Agroécologie 4 min

Des céréales pérennes à l’étude : une opportunité pour faire face aux enjeux de durabilité ?

La montée en puissance de l’agroécologie et les effets criants du changement climatique ont récemment mis les céréales pérennes sur le devant de la scène. Jusqu’ici les essais d’hybridation des céréales annuelles avec leurs parents génétiques non domestiqués ont montré leurs limites, mais les efforts de recherche sur ces cultures à double usage (grain et fourrage) se poursuivent. Plusieurs espèces de céréales à caractère pérenne « candidates » sont observées et testées.

Publié le 05 septembre 2022

illustration Des céréales pérennes à l’étude : une  opportunité pour faire face aux enjeux de durabilité ?
© Pierre Desray

L’initiative la plus avancée est celle de l’espèce Thinopyrum intermedium, une graminée originaire des plaines eurasiennes, qui présente des propriétés intéressantes. La seule variété commercialisée à ce jour est le Kernza® développé depuis plusieurs années par le Land Institute (USA, www.kernza.org). Les premières études ont permis de mieux connaître la biologie de l’espèce et d’améliorer pas à pas ses performances (ex. rendement en grains, pérennité). Le Kernza® est capable de repousser et de produire des grains et du fourrage pendant plusieurs années, sans être ressemée. Son intérêt réside aussi sur la couverture du sol permanente, sa rusticité, son système racinaire important et profond. La conduite de la culture est économe en intrants, elle protège le sol contre l’érosion et limite le lessivage des nitrates résiduels, favorise le stockage du carbone et la vie biologique des sols, et résiste à des sécheresses temporaires du fait de son système racinaire... Un potentiel intéressant dans le cadre de l’agriculture durable, critère qui serait particulièrement apprécié en Europe.

Les objectifs des travaux autour de cette culture innovante, initiés en France par l’ISARA accompagné par plusieurs équipes INRAE (plusieurs projets sont en cours), sont notamment de définir des modes de gestion adaptés aux contextes climatiques et agricoles de l’Europe de l’Ouest. Les céréales pérennes peuvent combiner des fonctions de production de grains et de fourrage, et offrir des services écologiques majeurs à moyen terme. Un réseau expérimental a été mis en place à l’échelle nationale, impliquant une vingtaine de sites menés par des agriculteurs mais aussi des sites expérimentaux conduits par Arvalis.

Les agronomes restent prudents à ce stade sur le potentiel de cette graminée et sur la place qu’elle pourrait prendre. « Le Kernza pourrait peut-être apporter sa pierre à la diversification de l’agriculture en assurant de nouvelles ressources fourragères et/ou en valorisant le grain en alimentation humaine », estime Christophe David, Chercheur à l’ISARA.

Trouver des systèmes de culture adaptés

L’utilisation de Thinopyrum intermedium pourrait permettre la conception de systèmes innovants à bas intrants, dans un contexte climatique et économique très perturné. Les résultats obtenus depuis 2017 en France (notamment au cours de la de la Thèse d’Olivier Duchêne (2020)) témoignent du fort potentiel de cette culture à favoriser la durabilité des agroécosystèmes.

La plante présente 3 avantages :

  • Elle produit à la fois du grain à destination de l’alimentation humaine et du fourrage pour les herbivores. Cette double production peut être enchaînée au cours du temps : par ex deux ans en production de grain, puis les 3 années suivantes en production de fourrage.
  • La plante ne requiert que peu de fertilisants et d’eau, grâce à sa forte capacité d’exploration racinaire. Elle peut être envisagée dans des conditions de production qui ne sont donc pas à haut niveau d’intrants. Cet investissement de la plante pour le développement racinaire se fait toutefois au détriment de la production de grain.
  • Le 3ème intérêt est la diversification qu’elle apporte dans des systèmes de production qui se spécialisent (ou s’appauvrissent).

Dans le Massif central, elle pourrait venir en appoint pour consolider l’autonomie fourragère des élevages en fin d’automne. En Limagne, zone fortement centrée autour de 2-3 cultures majeures, on pourrait introduire cette culture sur quelques années pour améliorer la fertilité des sols et rompre certains cycles de bioagresseurs.

Quelques points délicats sont encore à maîtriser : la sensibilité à la compétition des adventices en début de cycle (avant la couverture du sol), la sensibilité à des conditions limitantes en eau la première année (avant développement du système racinaire profond).

Le niveau de production en grain étant assez faible (peu compétitif par rapport aux autres cultures de céréales), c’est plutôt dans des systèmes de culture diversifiés que cette culture pourrait trouver sa place, comme par exemple, des systèmes associant différentes espèces (des expérimentations sont réalisées en combinant Kernza et légumineuses), ou pour les élevages, contribuer à répondre aux questions d’autonomie alimentaire…  

Une dizaine d’espèces en observation

C’est au sein du Land Institute (Kansas) qu’a été conduit la sélection du Thinopyrum depuis une quinzaine d’années. On observe déjà des variations de la variété commercialisée (Kernza) par rapport à l’espèce sauvage.

« On teste pour l’instant différentes générations de Kernza dans différentes conditions, et en fonction d’objectifs qui nous sont propres. En fonction des utilisations potentielles (fourrage, grain, prairies, résilience du sol, résistance au stress, lien caractères pérennes et services écosystémiques ...), on définira probablement des idéotypes différents », précise Thierry Langin, Directeur de Recherche CNRS.

« Mais dans notre pépinière, il y a une dizaine d’autres espèces de céréales pérennes en observation. Thimopyrum est celle pour laquelle on dispose de l’essentiel des informations disponibles ; Mais ce n’est pas forcément la meilleure pour d’autres utilisations que celles recherchées par les américains. ».

Cette dynamique qui est maintenant lancée constitue une opportunité importante d’associer à une production céréalière « classique », une production fourragère et des services écosystémiques majeurs.

 

Epis de différentes céréales pérennes candidates
Epis de différentes céréales pérennes candidates à la sélection

En savoir plus :

Thierry Langin Directeur de rechercheUMR GDEC

Christophe David ChercheurUnité Agroécologie et environnement, ISARA

Olivier Duchêne Enseignant-ChercheurISARA

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