Biodiversité 6 min

La température d’incubation des œufs de caille japonaise comme levier d’amélioration de la résistance à la chaleur ?

Une première caractérisation des effets de la température d’incubation des œufs de caille japonaise montre un impact sur la croissance, la physiologie et le métabolisme des oiseaux potentiellement en lien avec leur capacité de thermorégulation.

Publié le 17 novembre 2020

illustration La température d’incubation des œufs de caille japonaise comme levier d’amélioration de la résistance à la chaleur ?
© Vincent Coustham

Chez les vertébrés, des variations de l’environnement embryonnaire peuvent avoir des répercussions sur le développement, le phénotype et la santé des individus. Ainsi, il a été montré que des poulets exposés à des augmentations cycliques de la température lors de la phase d'incubation des œufs (donc pendant l’embryogenèse) sont plus résistants à la chaleur à l’âge de 35 jours. Des changements métaboliques, physiologiques et moléculaires induits par ce traitement embryonnaire ont également été mis en évidence (Loyau et al., 2013-2016 ; David et al., 2019).

La caille japonaise (Coturnix japonica) est une espèce aviaire très proche du poulet. Elle présente à la fois un intérêt scientifique (notamment pour les études en biologie du développement) et un intérêt agronomique pour la production de viande et d’œufs. Cependant, les effets de la température durant l’incubation sur la physiologie, le métabolisme et la résistance à la chaleur de cette espèce n’ont jamais été caractérisés de manière intégrative. Pour cela, les chercheurs ont transposé chez la caille japonaise le protocole développé chez le poulet, en augmentant de manière cyclique (12h/jour) la température d’incubation des œufs de 1,7°C (c’est-à-dire 39,5°C au lieu de 37,8°C habituellement) du 1er jour au 13ème jour d’incubation des œufs. La tolérance à la chaleur des cailles a été testée par un challenge thermique de 36°C pendant 7h à l’âge de 35 jours. De nombreux paramètres zootechniques (ex. : poids), physiologiques (ex. : température, hormones dans le sang) et métaboliques (ex. : paramètres biochimiques sanguins) ont été mesurés tout au long de l’élevage des cailles. Pour chaque paramètre mesuré, les effets du sexe, du traitement embryonnaire et du challenge thermique ont été étudiés.

Protocole du challenge thermique

Les résultats de cette étude montrent que l’augmentation cyclique de la température d’incubation a modifié la croissance des cailles, avec des animaux plus lourds à l’éclosion puis plus légers à 25 jours. Ces différences n’étaient plus observables 35 jours après l’éclosion. Certaines températures de surface du corps, utilisées comme marqueurs de la température interne ou des capacités de dissipation thermique en fonction des zones étudiées, ont été mesurées par thermographie infrarouge. L’analyse des résultats montre que le traitement thermique a diminué la température de surface des pattes chez les femelles, suggérant une possible modulation du flux sanguin. La température de surface du bec a également été affectée par le traitement embryonnaire en réponse au challenge thermique à l’âge de 35 jours, de manière différente selon le sexe, suggérant aussi des changements dans le potentiel de dissipation thermique des cailles. Par ailleurs, le traitement embryonnaire a eu un impact positif sur la pression partielle en oxygène du sang et le pourcentage de saturation en oxygène, toujours à 35 jours chez les femelles, ce qui suggère une adaptation de la physiologie respiratoire de ces animaux.

Cette première caractérisation de l’augmentation de la température pendant l’incubation chez la caille japonaise a donc montré des changements durables de la croissance, de la physiologie et du métabolisme des oiseaux, avec des effets variables selon le sexe. Les chercheurs ont maintenant pour objectif de comprendre les mécanismes moléculaires, notamment épigénétiques (affectant l’expression des gènes de manière dynamique et réversible), qui pourraient expliquer les changements induits à long terme par cette exposition précoce à des hausses de température. En outre, la possible transmission transgénérationnelle des effets du traitement sur les générations descendantes de ces cailles est également en cours d’étude.

 Autres référence citées:

Loyau, T.; Berri, C.; Bedrani, L.. et al. 2013. Thermal manipulation of the embryo modifies the physiology and body composition of broiler chickens reared in floor pens without affecting breast meat processing quality. J Anim Sci, 91(8):3674-85. doi: 10.2527/jas.2013-6445

Loyau, T.; Hennequet-Antier, C.; Coustham, V. et al. 2016. Thermal manipulation of the chicken embryo triggers differential gene expression in response to a later heat challenge. BMC Genomics, 17:329. doi: 10.1186/s12864-016-2661-y

David, S.-A.; Vitorino Carvalho, A.; Gimonnet, C. et al. 2019. Thermal Manipulation During Embryogenesis Impacts H3K4me3 and H3K27me3 Histone Marks in Chicken Hypothalamus. Front Genet, 10:1207. doi: 10.3389/fgene.2019.01207

 

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