insecte vers le nord de l’Europe. Certains ports de commerce parmi les plus actifs dans le transit des grumes, tels que Rotterdam ou Amsterdam, pourraient alors devenir climatiquement favorables. Ce scénario illustre clairement comment le changement climatique et le commerce international pourraient agir en synergie pour favoriser l’introduction et l’établissement des espèces envahissantes.

Conclusions

Comprendre, retracer l’histoire et anticiper l’expansion des espèces envahissantes constituent une tâche complexe, passionnante du point de vue scientifique et importante en termes de gestion du risque. Les travaux réalisés sur X. crassiusculus illustrent comment une approche pluri-disciplinaire alliant génomique des populations et modélisation écologique permettent d’identifier les patrons d’organisation géographique de la diversité génétique et comment cette connaissance peut être mobilisée pour améliorer l’évaluation du risque et la préparation aux invasions biologiques.

Référence :



Urvois, T., AugerRozenberg, M.-A., Roques, A., Kerdelhué, C., Rossi, J.-P. 2024, Intraspecific niche models for the invasive ambrosia beetle Xylosandrus crassiusculus suggest contrasted responses to climate change. Oecologia sous presse DOI : 10.1007/s00442-024-05528-9

Mots-clés : scolytes, invasions biologiques, insectes, santé des forêt, épidémiosurveillance, risque, crises sanitaires

Lien de l'article

Aire de distribution potentielle de deux lignées génétiques du scolyte envahissant Xylosandrus crassiusculus pour la période 1979-2013

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