Agroécologie 3 min

Arbres & champignons : mariés pour la vie

Souvent invisible, caché dans le sol des sous-bois, l’immense réseau mycélien ne se révèle au grand jour qu’une fois par an : à l’automne. C’est en effet à cette période de l’année que la plupart des champignons poussent et se rendent visibles, pour le plus grand plaisir de nos yeux… et de nos papilles ! Ce monde des champignons, caractérisé par sa grande discrétion, joue pourtant un rôle clé sur notre planète. Quel est-il ? Quels services rendent-ils à la forêt ?

Publié le 19 février 2019

illustration  Arbres & champignons : mariés pour la vie
© INRAE, Marc Buée

L’année 2018 n’aura pas été une année à champignons dans le nord-est de la France… Francis Martin et ses collègues du centre INRAE de Nancy s’en désolent : « faute de pluies, la Lorraine était un véritable désert mycologique ! ». Si le fait qu’il n’y ait pas de fructifications une année ne veut pas dire qu’il n’y en aura plus du tout, cela reste un phénomène inquiétant car les épisodes de sécheresse sont de plus en plus fréquents. « 2003, 2005, et ces dernières années ont été marquées par des précipitations faibles en automne, c’est assez incroyable… » nous explique Marc Buée, chercheur à l’unité Interactions Arbres / Microorganismes.

Une diversité menacée

Essentiels à la croissance des arbres et responsables de la décomposition des débris végétaux et du bois, les champignons sont indispensables au bon fonctionnement des forêts. Ils utilisent les spores portées par leurs fructifications pour disperser leur patrimoine génétique au gré du vent, et ainsi coloniser d’autres territoires… Nous enregistrons déjà les effets du changement climatique sur la phénologie des champignons (par exemple la durée des poussées de champignons) et sur la diversité des communautés fongiques.« À la fin de ce siècle, d’autres espèces pourraient bien pousser dans nos forêts si les températures annuelles moyennes continuent à augmenter rapidement ; la démographie de ces espèces sera également modifiée. De ce fait, les fonctions remplies par les différentes catégories de champignons composant la communauté fongique pourraient être profondément modifiées » précise Marc Buée.

Une aide précieuse…

Les champignons jouent un rôle écologique fondamental

« Les champignons symbiotiques jouent un rôle écologique fondamental : ils stimulent la croissance des plantes en améliorant leur nutrition et en les protégeant de nombreuses agressions » introduit Francis Martin, Directeur du LabEx Arbre. Le chercheur en est persuadé : s’il n’y en avait pas, les forêts et les autres communautés végétales, et donc, notre planète n’auraient pas le même visage. « Les champignons symbiotiques ont joué un rôle décisif dans la colonisation des continents par les plantes il y a plus de 400 million d’années ; aujourd’hui encore, ils assurent la nutrition de la quasi-totalité des plantes terrestres. Les champignons décomposeurs dégradent les déchets organiques et assurent ainsi à la fois le recyclage efficace de cette matière organique, et la fertilité des sols. Enfin, n’oublions pas que de nombreux champignons produisent de délicieuses fructifications comestibles ! » complète-t-il en souriant.

… même en environnement extrême !

Parmi les services rendus par les champignons, Claude Murat, ingénieur dans l’unité Interactions Arbres / Microorganismes, insiste sur le fait que ces derniers permettent à certaines plantes de pousser dans des environnements extrêmes : sols pollués par des métaux lourds, très dégradés ou salés… « C’est la symbiose avec les champignons mycorhiziens qui contribuent à protéger ces plantes ! ». Les chercheurs s’efforcent également d’identifier les champignons qui pourraient aider les arbres à mieux supporter la répétition de sécheresses du sol prolongées.

Les maîtres du cycle du carbone

En plus d’être les garants de la bonne santé des plantes, y compris dans les milieux extrêmes, les champignons jouent un rôle fondamental dans les cycles biogéochimiques des écosystèmes terrestres, dont le cycle du carbone. Marc Buée explique que « les champignons rendent un service de compensation : ils participent au cycle des éléments, notamment, celui du carbone. Ils ont un rôle déterminant pour réguler le recyclage de la matière organique ! ». De plus, afin d’atténuer les effets négatifs du réchauffement climatique et plus particulièrement de piéger les gaz à effet de serre, il est essentiel que les champignons continuent à séquestrer le carbone dans le sol.

Les champignons, ces champions. Chiffres-clés pour le dossier voyage au royaume des champignons.

A chacun son hôte : champignons généralistes ou spécialistes ? 

Champignon : mycène incliné, illustration pour l'interview du dossier Voyage au royaume des champignons.
Mycène incliné

Les champignons symbiotiques mycorhiziens, associés aux arbres, sont le plus souvent généralistes. Ils peuvent établir une symbiose mutualiste avec plusieurs espèces d’arbres. Ainsi, la truffe s’installe sur plus d’une dizaines d’espèces d’arbres et d’arbustes, notamment avec les chênes et les noisetiers. Toutefois, certaines espèces de champignons, comme les lactaires, sont inféodées à une espèce d’arbre en particulier. L’âge du peuplement forestier ou la nature du sol influencent également la présence de tel ou tel type de champignons. Par exemple, les trompettes de la mort vont préférer les taillis composés de hêtres d’une dizaine d’années. « Avec les outils de l’écologie moléculaire, nous tentons de caractériser les facteurs environnementaux qui influencent la composition des communautés fongiques. Quelles sont les espèces présentes, quel est l’impact des saisons et du climat ou de l’aménagement sylvicole sur leur démographie ? » précise Francis Martin.

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Anaïs BozinoRédactrice

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Francis Martin Pilote scientifiqueLabex ARBRE

Claude Murat et Marc BuéeUMR Interactions Arbres / Microorganismes

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