Changement climatique et risques 4 min

Cartographie par satellite des changements dans la séquestration du carbone forestier

COMMUNIQUE DE PRESSE - Le Biomass Carbon Monitor, un tout nouvel outil unique au monde, suit les variations de la capacité des forêts à réduire le carbone présent dans l’atmosphère. Chaque année depuis 2011, près de 760 millions de tonnes (Mt) de carbone ont disparu de l’atmosphère grâce aux forêts. En Chine, les politiques de reforestation et de gestion forestière ont eu une influence majeure sur l’amélioration de la séquestration du carbone par la végétation au cours des dernières années.

Publié le 29 octobre 2021

illustration Cartographie par satellite des changements dans la séquestration du carbone forestier
© Pixabay

Aujourd’hui a lieu le lancement du Biomass Carbon Monitor, la première plateforme géospatiale capable de mesurer le rôle des forêts dans la séquestration carbone par l’observation des changements de la biomasse. Kayrros, en partenariat avec l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) et le Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE), a élaboré cet outil sur la base de 30 ans de recherches. Il est aujourd’hui rendu librement accessible à tous.

Le Biomass Carbon Monitor permet d’accéder librement à des cartes mondiales de changement des stocks de carbone contenus dans la biomasse aérienne. Les données permettent de quantifier les changements annuels de la biomasse et de déterminer le rôle que jouent les forêts dans la réduction de la quantité de carbone présent dans l’atmosphère.

Les données du Biomass Carbon Monitor sont issues de mesures systématiques de l’émission micro-ondes des surfaces terrestres par le satellite SMOS de l’Agence spatiale européenne (ASE), combinées à des algorithmes particulièrement évolués. Le résultat montre que certaines régions de l’hémisphère nord stockent le carbone, tandis que les régions tropicales touchées par la déforestation sont émettrices. A l’échelle mondiale, 760[1] [2] millions de tonnes de carbone (Mt) ont été éliminées de l’atmosphère chaque année au cours de la dernière décennie – compensant près de 8% des émissions de CO2 associées à la consommation d’énergies fossiles et à la production de ciment au cours de cette période.

Parmi les informations apportées par cet outil, voici quelques résultats intéressants :

  • Un important puits carbone est visible dans la partie sud de la Chine (Yunnan, Sichuan, Chongqing, Guizhou, Guangxi et Guangdong, y compris Hong Kong et Macao) et représente un gain de l’ordre de 80 Mt de carbone par an depuis 10 ans. Sa formation est certainement due à la repousse de la végétation favorisée par les programmes publics de reboisement et de restauration, de meilleures pratiques de gestion forestières et l’amenuisement de la pression par les populations locales sur les bois et forêts.
  • Les arbres de Russie occidentale, dans les districts fédéraux du Centre, du Caucase du Nord, du Sud et de la Volga, ont séquestré 100 Mt de carbone chaque année entre 2011 et 2020, plus que l’intégralité des forêts de l’UE. Le recul des terres agricoles et la hausse des températures printanières pourraient avoir favorisé la croissance de la végétation dans la région.
  • Dans la région de l’Amérique du Nord – dans les régions du nord-est, du Midwest et du sud-est des Etats-Unis ainsi que dans les Caraïbes – la biomasse a également augmenté, prélevant environ 93 Mt de carbone par an sur les dix dernières années.
  • Dans les régions tropicales, ce sont surtout le remplacement des forêts primaires, riches en carbone, par des plantations et la dégradation forestière qui expliquent les changements observés. Le Brésil (perte de 40 Mt par an) et la Bolivie (perte de 20 Mt par an) témoignent de pertes carbone considérables engendrées par la diminution de la végétation, tandis que le bassin du Congo (gain de 45 Mt par an) et l’Asie du Sud-Est[3] (gain de 30 Mt par an) demeurent des puits de carbone. 

Le Biomass Carbon Monitor fournit des données depuis 2011, qui seront mises à jour quatre fois par an. Il apporte aux gouvernements, aux gestionnaires forestiers, aux agences de protection des forêts et aux citoyens des informations validées scientifiquement pour suivre les variations des stocks de carbone contenus dans les forêts et mesurer les pertes induites par des événements climatiques extrêmes, quasiment en temps réel.

Le rôle central que jouent les forêts et la végétation dans la réduction du CO2 présent dans l’atmosphère est désormais bien connu. Le Biomass Carbon Monitor apporte une nouvelle information sur les variations du carbone contenu dans la biomasse aérienne dans chaque région du monde et, qui pourra être utilisé pour faire le bilan des gains et des pertes par rapport aux politiques de protection des forêts.

“Les solutions fondées sur la nature ont un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre le changement climatique, mais seulement si nous sommes capables de comptabiliser et de localiser les émissions carbone qu’elles compensent réellement,” dit Antoine Rostand, Président de Kayrros. “Avec ces bilans carbone mesurés de manière indépendante, les Etats seront en mesure d’attribuer une valeur commerciale à l'augmentation de la biomasse sur leur territoire. Amener le prix de la tonne de carbone de 5 dollars US au prix des systèmes d’échange de quotas d’émission devrait permettre aux décideurs publics de mieux gérer leur biomasse et de fournir aux agriculteurs et aux propriétaires terriens les incitations nécessaires.”


“C’est un outil révolutionnaire qui complète les inventaires et les observations spatiales déjà disponibles en apportant une information complète sur la manière dont le carbone stocké par la biomasse évolue au cours du temps,” dit Philippe Ciais, Directeur de Recherche au LSCE et l’un des co-initiateurs du projet.

“Ces données, combinées à des informations sur les principales causes de variations de la biomasse telles que les incendies, les changements d’utilisation des sols, la gestion forestière et les tendances climatiques régionales, fournira à la communauté scientifique et aux décideurs des indicateurs et des ressources uniques sur la dynamique du carbone stocké dans les forêts”, conclut Jean-Pierre Wigneron, Directeur de Recherche INRAE et inventeur des bases de données de l’épaisseur optique de la végétation (VOD) utilisées pour quantifier les changements de la biomasse.

 

 

[1]   Les incertitudes sur les changements des stocks de carbone sont de l’ordre de 25% (Fan et al., Nature Plants 2019). La méthode d’estimation et les articles scientifiques associés sont détaillés directement sur le site web. https://carbonstocks.kayrros.com/.

[2]   Les chiffres donnés correspondent à la biomasse aérienne et ne prennent donc pas en compte le carbone séquestré par les sols et les racines. Des estimations montrent que la biomasse souterraine correspond à environ un tiers du carbone séquestré par la biomasse. Ainsi, le puits carbone total est d’environ 1100 millions de tonnes de carbone par an si la biomasse aérienne et la biomasse souterraine sont comptabilisées.

[3]  L’Asie du Sud Est comprend ici : le Vietnam, le Laos, le Cambodge, la Thaïlande, l'Indonésie, Singapour, la Malaisie, le Brunei, le Timor Oriental et les Philippines.

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