Biodiversité Temps de lecture 3 min
Le projet Cyanosafe, pour des baignades en toute sécurité
Le projet Cyanosafe, développé par les scientifiques d’INRAE en collaboration avec les acteurs publics et la start-up Microbia Environnement, vise à détecter plus rapidement et plus efficacement les proliférations de cyanobactéries potentiellement toxiques dans les plans d’eau et cours d'eau du sud-ouest de la France.
Publié le 14 août 2020

Phytoplancton et cyanobactéries potentiellement toxiques dans les plans d’eau et cours d'eau
Sous les chaleurs estivales, difficile de résister à un plongeon dans les eaux chaudes du Sud-Ouest français. A condition que l’état de l’eau le permette ! « Eaux stagnantes, chaudes à très chaudes et pleines de nutriments, les conditions sont idéales pour le développement de cyanobactéries », confie Christophe Laplace-Treyture, ingénieur à INRAE spécialisé en algologie des eaux douces. A force de discussions entre l’ingénieur et différents acteurs publics du Sud-Ouest, en particulier avec le Syndicat mixte de rivières Côte Sud (SMRCS), la problématique du phytoplancton et des cyanobactéries potentiellement toxiques dans les plans d’eau et cours d'eau de la région s'est rapidement retrouvée au centre des enjeux scientifiques locaux.
Anticiper les risques sanitaires
Suivre l'évolution des cyanobactéries
Dans les Landes (40), le cours d'eau du Boudigau par exemple est soumis à des pics de prolifération de cyanobactéries, potentielles émettrices de toxines dangereuses pour la santé comme pour l'environnement. C'est la raison pour laquelle un suivi régulier est rendu nécessaire dans les lacs et cours d'eau de la région, afin d'anticiper les risques sanitaires qui peuvent s'ensuivre en aval, notamment dans les zones dont le système économique repose en partie sur les activités nautiques estivales. A quelques kilomètres de là, toujours sur le territoire du sud des Landes, même constat d'après l’ingénieur : « les conditions des bassins de la réserve du marais d’Orx sont idéales pour que les cyanobactéries se développent. C'est un vrai bouillon de culture ». Des écosystèmes prolifiques qui, en cas de pluie, poussent les gestionnaires de la réserve à relarguer un certain volume d'eau dans le Boudigau, situé en aval, de manière à maintenir les niveaux requis pour les usages de la réserve et pour la sécurité des bassins. « C'est à ce moment-là qu'on a tout intérêt à prélever des échantillons sur le cours d'eau exutoire pour suivre l'évolution des cyanobactéries », précise Christophe Laplace-Treyture.
Une analyse plus rapide que la procédure réglementaire
Pour le moment, l’étude des relevés de cyanobactéries imposée par la réglementation est réalisée par microscopie au laboratoire et peut prendre plus de 24 h avant de donner un résultat exploitable. Le SMRCS a alors décidé de mettre en place un système d'analyse des cyanobactéries plus rapide sur les cours d'eau de son territoire. Pour cela, il a fait appel à la start-up Microbia Environnement pour développer le projet Cyanosafe avec l'aide des scientifiques d’INRAE, afin de déceler plus rapidement et plus efficacement l’éventuelle présence de cyanobactéries aquatiques. Grâce à ce projet, sur lequel interviennent les ingénieurs d’INRAE Sylvia Moreira et Christophe Laplace-Treyture, la détection des cyanobactéries vivantes actives peut s'effectuer en seulement quelques heures.
Par ailleurs avec la méthode habituelle, l'identification des cyanobactéries à l'aide de microscopes « demande des compétences taxonomiques importantes, alors que les outils développés dans le cadre de Cyanosafe demandent moins de compétences longues à acquérir », indique Christophe Laplace-Treyture. Et sur le territoire du SMRCS, qui s'étend à peu près entre le Marais d'Orx, le Boudigau et Capbreton, il existe « une réelle problématique de cyanobactéries ». Le terrain se prête donc tout à fait à l'application des outils développés dans le cadre de Cyanosafe.
Une technologie innovante
Mesurer le contenu génétique des organismes prélevés dans les échantillons d'eau
La technologie mise en œuvre dans Cyanosafe fait appel à l'utilisation de biocapteurs, permettant de reconnaître la signature génétique des organismes recherchés et de détecter leur activité de manière précise et rapide. Selon Christophe Laplace-Treyture, « Cyanosafe se veut être le dernier projet pour finaliser cet outil biocapteurs génétiques pour cyanobactéries ». L'innovation principale de ce projet réside donc dans la mesure du contenu génétique des organismes prélevés dans les échantillons d'eau : « avec Microbia Environnement, c'est l'ARN qui est mesuré, c'est-à-dire la partie exprimée et active des organismes », explique l'ingénieur. « On peut donc quantifier les cyanobactéries qui sont actives, tandis qu'avec la méthode réglementaire on compte toutes les cyanobactéries sans savoir si elles sont actives ou non ».
La détection plus fine et plus rapide des espèces de cyanobactéries présentes dans les cours d'eau permet ainsi d'anticiper plus efficacement la dangerosité éventuelle pour les activités nautiques dans les zones alentours. En cas de prolifération, les bases de loisirs peuvent alors être amenées à fermer avec une réactivité et une pertinence plus importantes. En août 2019 par exemple, le lac d'Hossegor avait été fermé à la baignade suite à la prolifération d'une cyanobactérie dans le cours d'eau amont. Finalement cette réduction de l'activité économique locale s'est avérée inutile puisqu'en réalité, la quantité réelle de cyanobactéries actives et potentiellement dangereuses n'atteignait pas les seuils réglementaires et la baignade ne présentait finalement pas de véritable risque.
L'intérêt est donc non-seulement environnemental et sanitaire, mais aussi économique et touristique. Et d'après l’ingénieur, la démarche de détection pourrait même être encore plus rapide. « A terme, on pourrait imaginer un outil qui mesure presque sur site, dans un local dédié », imagine t-il. « Mais ça, ça sera à Microbia Environnement de s'en occuper ».
Le véritable risque révélé par la présence des cyanobactéries est en réalité leur capacité à produire potentiellement des toxines dangereuses. Parmi les cyanotoxines, si certaines toucheront le système cutané ou bien le système hépatique par exemple, d'autres peuvent également créer des lésions au niveau du système nerveux, pouvant entraîner une mort rapide. D'après Christophe Laplace-Treyture, « on ne peut pas préjuger de la quantité de toxines avec la quantité de cyanobactéries ». Mais la raison pour laquelle les scientifiques cherchent à quantifier les cyanobactéries plutôt que les toxines possiblement rejetées par certaines d'entre elles est principalement une question budgétaire. La prolifération des cyanotoxines n'étant pas visible à l’œil nu, il faudrait alors multiplier les prélèvements dans les plans d'eau, impliquant inévitablement une grande part de résultats négatifs. Pour les collectivités, cela reviendrait donc à payer plus cher pour des données qui n'auront pas d'impact direct sur les activités locales. La mesure des cyanobactéries semble donc être un compromis pour estimer l'évolution des cyanobactéries actives et donc l'apparition potentielle de toxines, selon la nature des cyanobactéries identifiées.