Patrick Flammarion, à l’interface entre sciences, société et politiques publiques

Mobiliser recherches, acteurs de la société et politiques publiques… en synergie

Nos choix sociétaux ont fait émerger de nouveaux risques et éprouvent les limites de notre planète au quotidien. Pour relever ces défis, l’agriculture, l’alimentation et l’environnement ont une place cruciale. Les décisions et les politiques publiques également, que ce soit dans les territoires ou à des échelles plus globales. « On peut trouver des solutions d’adaptation aux conséquences du changement climatique, de nouvelles façons de travailler sur les urgences des objectifs du développement durable promus par les Nations Unies : en étant plus innovant, plus réactifs, pour atteindre des objectifs, initier des démarches de transition ou de transformation. En mobilisant recherches, acteurs de la société et politiques publiques… en synergie » soutient Patrick Flammarion. A la tête, depuis la création d’INRAE, de la direction générale déléguée à l’expertise et à l’appui aux politiques publiques (DGD EAPP), sa conviction est forgée par une fine connaissance de ce domaine, par l’étendue, et le potentiel, des activités au sein de l’institut. Sa conviction est bien entendue articulée à l’ambition d’INRAE pour 2030.

Promouvoir des activités qui composent l’originalité et la force d’INRAE

Cette organisation au sein d’une DGD constitue une originalité parmi les institutions de recherche. « Nous ne sommes pas les seuls à conduire des activités d’expertise ou d’appui aux politiques publiques, mais nous sommes uniques en Europe par le fait qu’elles couvrent tout le cycle de vie des politiques publiques : prospective, conception, évaluation ou encore accompagnement de leur mise en place ». Il poursuit « ce qui fait aussi notre force, c’est qu’elles sont à la fois adossées à des recherches d’excellence et ancrées dans les besoins de la société, avec de multiples partenariats croisant scientifiques, monde économique, acteurs publics et société civile. En retour, elles fournissent également des éléments précieux pour l’avancée des recherches. Il s’agit d’un vrai ‘continuum’ recherche – innovation – expertise ».

Les régions, les métropoles sont des terrains d’expérimentations interdisciplinaires

Durant cette première année d’exercice, Patrick Flammarion s’est attaché à rencontrer les acteurs publics pour cerner leurs besoins, étendre et renforcer les liens. En particulier une convention a été signée avec le MTE (lien CP). Avec ses équipes, il est également allé à la rencontre des personnels et a échangé avec toutes les structures du management scientifique. L’échelle des centres INRAE est très précieuse : nous y avons rencontré beaucoup d’enthousiasme pour ces activités et l’action au cœur des territoires est essentielle. « Les régions, les métropoles sont des terrains d’expérimentations interdisciplinaires, et propices à de nouvelles manières de faire de l’expertise et de l’appui aux politiques publiques. Un bon exemple est celui de la gestion territoriale de l’eau. L’évolution conjointe et permanente des ressources, du climat, des usages nécessite un ajustement permanent des objectifs des acteurs publics et des connaissances scientifiques » explique-t-il.

En interne, la visibilité et l’animation de ces activités se structurent dans ce cadre nouveau. Ces missions seront mieux reconnues dans le parcours des chercheurs, ingénieurs et techniciens. Par ailleurs, un appel à projet interne incite au développement de l’EAPP dans de nouvelles dimensions plus innovantes… Tous ces « fondamentaux » vont aussi permettre de mieux se projeter en Europe et à l’international. Une prospective européenne sur les pesticides, lancée en 2020, est un 1^er pas en ce sens.

Tout au long de son parcours, Patrick Flammarion a eu l’occasion de cultiver un axe science-politique-société. « Grâce à mon expérience de la recherche et des structures publiques portant des projets concrets concernant l’environnement et l’eau, je me suis toujours efforcé de faire vivre l’interface entre les politiques publiques et la recherche, afin que les personnes qui la représentent puissent dialoguer. C’est une position ‘entre deux mondes’ délicate mais passionnante ».

