Étude « Exode urbain : un mythe, des réalités » : que savons-nous sur les flux migratoires enregistrés en France après la crise de la Covid-19 ?

Un travail sur des données statistiques originales et très récentes, ce qu’on appelle « nowcasting » (prévisions sur le présent) en opposition à « forecasting » (prévisions à long terme), a permis de quantifier les flux migratoires des ménages qui ont eu lieu sur le territoire français avec la crise sanitaire débutée en mars 2020.

Tout d’abord, l’analyse des estimations réalisées sur la plateforme immobilière Meilleurs Agents a permis de reconstituer des flux d’intentions de déménagement. Dans un article publié dans la revue Économie et Statistiques, Marie Breuillé, Julie Le Gallo et Alexandra Verlhiac (économiste chez Meilleurs Agents, en thèse au CESAER) montrent notamment que la probabilité pour un utilisateur de la plateforme habitant dans l’urbain de chercher dans une zone rurale a augmenté de 7,7 % avec la crise. [en savoir plus]

En complément, l’exploitation de la base des contrats de réexpédition de courrier de La Poste a permis de connaître les mobilités réelles, avec une excellente représentativité par rapport aux données INSEE. L’outil PopFlux développé par Félix Baillet (stagiaire en géographie au CESAER), Marie Breuillé, Camille Grivault (géographe), Julie Le Gallo et Olivier Lision (ingénieur à l’ODR) permet de savoir comment l'attractivité résidentielle d’un territoire a évolué avec la crise sanitaire et quels sont les transferts de population entre territoires observés sur la période de 2017 à 2022. Les chercheurs montrent que la Covid-19 n’a pas provoqué un départ massif des villes vers les campagnes. La plupart des déménagements avant comme après Covid s’opèrent entre des villes de même taille : 36,5 % de grande ville à grande ville, 12 % entre villes moyennes, 8 % entre petites villes et 7 % entre communes rurales. 28 % des déménagements se passent même à l’intérieur de la même commune. Pour autant, la crise sanitaire n’a pas été sans effet sur la structuration des territoires. En particulier, trois phénomènes déjà à l’œuvre se sont renforcés. Premièrement, le processus de périurbanisation s’est accentué, avec une augmentation des flux nets de la commune-centre en direction des autres communes du pôle urbain et de la couronne. Deuxièmement, l’attractivité résidentielle des territoires ruraux a connu la plus forte augmentation, avec un solde migratoire qui est passé de 7,9 ménages pour 1 000 à 10,39 ménages en 2 ans. Troisièmement, le processus de rééquilibrage de l’armature urbaine, qui consiste en un déplacement des ménages vers des villes de taille plus petite, s’est accéléré.