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Comment les nématodes à galles manipulent le métabolisme des plantes ?

Les nématodes à galles, de petits vers microscopiques qui s’attaquent aux racines des plantes, entraînent de sérieux dégâts notamment dans les cultures maraichères. Des chercheurs d’INRAE et de l’Institut Paris Saclay étudient dans le cadre d’un projet scientifique financé par l’Agence Nationale de la Recherche comment ces micro-vers parviennent à infecter les plantes. L’objectif est d’acquérir de meilleures connaissances sur cette interaction plante-parasite afin de développer de nouvelles stratégies de lutte.

Publié le 03 mai 2022

illustration Comment les nématodes à galles manipulent le métabolisme des plantes ?
© INRAE, Marie-Cécile CAILLAUD

Des moyens de lutte limités contre les nématodes à galles 

Parmi les nombreux projets de recherche menés à INRAE, ceux concernant les nématodes à galles (genre Meloidogyne) suscitent beaucoup d’intérêt du fait des dégâts qu’ils génèrent à l’échelle mondiale dans les cultures, notamment dans l’agriculture maraîchère. Depuis l’interdiction des nématicides chimiques, extrêmement toxiques, la résistance des plantes constituent la méthode de lutte la plus efficace. Elle est cependant limitée par le faible nombre de gènes de résistance identifiés et leur contournement. Le développement de nouvelles stratégies de lutte est ainsi devenu impératif. Ces petits vers microscopiques sont capables d’injecter des protéines de leurs glandes salivaires dans les cellules des racines des plantes infectées et de les transformer en « cellules géantes » hypertrophiées. Ces cellules servent alors de site nourricier au nématode afin qu’il poursuive son développement. Le symptôme visible est une déformation de la racine, appelée galle, qui empêche la plante de se développer correctement. 

Le projet MASH (Modulation de l'épissage alternatif des ARNm de l'hôte par les nématodes à galles), financé par l’Agence Nationale de la Recherche et porté par l’équipe IPN (Interactions Plantes-Nématodes) de l’Institut Sophia Agrobiotech en partenariat avec l’équipe REGARN (ARN non-codants, des acteurs de la plasticité développementale de la racine) de l’Institut Paris Saclay, a pour objectif de comprendre comment ces nématodes parviennent à influencer le fonctionnement des cellules végétales, afin de développer des moyens de lutte efficace, durable et respectueux de l’environnement.

Etudier le dialogue moléculaire entre les nématodes et une plante hôte modèle, la tomate

Le projet MASH est organisé en trois études, utilisant comme modèle végétal la tomate. La première étude s’intéresse au processus d’épissage alternatif dans les cellules géantes en formation induites par le nématode à galles Meloidogyne incognita chez la tomate. Ce processus permet, à partir d'une séquence génomique unique, de produire plusieurs ARN messagers correspondant à des protéines distinctes (voir schéma). L’épissage alternatif est régulé par un complexe de protéines et d’ARN appelé splicéosome, se situant autour de l’ARN. Cette étude permet de décrire l’ensemble des changements d'épissage alternatif pendant l'infection par le nématode à galles.

Epissage alternatif

La seconde étude vise à identifier les protéines salivaires injectées par le nématode dans la cellule végétale qui ciblent l’épissage alternatif de la cellule végétale et le modulent. Pour cela, les différentes protéines sécrétées par le vers sont testées sur la plante afin de déterminer si elles affectent l’épissage alternatif. 

Enfin, il reste à comprendre dans une troisième étude comment ces protéines du nématode agissent sur leurs cibles végétales. C’est-à-dire, identifier par quels moyens les protéines de la tomate modulées par ces protéines de nématode au cours de l’infection, auraient un rôle dans le processus d’épissage alternatif (telles les protéines du splicéosome). Cela permettra par la suite de tester si leur inactivation, totale ou partielle, permet d’empêcher la transformation des cellules végétales en cellules géantes nourricières, bloquant ainsi le développement du nématode.

Une première preuve de concept

Les équipes de recherche ont obtenu des premiers résultats prometteurs en caractérisant une famille de protéines sécrétées par les nématodes à galles appelée EFFECTEUR 18. Ces EFF18 interagissent avec une protéine conservée du splicéosome chez la tomate, appelée SmD1, qui joue un rôle majeur dans le processus d’épissage alternatif. Cette protéine est également indispensable à la formation des cellules géantes ainsi qu’au développement du nématode. L’inactivation de SmD1 rend ainsi la plante plus résistante aux nématodes à galles. Ces travaux ont conduit à un dépôt de brevet avec l’entreprise Syngenta, afin de pouvoir appliquer cette nouvelle stratégie de résistance sur le terrain. 

RÉFÉRENCES

  • Mejias, J., Bazin, J., Truong, N-M., Marteu, N., Sawa, S., Crespi, M.D., Vaucheret, H., Abad, P., Favery, B. and Quentin, M. (2021) The Root-Knot Nematode Effector MiEFF18 Interacts with the Plant Core Spliceosomal Protein SmD1 Required for Giant Cell Formation. New Phytologist, https://doi.org/10.1111/nph.17089
  • Mejias, J., Chen, Y.P., Bazin, J., Truong, N-M., Mulet, K., Noureddine, Y., Jaubert-Possamai, S., Ranty-Roby, S., Soulé, S., Abad, P., Crespi, M. D., Favery, B. and Quentin, M. (2022) Silencing the conserved small nuclear ribonucleoprotein SmD1 target gene alters susceptibility to root-knot nematodes in plants (BioRxiv. https://doi.org/10.1101/2020.11.25.398149) Plant Physiology, in press. https://doi.org/10.1093/plphys/kiac155
  • Favery, B., Dubreuil, G., Chen M.-S., Giron, D., Abad, P. (2020). Gall-Inducing Parasites: Convergent and Conserved Strategies of Plant Manipulation by Insects and Nematodes. Annual Review of Phytopathology, 58, 1-22. https://doi.org/10.1146/annurev-phyto-010820-012722
  • Mejias J., Truong N. M., Abad P., Favery B., Quentin, M. (2019). Plant proteins and processes targeted by parasitic nematodes effectors. Frontiers in Plant Science. 10, 970. https://doi.org/10.3389/fpls.2019.00970

MYLÈNE LE CAËRRédactriceDépartement SPE

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Bruno FAVERY ChercheurInstitut Sophia Agrobiotech (ISA)

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