Agroécologie 3 min
Augmenter la température d’incubation pour des cailles plus résistantes à la chaleur ? Oui mais...
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Avec le changement climatique, les volailles sont de plus en plus soumises au risque de coups de chaleur qui peuvent être mortels. Pour réduire ce risque, INRAE, en collaboration avec le SYSAAF (Syndicat des sélectionneurs avicoles et aquacoles français), a étudié les effets d’une augmentation de la température en tout début de l’incubation des œufs de cailles japonaises sur plusieurs générations. Leurs résultats, publiés dans Journal of Animal Science and Biotechnology, montrent que les cailles dont la température d’incubation a été augmentée de 1,7 °C sont plus résistantes aux coups de chaleur. Cependant, la répétition de ce traitement sur deux générations ou plus entraine une baisse du poids des individus et des œufs pondus qui peuvent être transmis aux générations suivantes, sans que leur température d’incubation ait été augmentée. Ces résultats soulignent la nécessité de bien ajuster la période d’application de l’augmentation de la température et d’évaluer les effets de nouvelles méthodes d’élevage sur plusieurs générations.
Publié le 03 octobre 2023
Avec le changement climatique, les vagues de chaleur vont devenir de plus en plus aiguës et fréquentes, ce qui représente un risque pour les élevages de volailles. Chez les vertébrés, un changement dans l’environnement embryonnaire, comme une variation de température, peut avoir des conséquences sur le développement, les caractères et la santé des animaux. C’est pourquoi une équipe de recherche d’INRAE, appuyée par le SYSAAF, a étudié les effets de l’augmentation de la température d’incubation sur les œufs de cailles japonaises, un modèle de recherche proche du poulet d’élevage pour lequel des effets bénéfiques ont déjà pu être démontrés par l’équipe.
Durant plus de 3 années, ils ont étudié les cailles sur 7 générations consécutives dans un environnement contrôlé. L’incubation des œufs a été réalisée dans des couveuses automatisées permettant de contrôler finement la température et le taux d’humidité dans l’air. Ce dispositif a permis d’étudier les effets de la température d’incubation sur plusieurs générations. Les résultats montrent que l’augmentation de la température d’incubation des œufs a permis de réduire significativement la mortalité associée à un coup de chaleur chez les cailles au cours des premiers jours de vie post-éclosion de la 1re génération. Cependant, la répétition du traitement sur plusieurs générations a diminué le poids des animaux à 4-5 semaines d’âge ainsi que le poids des œufs pondus. Cet effet était transmissible à la descendance et a persisté sur plusieurs générations après arrêt du traitement. Les chercheurs ont pu observer une réversion de cet effet 4 à 5 générations après l’arrêt du traitement. Cela suggère que les effets de l’augmentation de la température d’incubation sont de nature épigénétique, c’est-à-dire que la température d’incubation a des effets sur la façon dont les gènes s’expriment. Malheureusement, l’effet bénéfique de l’amélioration de la survie lors d’un coup de chaleur ne semble pas transmissible aux générations suivantes après l’arrêt du traitement, suggérant que les effets sur la tolérance à la chaleur et la croissance passent par des mécanismes différents.
Ces recherches montrent que l’environnement précoce de l’embryon, comme la température, peut avoir des conséquences sur les oiseaux sur plusieurs générations même si l’augmentation de la température d’incubation n’est pas répétée à chaque génération. Pour limiter les conséquences transgénérationnelles sur la croissance tout en conservant les bénéfices de l’amélioration de la tolérance à la chaleur, il est nécessaire d’affiner le protocole d’incubation, par exemple en réduisant la période d’augmentation de la température comme cela a été fait chez le poulet dans d’autres travaux de recherche du laboratoire. Cette méthode d’augmentation de la température d’incubation est néanmoins très prometteuse, notamment si elle est appliquée ponctuellement en fonction des prévisions des conditions climatiques d’éclosion. Plus largement, ces travaux démontrent que le développement de nouvelles méthodes d’élevage peut avoir des impacts sur plusieurs générations, qui ne sont pas forcément perceptibles dès la 1re génération.
Référence
Vitorino Carvalho, A., Hennequet-Antier, C., Rouger, R. et al. Thermal conditioning of quail embryos has transgenerational and reversible long-term effects. J Animal Sci Biotechnol 14, 124 (2023). https://doi.org/10.1186/s40104-023-00924-2