Agroécologie 3 min

Amélioration de la prédiction des protéines eucaryotes pour mieux comprendre l'écologie et l'évolution des microorganismes du sol en interactions avec les plantes

Des chercheurs INRAE de l’Institut Sophia Agrobiotech en collaboration avec la société MYCOPHYTO ont extrait et réanalysé 6 800 jeux de données métagénomiques de sols afin d’améliorer la représentation de la biodiversité des micro-organismes eucaryotes présents dans les sols, dont les champignons mycorhiziens utilisés en tant que biostimulants.

Publié le 30 juin 2022

illustration Amélioration de la prédiction des protéines eucaryotes pour mieux comprendre l'écologie et l'évolution des microorganismes du sol en interactions avec les plantes
© INRAE, Carole BELLIARDO

Une collaboration INRAE - MYCOPHYTO

Des chercheurs INRAE de l’Institut Sophia Agrobiotech en collaboration avec la société MYCOPHYTO viennent de publier dans la revue Scientific Data leurs travaux de recherche sur l’amélioration de la prédiction des protéines présentes dans les génomes des micro-organismes eucaryotes vivant dans les sols. Ce travail d’analyse a été réalisé à partir de données de séquençage de milliers d’échantillons de sols disponibles sur des serveurs de données publics. Cela a permis d'obtenir une meilleure représentation des eucaryotes composant les communautés microbiennes terrestres mais aussi de révéler la diversité des protéines codées par leurs génomes.  

Ces travaux de recherche ont été réalisés dans le cadre de la thèse de Carole Belliardo, bio-informaticienne dans l’équipe Génomique et Evolution Moléculaire Adaptative (GAME) de l’Institut Sophia Agrobiotech. Après un Master « Science de la Vie et de la Santé » à l’Université de Nice, Carole Belliardo a obtenu en 2019 un co-financement de thèse par le département Santé des Plantes et Environnement d’INRAE et la société MYCOPHYTO qui propose aux agriculteurs des biostimulants basés sur la synergie entre les champignons mycorhiziens présents dans les sols et les racines des plantes.

Ces recherches ont un double intérêt pour les collaborateurs. Pour INRAE, ce travail est essentiel en termes de recherche fondamentale car il améliore nettement la qualité des séquences des protéines eucaryotes présentes dans le sol et donne une meilleure représentation de leur biodiversité. Pour la société MYCOPHYTO, l’intérêt se situe au niveau de l’exploitation de ces données qui permet d’extraire des informations concernant la distribution géographique des différentes espèces de champignons mycorhiziens dans les sols.    

Améliorer la représentation de la diversité des micro-organismes des sols 

Pour mener à bien ses recherches, Carole Belliardo a utilisé des données métagénomiques. L'approche métagénomique provient du séquençage sans distinction de l’ensemble des micro-organismes vivants dans un environnement spécifique. Pour cela, elle a utilisé les données stockées sur le serveur public IMG/M du Joint Genome Institute aux Etats-Unis. Elle a ainsi fait l’acquisition de plus de 6 800 jeux de données métagénomiques correspondant à des échantillons terrestres et de rhizosphères (ce qui représente plusieurs dizaines de téraoctets de données). 

Cependant, la doctorante s’est rapidement aperçue que les protéines de micro-organismes eucaryotes prédites dans ces métagénomes étaient mal représentées et mal annotées dans ces données. Cette limitation est due aux procédures d’analyses proposées par les serveurs publics qui utilisent des outils dédiés au traitement de données procaryotes (bactéries et archées). Les micro-organismes eucaryotes sont ainsi négligés bien qu’ils représentent une biomasse souvent équivalente à celle des procaryotes dans les sols. Il était donc essentiel pour elle et l’ensemble de l’équipe de recherche d’améliorer la représentation des microorganismes eucaryotes dans ces données métagénomiques.  

Elle a ainsi développé au cours de sa thèse un pipeline bio-informatique qui permet de détecter les séquences d’ADN provenant de micro-organismes eucaryotes dans des données métagénomiques et d’effectuer une prédiction de novo des protéines à l’aide d’un logiciel prenant en considération les caractéristiques génomiques des eucaryotes. Le déploiement de cette méthode sur les 7,9 milliards de génomes ou fragments de génomes microbiens du JGI a permis d’identifier 8 millions de protéines provenant d’organismes eucaryotes vivants dans les sols, et plus de 300 000 protéines orphelines. Ces protéines orphelines annotées dans des génomes ou fragments de génomes eucaryotes et dépourvues d'homologie dans les bases de données publiques représentent un potentiel de découverte sans précédent. Outre la caractérisation du potentiel fonctionnel déduit des analyses protéiques, il est possible d’assigner ces protéines à une information taxonomique permettant ainsi de coupler diversité taxonomique et fonctionnelle. Ces nouvelles données qui ont ainsi pu être générées, sont aujourd’hui partagées et accessibles sur un serveur public afin d’être réutilisées.  

Choisir le bon "mix" de champignons mycorhiziens comme biostimulant 

La société MYCOPHYTO, co-financeur de cette thèse, propose aux agriculteurs des champignons mycorhiziens comme biostimulants pour leurs cultures. L’objectif de MYCOPHYTO, avec ce projet de recherche, est de développer un algorithme qui permet d'identifier quel est le bon "mix" d’espèces de champignons mycorhiziens à utiliser en fonction des cultures et des paramètres physico-chimiques de l'environnement. Il s’agit d'optimiser le produit proposé à l’agriculteur. 

Ainsi, le travail de Carole Belliardo est d’un grand intérêt pour MYCOPHYTO avec l’extraction des métadonnées associées aux séquences biologiques telles que la géolocalisation ou d'autres paramètres environnementaux. Cela permet de récupérer notamment des informations prépondérantes de distribution géographique des champignons mycorhiziens. Ces informations de distribution couplées avec des données de paramètres physico-chimiques de sols, météorologiques ainsi que d'autres données environnementales permettraient de développer un outil de prédiction fiable afin de déterminer le meilleur "mix" de champignons mycorhiziens à utiliser en fonction des paramètres environnementaux des sols.

RÉFÉRENCE
Belliardo, C., Koutsovoulos, G.D., Rancurel, C. et al. Improvement of eukaryotic protein predictions from soil metagenomes. Sci Data 9, 311 (2022). https://doi.org/10.1038/s41597-022-01420-4

Arnaud RIDELRédacteurDépartement SPE

Contacts

Carole BELLIARDO chercheuseInstitut Sophia Agrobiotech (ISA)

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