Alimentation, santé globale 5 min

Consommation alimentaire : comment recommandations et pratiques s’articulent au cours de la vie

Destinées à améliorer la santé et à préserver l’environnement, les recommandations publiques en matière d’alimentation sont déclinées de façon pratique par chacun selon des facteurs que les chercheurs de l’Inra et leurs collègues ont analysés. Ils montrent qu’au gré des évènements de leur vie, les consommateurs sont plus enclins à changer leurs pratiques.

Publié le 07 juillet 2017

illustration Consommation alimentaire : comment recommandations et pratiques s’articulent au cours de la vie
© INRAE, Bertrand Nicolas

La consommation alimentaire fait l’objet de nombreuses recommandations qui ont globalement pour objectif d’améliorer la santé des consommateurs et de protéger l’environnement. De l’élaboration de ces recommandations à leur mise en pratique individuelle, il y a plus d’un pas que chacun franchit à son gré ou presque. Des chercheurs de l’Inra et leurs collègues ont explorécomment s’articulent pratiques alimentaires d’une part, et recommandations nutritionnelles et environnementales d’autre part, à la lumière des caractéristiques socio-économiques des consommateurs et des évènements qui jalonnent leur vie personnelle.

Mise en pratique des recommandations, au-delà des facteurs socio-économiques

La structure du foyer ou encore l’âge influence fortement les achats alimentaires, y compris ceux des produits qui font référence aux recommandations santé ou environnement.
Les hommes seuls consomment peu les produits signalés santé ou environnement, faisant montre d’une attitude distante à l’égard des recommandations nutritionnelles et environnementales. À l’inverse, les familles avec enfants sont plus consommatrices de produits laitiers allégés, d’alicaments ou encore de salades en sachet mais, paradoxalement, achètent moins de produits issus de l’agriculture biologique que les ménages de retraités. Ainsi, les consommateurs ne réagissent pas de manière uniforme aux allégations santé ou environnement portées par les différents produits considérés.
Ces facteurs socio-démographiques, auxquels il convient d’ajouter revenus et niveaux d’étude, appellent à une interprétation plus complexe du lien entre recommandations et consommations au long de l’existence.

De l’importance des grands évènements de la vie sur les changements des pratiques

Une analyse biographique permet de restituer les moments charnières entre différentes séquences du cycle de vie : lorsque les ressources matérielles (temps, argent, lieu d’habitation) et sociales (groupes de voisinage ou de sociabilité, contacts avec les agents de diffusion de normes alimentaires) et les contraintes des ménages se modifient, elles peuvent remettre en cause des routines et des pratiques alimentaires.
Par exemple, la naissance du premier enfant est un moment favorable à de plus fortes exigences concernant la qualité de l’alimentation, par exemple à travers le choix de produits issus de l’agriculture biologique. Ce moment se révèle propice à l’expression de nouvelles responsabilités, individuelles et parentales, bien souvent sous l’influence du corps médical et des spécialistes de la petite enfance.

Un déménagement, un changement professionnel, peuvent également occasionner de nouvelles pratiques, par le changement de circuits d’approvisionnement, du budget alimentaire, ou par la découverte de nouvelles normes en discutant avec de nouveaux amis, voisins ou collègues.

Quand on reparle de la position sociale

Mais les changements dans l’existence ne se traduisent pas mécaniquement par des modifications dans les pratiques alimentaires.
Les personnes des classes moyennes et supérieures ont plus facilement tendance à revoir leurs pratiques et à intégrer les recommandations d’experts, glanées auprès de médecins, sur des sites Internet ou dans des livres. Leur niveau d’études plus élevé renforce leur intérêt pour les recommandations scientifiques sur l’alimentation ou encore au contact d’amis mieux informés qu’eux ou engagés dans les causes militantes (protection de l’environnement par exemple).
A l’inverse, les personnes des classes populaires, moins diplômées, semblent moins disposées à faire évoluer leurs habitudes alimentaires en lien avec des recommandations santé ou environnement. Même si certaines d’entre elles aspirent à intégrer ces recommandations, elles doivent composer au quotidien avec des contraintes de temps, de revenu ou d’organisation auxquelles les classes moyennes et supérieures sont moins confrontées.
L’accès aux produits issus de l’agriculture biologique en est un exemple : ces produits restent, en France,
plus chers que les équivalents conventionnels, et ne sont pas distribués dans tous les circuits de vente.
Ces résultats montrent clairement que les liens entre pratiques alimentaires et recommandations se construisent de façon sociale et se développent à la faveur de nombreux facteurs qui peuvent se reconfigurer au gré du parcours de vie de la personne.
Au-delà, ils appellent à concevoir des politiques publiques autrement qu’en termes d’individualité et de
changement de valeurs en insistant sur les conditions matérielles de mise en application et sur les conditions sociales de diffusion des recommandations dans des cercles de sociabilité ou par contact avec des prescripteurs institutionnels.

 

Catherine Foucaud-ScheunemannRédactrice

Contacts

Séverine Gojard Centre Maurice Halbwachs (CNRS, ENS, EHESS, INRAE)

Le département

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