Agroécologie 3 min
Découverte d’une nouvelle voie de survie bactérienne
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - La lutte contre les ravageurs de cultures et autres nuisibles peut passer par l’utilisation d’auxiliaires, des organismes vivants au sens large qui permettent de faciliter naturellement la production agricole. Des insectes, comme les coccinelles, en font partie, mais d’autres organismes qui peuvent sembler moins conventionnels, comme les bactéries, n’en sont pas moins efficaces. Les chercheurs d’INRAE ont mené des travaux inédits sur la persistance dans l'hôte insecte de Bacillus thuringiensis, une bactérie largement utilisée comme biopesticide. Des résultats parus le 27 juin dans la revue mBio.
Publié le 27 juin 2023
Certaines bactéries sont capables de produire une forme cellulaire dormante, la spore. Elles acquièrent ainsi des capacités de résistance et persistance exceptionnelles, en changeant notamment leur métabolisme.
De par ses propriétés, cette forme cellulaire a pendant de nombreuses années été considérée comme le seul mode de survie de ces bactéries. Des travaux récents de chercheurs INRAE montrent qu’il existe des exceptions.
Leur étude a porté sur la bactérie pathogène d'insectes, bacillus thuringiensis (voir carte d’identité plus bas). Cette bactérie est utilisée comme bioinsecticide depuis de nombreuses années.
Grace à une approche multidisciplinaire, les scientifiques montrent pour la première fois qu’en infectant les insectes, une partie des bactéries peut survivre longuement, sans être sous forme de spores.
Pour réaliser leurs tests, ils ont utilisé comme modèle animal des larves d’un papillon ravageur des ruches : Galleria mellonella. Elles ont été infectées par la bactérie Bacillus thuringiensis, et la survie de cette dernière a été mesurée sous ses deux formes possibles (sporulée ou non).
Résultats : les bactéries qui ne sont pas sous forme de spore représentent environ 50 % de la population totale de bactéries survivantes. Elles peuvent persister pendant au moins 14 jours dans le cadavre des larves qui constitue, avec le temps, un environnement de plus en plus hostile à la survie des bactéries. Les résultats montrent que les bactéries qui survivent s'adaptent notamment en augmentant leur réponse au stress oxydant*. Des résultats complémentaires suggèrent qu’elles sont dans un état de ralentissement métabolique, ce qui pourrait diminuer leur sensibilité aux stress environnementaux. Les bactéries non sporulées s'engagent donc dans un processus d'adaptation profond permettant leur persistance dans ces conditions.
Ces travaux changent le paradigme selon lequel la spore est la forme unique de survie à long terme chez ces microorganismes. Cette étude va être élargie aux autres espèces du groupe auquel appartient Bacillus thuringiensis. Par exemple, d’autres microorganismes importants pour l'industrie agroalimentaire et la santé, comme Bacillus cereus (contaminant et pathogène alimentaire) et Bacillus anthracis (agent de la maladie du charbon). La poursuite de ces études fournira des connaissances fondamentales pouvant conduire à l'élaboration de nouvelles stratégies de lutte contre les espèces pathogènes sporulantes.
* Cela permet à la bactérie de lutter contre des composés toxiques, comme par exemple les radicaux libres libérés en grande quantité après la mort de la larve par septicémie.
Carte d’identité de Bacillus thuringiensis
La bactérie étudiée dans ces travaux est utilisée comme bioinsecticide depuis de nombreuses années. Utilisable dans le cadre de la lutte biologique, elle permet de contrôler les populations d’insectes ravageurs de cultures ainsi que les moustiques. Son utilisation permet de réduire voire supprimer l'utilisation de pesticides chimiques.
Référence
Toukabri H., Lereclus D., Slamti L. (2023). A Sporulation-Independent Way of Life for Bacillus thuringiensis in the Late Stages of an Infection. mBio, 14(3):e0037123. https://doi.org/10.1128/mbio.00371-23