Société et territoires

Les centralités en France : quels rôles dans les dynamiques locales et intercommunales ?

Les chercheurs de l’unité mixte de recherche CESAER (INRAE, AgroSup Dijon) ont réalisé une étude approfondie qui identifie les centralités en France et décrit leur rôle dans les dynamiques territoriales. Intitulée « Centralités : comment les identifier et quels rôles dans les dynamiques locales et intercommunales ? », cette étude, qui vise à éclairer la décision publique, contribue à guider les politiques en faveur des centralités pour qu’elle tiennent mieux compte des dynamiques locales et de l’environnement géographique de ces communes. Elle permet aussi d’objectiver les discours sur la désertification de certains territoires et la disparition des services.

Publié le 30 octobre 2020

illustration Les centralités en France : quels rôles dans les dynamiques locales et intercommunales ?
© Allie Caulfield - Flickr

Que sont les « centralités » ? Quel est leur rôle dans les dynamiques territoriales ? Un éclairage pour la décision publique et le débat social


L’objectif de ce travail, réalisé pour le compte de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, a été d’étudier la notion de centralité, en tenant compte des contextes territoriaux divers : espaces ruraux, métropolitains, périurbains, de montagne ; intercommunalités monocentrique ou polycentrique ; territoires en croissance ou en déprise. Il a aussi permis de dresser un état des lieux du rôle de ces centralités et de leur influence à différentes échelles du territoire, particulièrement dans le cadre des nouvelles intercommunalités.


Cette étude accompagne le programme « Petites villes de demain » de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Celui-ci a pour but d’améliorer les conditions de vie des habitants des petites communes et des territoires alentour, en accompagnant les collectivités dans des trajectoires dynamiques et respectueuses de l’environnement.  « Petites villes de demain » a pour objectif de donner aux élus des villes et leurs intercommunalités de moins de 20 000 habitants exerçant des fonctions de centralités les moyens de concrétiser leurs projets de territoire.


 

 


Les centralités ? Des communes qui sont aussi des centres d’équipement et de services 


Qu’est-ce qu’une centralité ? Pour définir cette notion les chercheurs n’ont pas seulement considéré la taille de la population des communes ou le nombre d’emplois qui y sont localisés. Ils se sont intéressés à la concentration et au caractère structurant des commerces, services et équipements fréquentés par la population locale et par les habitants des communes voisines qui ne possèdent pas ces équipements sur place.



La comparaison de la dotation en commerces et services des communes françaises permet de distinguer celles possédant peu ou pas du tout d’équipements et celles qui sont très bien dotées avec des équipements nombreux et variés. 10 774 centres d’équipements et de services ont ainsi été identifiés et hiérarchisés en quatre niveaux correspondant à autant de paniers d’équipements.



 


Quatre niveaux de centres d’équipements et de services


La France des 10774 centres d'équipements et services

Le premier niveau est constitué de 7 010 centres LOCAUX. Ils se caractérisent par la présence simultanée d’une douzaine de services et équipements du quotidien, principalement des services aux particuliers complétés par une école élémentaire, une boulangerie et un infirmier.


Le deuxième niveau rassemble 2 880 centres INTERMEDIAIRES qui offrent un panier plus diversifié, avec une vingtaine de commerces et services supplémentaires incluant médecin généraliste, pharmacie, bureau de poste, supermarché, collège, etc.


Le troisième niveau est composé de 743 centres STRUCTURANTS, caractérisés par une quarantaine de commerces et services qui complètent la palette des 29 équipements déjà rencontrés dans les centres intermédiaires. Outre le lycée, ce sont principalement des commerces, des services de santé et des services aux particuliers spécialisés, ainsi que quelques équipements de sports, loisirs et culture.


Le quatrième niveau identifie 142 centres MAJEURS qui offrent la quasi-totalité des services de santé, des commerces de la grande distribution ou alimentaires spécialisés, plusieurs services aux particuliers supplémentaires, notamment des services de l’administration judiciaire, de l’administration fiscale, des établissements scolaires et universitaires et des équipements de sports, loisirs et culture.



Des aires d’influence diverses et imbriquées


Les communes centres et leurs aires d’influence forment un maillage diversifié du territoire français. Les communes pas ou peu équipées sont rattachées au centre de services et d’équipements le plus proche. Ainsi sont délimitées des aires de desserte qui peuvent être monocentriques (centrées sur une seule commune) ou polycentriques quand elles sont associées aux unités urbaines dont plusieurs communes possèdent une fonction de centralité.


Les centralités et leurs aires d’influence reflètent la diversité des contextes territoriaux observée pour les quatre niveaux de la hiérarchie des centres. De nombreux centres locaux sont des communes rurales ou des petites unités urbaines qui animent de vastes territoires peu denses et éloignés des grandes villes. Beaucoup d’entre eux sont situés dans des aires de desserte polycentriques qui offrent plusieurs niveaux de centralités, et où on retrouve aussi des centres intermédiaires voire, parfois des centres structurants, en complément d’un centre majeur. Cette même diversité se répète pour les centres intermédiaires, avec d’une part de grandes aires de desserte monocentriques dans des territoires peu denses et éloignés des grandes villes, et de l’autre des centres intermédiaires qui animent à plusieurs les aires de desserte polycentriques périurbaines et des grandes agglomérations.


