Bioéconomie 3 min

Du déchet toxique à un nutriment bénéfique, nouveau regard sur l’acétate

Pour se développer, les microorganismes, tels que les bactéries, consomment préférentiellement les sucres. Au cours de ce processus, ils produisent des déchets qui inhibent leur croissance. Parmi eux se trouve l’acétate, longtemps considéré comme toxique pour les bactéries, jusqu’à ce que des équipes du laboratoire Toulouse biotechnology institute (TBI – INRAE / INSA Toulouse / CNRS) démontrent qu’il est au contraire un nutriment bénéfique dans certaines conditions.

Publié le 13 juillet 2023

illustration Du déchet toxique à un nutriment bénéfique, nouveau regard sur l’acétate
© INRAE, DUCLUZEAU Robert

L’acétate, d’abord un déchet toxique…

La glycolyse est une série de réactions biochimiques qui ont lieu à l’intérieur des cellules pour convertir les sucres en énergie et en molécules nécessaires à leur croissance. La glycolyse est présente chez tous les êtres vivants, qu’ils soient pluricellulaires (comme nous, les humains) ou unicellulaires, comme les bactéries.

Lorsque ces dernières ont à leur disposition une grande quantité de sucres, elles les utilisent rapidement pour assurer une croissance aussi rapide que possible. La glycolyse génère alors des produits de fermentation, des déchets, tels que l’acétate (présent par exemple dans le vinaigre et lui donnant son odeur caractéristique). Cette production d’acétate est notamment observée chez la bactérie Escherichia coli (E. coli), naturellement présente dans nos tubes digestifs et également exploitée en biotechnologie pour la production de molécules d’intérêt (médicaments, bioplastiques, etc.) par voie biologique.

Jusqu’à présent, les scientifiques pensaient que l’acétate était toxique pour les bactéries, en réduisant notamment leur croissance. Les causes de la production de ce déchet, qui représente un problème majeur en biotechnologie, restent encore mal comprises malgré plusieurs décennies de recherches.

… qui se révèle être un nutriment bénéfique pour les bactéries

Malgré son impact négatif sur la croissance d’E. coli, une nouvelle étude publiée dans la revue The EMBO Journal a démontré que l’acétate était bien plus qu’un simple déchet et qu’il pouvait également être un nutriment bénéfique pour la croissance de la bactérie.

C’est particulièrement vrai lorsque l’utilisation des sucres par la glycolyse est moins efficace, par exemple parce que les sucres sont moins accessibles dans l’environnement. E. coli va alors compenser cette diminution de nutriments en utilisant en même temps l’acétate pour produire son énergie et assurer sa croissance. Ainsi, loin d’être toxique, l’acétate se révèle bénéfique pour la croissance d’E. coli. Les deux équipes ont aussi montré que ce sont les mêmes gènes qui sont responsables de son rôle de déchet toxique ou de nutriment bénéfique en assurant à la fois sa production et sa consommation.


Une ressource durable pour des biotechnologies au service de l’environnement

De tels travaux offrent ainsi un nouvel éclairage sur le mystère de la production de molécules précédemment considérées comme des déchets toxiques pour les cellules. Ils ouvrent également la voie à une meilleure exploitation de l’acétate en tant que ressource durable pour les biotechnologies. En effet, l’acétate est présent dans divers produits issus de la biomasse végétale et peut être obtenu à partir du CO2. Une meilleure utilisation de l’acétate par E. coli pourra donc améliorer la bioproduction durable de nombreuses molécules d’intérêts, par exemple des plastiques biodégradables, tout en diminuant l’empreinte environnementale des biotechnologies.


Référence bibliographique :

Millard P. et al. (2023). Acetate is a beneficial nutrient for E. coli at low glycolytic flux. The EMBO Journal. e113079. https://www.embopress.org/doi/full/10.15252/embj.2022113079

En savoir plus

Alimentation, santé globale

Une bactérie capable de diminuer la douleur viscérale

Lactococcus lactis est une bactérie qui produit naturellement un neuromédiateur à effet antidouleur. Des scientifiques des laboratoires Toulouse Biotechnology Institute (TBI-INSA Toulouse/INRAE/CNRS) et de Toxicologie alimentaire (Toxalim-INRAE/ENVT/INP-Purpan/UT3 Paul Sabatier) du centre INRAE Occitanie-Toulouse ont prouvé son intérêt pour soulager les douleurs viscérales, comme celles ressenties par les personnes qui souffrent du syndrome de l’intestin irritable.

31 mai 2023

Bioéconomie

Synthétiser des oligosaccharides pour améliorer la santé de demain

Les oligosaccharides (glucides) sont naturellement présents dans les cellules végétales, animales et microbiennes. Composants essentiels de l’alimentation, ils jouent un rôle dans de nombreux processus biologiques, impactant la santé humaine. Une équipe de scientifiques du laboratoire Toulouse Biotechnology Institute (TBI - INRAE/INSA/CNRS) du centre INRAE Occitanie-Toulouse travaille à synthétiser ses molécules d’intérêt grâce à de nouvelles enzymes. Leurs résultats sont parus dans la revue International Journal of Molecular Sciences en mars 2022, et font partie des innovations majeures à l’échelle européenne.

07 mars 2023

Bioéconomie

Comprendre comment les bactéries s’adaptent à leur environnement

Pour s’adapter à des changements environnementaux, les bactéries contrôlent la dégradation de leurs ARN messagers (ARNm), ces molécules qui jouent les intermédiaires entre l’expression des gènes et la synthèse des protéines. Une équipe de chercheurs du laboratoire Toulouse Biotechnology Institute (INRAE-CNRS-INSA) en collaboration avec l’Inria de Grenoble, a décrypté ces mécanismes de régulation. Ces travaux ont fait l’objet de deux publications en 2020 dans les revues scientifiques mSphere et Journal of Theoretical Biology.

12 février 2021