Un apprentissage de la recherche et des défis de l’environnement grâce à l’écotoxicologie

Porter les résultats de la recherche au sein des politiques publiques et contribuer à l’orientation de la recherche

Après une formation d’ingénieur à Polytechnique, avec une spécialisation en sciences de la vie, puis à l’Ecole nationale du génie rural des eaux et des forêts (Engref), Patrick Flammarion se plonge, il y a 25 ans, dans le champ scientifique de l’écotoxicologie. Ce domaine, « davantage une question qu’une discipline à cette époque », convoque à la fois la chimie, la biologie, l’écologie, les statistiques et la modélisation. S’il lui permet d’utiliser ses compétences acquises durant sa formation, il rejoint surtout une conviction profonde : « Les risques chimiques pour la santé de l’homme et de l’environnement m’ont paru un sujet vital à étudier pour répondre aux questions que n’allait pas manquer de se poser la société sur l’exposition sur le long terme à des substances chimiques souvent présentes en mélange », explique Patrick Flammarion. 

Après son doctorat en écotoxicologie, obtenu en décembre 1997, il pilote de nombreux projets scientifiques et expertises à Irstea avant d’obtenir une habilitation à diriger des recherches en 2001. En 2002, il devient chef du bureau de l’écologie et des risques environnementaux au Ministère chargé de l’Environnement et a alors la responsabilité d’une vingtaine de programmes nationaux de recherche, à l’époque où l’Agence nationale de la recherche n’existait pas encore. « Ces programmes nationaux de recherche permettaient l’animation de communautés scientifiques interdisciplinaires sur des axes scientifiques priorisés via un dialogue entre les conseils scientifiques de programme et les comités d’orientation composés de porteurs d’enjeux notamment des acteurs de politiques publiques », explique Patrick Flammarion. Durant 5 ans, il développe ainsi la recherche et l’innovation autour des enjeux de la biodiversité, de la pollution des sols, de l’air, de l’eau, du changement climatique, des risques naturels ou sanitaires. C’est l’occasion de porter les résultats de la recherche au sein des politiques publiques et de contribuer à l’orientation de la recherche sur des enjeux de politiques publiques environnementales.

Créer le lien entre les connaissances scientifiques et les politiques publiques

En 2005, Patrick Flammarion rejoint l’Inra en tant que conseiller et secrétaire général du Collège de Direction, où il suit notamment les partenariats de l’Inra avec les ministères chargés de l’agriculture et de l’environnement.  Trois ans plus tard, il devient Directeur délégué à la Recherche, puis Directeur de l’Action scientifique et technique à l’Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), désormais Office français pour la biodiversité (OFB, auparavant AFB). « Ma mission consistait à contribuer à la création d’une nouvelle structure d’interface entre science et politiques publiques et particulièrement sur l’eau et les milieux aquatiques, ce qui rejoignait mes premières amours en tant que chercheur en écotoxicologie aquatique », se souvient Patrick Flammarion.

La question de l’eau à l’échelle de l’Europe

En 2013, Patrick Flammarion accepte la direction du département scientifique « Eaux » d’Irstea et « replonge » dans l’animation scientifique à l’Alliance de recherche sur l’environnement (AllEnvi) pour fédérer les communautés scientifiques sur l’eau en France et en Europe : « J’ai piloté la construction de l’agenda stratégique de recherche et d’innovation au niveau européen pour que les Etats membres s’accordent sur des priorités dans le domaine de l’eau », explique Patrick Flammarion. « Cela m’a demandé beaucoup d’écoute et une recherche constante de points d’équilibre. J’ai réussi à imposer l’utilisation de travaux de prospective pour sortir de la simple expression de besoins à peine extrapolés par rapport à l’actualité ». En 2015, il devient Président du comité de pilotage stratégique sur l’environnement de l’Agence nationale de la recherche (ANR), avec pour tâche d’établir une feuille de route dans ce domaine.

Ce projet de rapprochement est donc un véritable nouveau projet scientifique

Nommé Directeur général délégué à la Recherche et à l’Innovation d’Irstea en 2017, ses fonctions englobent la responsabilité des trois départements scientifiques (eaux, écotechnologies, territoires), des directions chargées du développement à l’international, des partenariats publics et privés, de l’évaluation et de la prospective. C’est aussi dans ce cadre qu’il est impliqué dès le départ dans le projet de fusion entre l’Inra et Irstea. « Nous avons vu que d’importantes synergies pouvaient se créer entre les compétences respectives et les défis scientifiques que relèvent les deux instituts. Ce projet de fusion a donc été d’abord un véritable projet scientifique ».