Alimentation, santé globale 5 min

3 questions à une jeune pousse : Biomae

Mesurer la contamination, évaluer la toxicité des micropolluants… la surveillance de la qualité de l’eau et des milieux aquatiques en France s’appuie désormais sur des bioessais développés par la start-up Biomae dans les laboratoires d'INRAE. Une réussite qui doit beaucoup à un petit crustacé d’eau douce, le gammare. Rencontre avec Guillaume Jubeaux, co-dirigeant de Biomae.

Publié le 29 juin 2020

illustration 3 questions à une jeune pousse : Biomae
© Biomae

En 2008, Guillaume Jubeaux rejoint ce qui est aujourd'hui l'unité INRAE de recherche et de développement pluridisciplinaires sur le fonctionnement des hydrosystèmes RiverLy, basée à Lyon.

 Gammare (Gammarus fossarum)

Dans le cadre de sa thèse, il travaille sur le développement de biomarqueurs de perturbation endocrinienne chez un crustacé, le gammare (Gammarus fossarum).

Diplômé d’écotoxicologie, co-fondateur de la start-up Biomae – en anglais, Biomonitoring Aquatic Environment - dédiée à la surveillance chimique et écotoxique de l’eau et des milieux aquatiques, il en est aujourd’hui co-dirigeant, en charge de la direction de la technologie.

Comment est née la start-up Biomae ?

Guillaume Jubeaux : Fin 2012, dès la fin de mon doctorat, tenté par l’entreprenariat, je rejoins deux chercheurs de mon laboratoire, Olivier Geffard – mon co-directeur de thèse - et Arnaud Chaumot, dans un projet de transfert d’outils destinés à évaluer l’impact et le devenir de micropolluants (pesticides, métaux, hydrocarbures…) dans les milieux aquatiques.

L’écotoxicologie, entre chimie et approches écologiques

À ce moment-là, l’écotoxicologie était encore cantonnée à des tests en laboratoire. Depuis 2004, Olivier et Arnaud avaient identifié un organisme intéressant pour réaliser des tests in situ, le Gammare - très abondant à l’état naturel dans les cours d’eau français et européens, ce petit crustacé est sensible aux contaminants qu’il accumule fortement. Ils avaient mis au point une technique d’encagement de ces organismes qu’ils pouvaient ainsi transplanter dans le milieu à étudier. Les deux scientifiques avaient également élaboré des techniques d’analyse et de mesure - accumulation des micropolluants et évaluation de leurs effets - et défini des valeurs de référence qui permettent d’interpréter ces résultats.

Courant 2013, au sein de l’incubateur lyonnais Créalys, aujourd’hui Société d'accélération du transfert de technologies ou SATT Pulsalys, je rencontre Laurent Viviani, business developper. Il deviendra mon associé pour la direction opérationnelle de Biomae. Dépôts de brevets et protection du savoir-faire, étude des besoins des clients potentiels, construction des offres commerciales…  Biomae voit le jour le 27 mai 2014.


Vous avez des liens étroits avec INRAE ?

G. Jubeaux : Tout à fait ! Nous sommes un essaimage d'INRAE. Nous proposons des bioessais intégrateurs normalisés Afnor, issus de 10 années de recherche ! Jusqu’à très récemment, Biomae était encore hébergé dans les locaux d’INRAE, bénéficiant tout à la fois des bureaux et des laboratoires pour mener à bien ses travaux.

Co-fondateurs de Biomae, co-inventeurs des bioessais in situ, Olivier Geffard et Arnaud Chaumont sont toujours chercheurs au sein du laboratoire d’écotoxicologie d’INRAE. Ils consacrent actuellement 20 % de leur temps à Biomae dont ils sont membres du conseil scientifique. Leur complémentarité permet à Biomae de bénéficier de leurs solides connaissances en écotoxicologie des milieux aquatiques, en écophysiologie des crustacés, en biologie évolutive ou encore en biostatistiques.

Travailler avec les équipes de recherche INRAE aux outils de demain

Nous sommes adossés à un vrai tiers de confiance. Grâce à INRAE et à nos autres partenaires, nous sommes en mesure de proposer une offre de services qui conjugue rigueur opérationnelle et rigueur scientifique. A noter que nous sommes impliqués dans plusieurs projets de recherche, nous avons ainsi coordonné le projet Begin – Biosurveillance active de la qualité des milieux aquatiques, acccompagné par l’Ademe dans le cadre de l’initiative PME du programme d’investissements d’avenir (2017-2018) et sommes partenaires du projet APPROve - Démarche intégrée pour proposer la protéomique dans la surveillance : accumulation, devenir et multimarqueurs (ANR, 2018-2022).

Quels sont les débouchés de la start-up ? Comment voyez-vous son avenir ?

G. Jubeaux : Aujourd’hui, Biomae propose aux acteurs de l’eau un outil normalisé qui permet de mesurer la contamination et d’évaluer la toxicité des polluants présents dans les milieux aquatiques. L’objectif : surveiller la qualité de l’eau et des milieux aquatiques in situ mais aussi réaliser des études d’impact, p. ex. d’un rejet, d’un déversoir d’orage ou encore d’un lâcher de barrages ou de travaux voire d’une pollution accidentelle.

Si on regarde l’histoire de Biomae, il y a eu deux étapes marquantes : d’abord, le transfert de technologie qui a conduit à sa création, puis l’entrée de notre test de bioaccumulation des micropolluants dans la réglementation française qui a permis à la société de décoller. Désormais, nous travaillons à faire reconnaitre les aspects liés à l’écotoxicologie -  perturbation endocrinienne, neurotoxicité…- comme des méthodes de référence nationale et internationale. En parallèle, nous poursuivons notre activité de normalisation Afnor sur les tests de toxicité (3 nouvelles normes seront publiées en 2020). Nous avons déménagé à proximité des élevages de gammares, dans la plaine de l’Ain où nous disposons de 300 m² de laboratoires.

Nous sommes particulièrement actifs dans la création d’un syndicat professionnel de l’eau dans la perspective de structurer et développer le marché de l’eau en France pour le développer.

Notre expertise, une base solide pour exporter Biomae

Sur le plan international, plusieurs pays européens (Belgique, Suisse, Luxembourg...) sont intéressés par nos outils de surveillance. Si l’on rêve un peu, d’ici 2 à 3 ans, l’objectif est de déployer ces outils dans d’autres pays européens. Biomae a été capable de monter un laboratoire d’analyse, de développer des outils à large échelle et de susciter de l’intérêt chez des utilisateurs du secteur public comme privé, nous devons être capables de tirer parti de cette expertise pour dupliquer notre savoir-faire dans d’autres pays.

 

Voir notre dossier "One Health, une seule santé"

Catherine Foucaud-ScheunemannRédactrice

Contacts

Guillaume Jubeaux Codirigeant Biomae, en charge de la direction de la technologie

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