Abeilles à miel : comment les humains ont bouleversé leur histoire et leur diversité

ARTICLE REDIGE AVEC THE CONVERSATION - Des 20 000 espèces d’abeilles connues, seule une petite dizaine est utilisée pour produire du miel. Une étude récente, pilotée par Thibault Leroy, chercheur au laboratoire Génétique et physiologie des systèmes d’élevage (Genphyse) du centre INRAE Occitanie-Toulouse, s’intéresse à leur histoire et donne des pistes pour comprendre les conséquences de leur utilisation à l’échelle mondiale par les humains.

Publié le 03 février 2025

© Thibault Leroy

Dans une nouvelle étude, nous nous sommes intéressés à l’histoire des abeilles à miel et à l’évolution récente de leur diversité génétique.

Les pollinisateurs, dont les abeilles, sont un maillon essentiel au maintien de la diversité végétale et de la production agricole. Environ 20 000 espèces d’abeilles sont décrites mondialement, dont près de 2 000 en Europe. Les abeilles à miel, du genre Apis, ne sont représentées que par une petite dizaine d’espèces, toutes originaires d’Asie sauf Apis mellifera, qui est endémique d’Europe, d’Afrique et du Moyen-Orient. Cette dernière espèce, à laquelle nous nous intéresserons ici, contribue massivement aux besoins de pollinisation en agriculture, surtout depuis sa diffusion par les humains à travers le monde.

« Apis mellifera », une espèce semi-domestique à l’histoire bouleversée

L’histoire d’Apis mellifera est complexe. Si pour notre propre espèce, l’origine africaine ne fait plus aucun doute, celle d’Apis mellifera reste l’objet d’un vif débat. Certaines études soutiennent une origine africaine, d’autres asiatique, voire européenne.

Quelle que fut la direction de cette colonisation, l’établissement d’Apis mellifera en Afrique, y compris à Madagascar, ainsi qu’au Proche-Orient et en Europe, remonte à au moins des centaines de milliers d’années, ce qui a contribué à façonner la large diversité observée sur l’ensemble de cette aire géographique. Au sein de cette espèce, cette diversité est composée d’une trentaine de sous-espèces regroupées en sept grandes lignées (quatre lignées majeures : A, C, M, O, ainsi que trois mineures L, U & Y).

Trois de ces lignées se trouvent en Europe, avec, d’ouest en est : les abeilles noires de lignée M, notamment en France ou dans la péninsule ibérique ; les abeilles de lignée C, en Italie et dans les Balkans et les abeilles de lignée O aux confins orientaux de l’Europe, par exemple en Turquie et dans le Caucase.

Notre nouvelle étude porte sur l’histoire probable de ces trois grandes lignées européennes par l’étude de leurs génomes. Les résultats montrent qu’une longue période de séparation a conduit à établir les différences génétiques bien marquées actuellement observées.

Cependant, par la suite, au moins une période d’échanges a eu lieu, notamment lors de la recolonisation naturelle des abeilles vers leurs habitats actuels, depuis leurs derniers refuges glaciaires.

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Référence :

Thibault Leroy, Pierre Faux, Benjamin Basso, Sonia Eynard, David Wragg, Alain Vignal, Inferring Long-Term and Short-Term Determinants of Genetic Diversity in Honey Bees: Beekeeping Impact and Conservation Strategies, Molecular Biology and Evolution, Volume 41, Issue 12, December 2024, msae249, https://doi.org/10.1093/molbev/msae249 

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