Les centres structurants animent leurs aires de dessertes pour moitié seuls ou en association avec d’autres centres structurants, et pour moitié appartiennent à une unité urbaine possédant un ou plusieurs centres majeurs. Enfin, la très grande majorité des aires de desserte ne possède qu’un seul centre majeur. Au nombre de 118, elles regroupent 93 % des communes métropolitaines pour une population de 45 millions d’habitants. Les aires polycentriques, bien que moins nombreuses (24), sont beaucoup plus peuplées. Elles rassemblent 20 millions d’habitants (30,4 %).


Des centres fragiles présents aussi bien en ville qu’à la campagne



Les auteurs de l’étude ont aussi cherché à caractériser la fragilité des centres en s’appuyant sur cinq indicateurs décrivant les variations annuelles de population et d’emploi, les inégalités territoriales du niveau de vie, la dépendance territoriale de la population (les habitants peu mobiles) et le surcoût de l’éloignement, c’est-à-dire la distance supplémentaire à parcourir pour atteindre un centre de même niveau en cas de disparition du centre le plus proche. Une vingtaine de départements, situés à l’écart des grandes métropoles, comptent une forte proportion de centres fragiles (plus de 50 %).


Indépendamment de la proportion de centres fragiles, certains départements en comptent un effectif important. La configuration du département du Nord est emblématique : avec le nombre de centralités le plus important (360), ce département est aussi l’un de ceux qui compte beaucoup de centres fragiles (65) sans pour autant en présenter une forte proportion (18,1 %).


Les centralités structurent les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale)



Les chercheurs observent que tous les EPCI métropolitains sont animés par au moins un centre, et en majorité par un centre intermédiaire ou structurant.


Les EPCI ont aussi été caractérisés par la fragilité de leurs centres. Les groupements qui comptent le plus de centres locaux et intermédiaires en situation de fragilité se localisent dans les régions rurales présentant de faibles densités de population et un faible maillage urbain : pourtour du Bassin parisien depuis la Picardie à la Basse-Normandie en passant par la Champagne, Lorraine et Bourgogne. Plus au sud, ces espaces couvrent largement l’Auvergne, le Limousin, Midi-Pyrénées, à l’exception de la région toulousaine, et les parties non littorales des régions Aquitaine et Poitou-Charentes. Les EPCI de ce type sont également très présents dans le sud des Alpes, l’arrière-pays provençal et la Haute-Corse, mais également en Bretagne intérieure. Les EPCI avec une proportion importante de centres structurants et majeurs fragiles se concentrent aussi globalement à l’intérieur de ces territoires, à bonne distance des métropoles, des littoraux et des frontières de l’Est du pays.


A l’inverse, les EPCI avec le moins de centres fragiles sont centrés autour d’une métropole ou à proximité des plus grands pôles urbains, le long de la vallée du Rhône et dans les Alpes du nord, en région parisienne, en Alsace, à la pointe des Hauts-de-France, dans la région toulousaine, et le long des façades de la Méditerranée et de l'Atlantique.

Aleksandra Barczak Chargée de communication - Département ECOSOCIO

Ludovic Piquemal Chargé de communication INRAE Bourgogne-Franche-Comté

Contacts

Mohamed Hilal Coordinateur de l'étudeCESAER

Le centre

Le département

En savoir plus

Société et territoires

Vivre et travailler avec les chevaux

Hier, serviteur docile, aujourd’hui, compagnon de nos loisirs, le cheval est depuis longtemps lié à l’homme. Des liens que Vanina Deneux, doctorante Inra, analyse au prisme des sciences humaines et sociales, investissant plus particulièrement la notion de travail. Au gré de ses questions/réponses, elle décrit des relations qui se sont continuellement ajustées aux époques et qui doivent désormais composer avec de nombreux enjeux – éthiques, socio-économiques… pour perdurer.

16 janvier 2020

Société et territoires

«Terre en jeu» : un jeu de rôle pédagogique autour du foncier agricole

Pour rendre accessible à tous les résultats de ses recherches sur la préservation du foncier agricole périurbain conduites dans le cadre du projet ANR JASMINN, Camille Clément (post-doctorante à l’UMR Innovation du centre INRAE Occitanie-Montpellier) a créé un jeu de rôle, permettant de réfléchir tout en s’amusant à la question de l’accès aux terres agricoles. Elle nous explique dans cet article les origines de ce jeu, la façon d’y jouer et ce qu’il peut apporter à la fois aux joueurs mais aussi à la recherche.

29 janvier 2018

Société et territoires

OpenMinTed : une plateforme d’outils informatiques pour extraire et exploiter les informations de la littérature scientifique

L’équipe Bibliome-MaIAGE et la Délégation Information Scientifique et Technique (DIST) de l’Inra contribuent au projet européen d’infrastructure OpenMinTeD dont l’objectif est de mettre en place une plateforme informatique en ligne, encourageant et facilitant l’utilisation des technologies de fouille de textes (text and data mining : TDM) pour la recherche.

22 janvier 2020