Alimentation, santé globale Temps de lecture 4 min
Anticiper le risque mycotoxine dans les alternatives végétales aux fromages de type bleu
Le process de fabrication des alternatives végétales aux fromages bleus inclut l'utilisation de cultures fongiques. Des recherches ont été mises en place au sein du partenariat scientifique entre les unités de recherches INRAE, MycSA et UMRF, afin d'anticiper le risque mycotoxine dans ce type de produit. Des résultats récents ont permis d’apporter les premiers éléments de réponse sur ce sujet.
Publié le 28 février 2025

Avec la croissance constante de la demande pour des alternatives végétales au fromage en provenance des consommateurs flexitariens, végétaliens ou végans, ce marché se développe progressivement.
Ces alternatives végétales conçues pour imiter la texture et les attributs sensoriels des fromages à base de lait animal, sont réalisées à partir de matrices végétales tels que le soja, l’amande ou la cajou. Les caractéristiques sensorielles et texturales des alternatives végétales au fromage dépendent notamment de la nature et du traitement des ingrédients végétaux lors des procédés de fabrication et d’affinage.
Pour produire des alternatives végétales aux fromages à moisissures bleues, des cultures fongiques (généralement Penicillium roqueforti) sont souvent utilisées dans les processus de production.
Depuis longtemps, P. roqueforti est employé comme culture d’affinage pour des fromages à pâte persillée tels que le Roquefort, le Gorgonzola ou le Stilton, en raison de ses activités protéolytiques et lipolytiques qui génèrent des métabolites responsables de l’arôme et de la saveur de ces fromages.
Une des spécificités des matrices végétales est de présenter un rapport carbone/azote (C/N) plus élevé que celui du lait animal. Cette différence pourrait favoriser la production de mycotoxines par P. roqueforti.
C’est pourquoi les chercheurs de l'unité de recherche mycologie et sécurité des aliments (MycSA ) et de l'unité mixte de recherche sur le fromage (UMRF) ont souhaité lancer une étude scientifique pionnière sur le sujet afin de combler le manque de connaissances sur le potentiel risque de productions de toxines par les souches utilisées pour la production d’alternatives végétales aux fromages de type bleu. .
Ce risque peut résulter de la contamination initiale des ingrédients végétaux mais aussi, et surtout, de l’utilisation de ferments à base de P. roqueforti. Si cette espèce fongique, connue pour sa capacité à synthétiser une variété de mycotoxines, n’induit pas de risques sanitaires dans les fromages à base de laits animaux, du fait de la production de ces toxines à de très faibles concentrations et de leur instabilité, les connaissances scientifiques actuelles ne permettent pas d’énoncer la même conclusion en ce qui concerne les matrices végétales.
Une étude en 2 étapes
Dans une première phase, 15 souches de P. roqueforti, appartenant aux populations « Roquefort » et « Non-Roquefort », ont été évaluée en fonction de leur capacité à produire des mycotoxines. Dans les conditions expérimentales utilisées, les résultats ont montré une production significativement plus élevée de la mycotoxine roquefortine C et une production plus faible de la mycotoxine andrastine A par les souches de la population Non-Roquefort comparées à celles de la population Roquefort.
Dans une seconde phase, les mêmes souches ont été utilisées dans une approche de type « challenge test » pour comparer la sensibilité à la contamination en mycotoxines de cinq matrices, à la fois d'origine végétale (amande, noix de cajou et soja) et animale (vache et brebis).
Les résultats ont notamment révélé que les matrices à base de noix de cajou et de soja favorisaient une production accrue de roquefortine C et d’acide mycophénolique, ainsi qu’à une moindre mesure de fumigaclavine A.
Un risque dépendant des combinaisons souche/matrice
L’étude met en évidence que le risque de contamination des alternatives végétales par des mycotoxines dépend fortement de la combinaison entre les souches de P. roqueforti utilisées et la matrice choisie. Elle alerte sur la nécessité de bien raisonner la conception des produits à base de végétaux afin de prendre en compte ces interactions pour minimiser les risques pour les consommateurs.
Ces recherches constituent une avancée majeure dans la compréhension et anticipation des risques sanitaires liés à la production d'alternatives végétales aux fromages de type bleu.
Ces travaux soulignent la nécessité de poursuivre des études scientifiques approfondies sur les déterminants de la production de mycotoxines par P. roqueforti afin de prédire le niveau de risque des matrices et de garantir la sécurité alimentaire dans ce secteur en pleine expansion.
Pour aller plus loin :
Use of Penicillium roqueforti in plant-based veined-blue cheese: A source of mycotoxin hazards?
Food Control Volume 171, May 2025, 111130
Oriane Gauthier , Stéphane Bernillon, Rayan Khireddine, Capucine Saupique, Nathalie Gallegos, Cécile Callon, Christophe Chassard, Florence Richard-Forget
While the consumer demand for plant-based cheese is increasingly growing, there is insufficient knowledge to allow anticipating potential hazards related to mycotoxins in these new products and notably in plant-based blue veined cheese inoculated with Penicillium roqueforti. Actually plant-based matrices, characterized by a higher C/N ratio than dairy milk, are likely to promote the yield of mycotoxins by P. roqueforti. This study aims to provide first scientific insights to fulfill this gap of knowledge. As a first step, the capacity of 15 P. roqueforti strains belonging to the Roquefort and Non-Roquefort populations to yield mycotoxins was assessed. The medium used allowed to evidence a significant higher production of roquefortine C and a lower yield of andrastin A by strains of the Non Roquefort group compared to those of the Roquefort one. In a second step a microbiological challenge testing approach was implemented using five matrices of plant (almond, cashew and soy) and animal (cow and sheep) origin. Results suggested that animal matrices were more prone to contamination with andrastin A while cashew and soy matrices promoted the yield of roquefortine C and mycophenolic acid, and in a less extent of fumigaclavin A. Besides, while warning on the mycotoxin risk associated with some plant matrices, our results also evidenced that the risk was strongly dependent on choice of the combination P. roqueforti strain/matrix.