illustration Ana au pays des nanos
© INRAE B. Nicolas

Bioéconomie 5 min

Ana au pays des nanos

Comme Gulliver, Ana Villares fait un voyage extraordinaire. Elle avance à pas de géant dans un monde nanoscopique. De la découverte des propriétés physico-chimiques de polymères d’origine végétale en Espagne, à leur assemblage à INRAE Pays de la Loire, son récit nous mène au cœur de sa quête scientifique : concevoir de nouveaux matériaux biosourcés performants et durables.

Publié le 13 décembre 2016

Ana Villares est discrète. Pourtant elle a déjà tout d’une grande dans son domaine de recherche en plein essor, les nanocelluloses. « Il existe deux principaux types de nanocelluloses, précise-t-elle, les nanofibres, qui s’apparentent à des spaghettis, et les nanocristaux, plus comme des grains de riz. » Pour maîtriser leurs usages mécaniques (pour les matériaux isolants ou résistants), barrières (pour les emballages), ou optiques (pour les dispositifs électroniques, surfaces réfléchissantes), Ana mobilise des compétences hors normes devenues instantanément incontournables au sein de son équipe.

L’odyssée des matériaux du futur

La recherche fondamentale pour compagnon de route

Pour Ana, l’aventure débute du haut de sa montagne à Saragosse en Espagne, où le choix d’une carrière dans la recherche s’impose à elle à la fin d’un Master en chimie. Elle prend le chemin de la France en 2013 pour rejoindre en post-doctorat l’équipe « Assemblages nanostructurés » du laboratoire Biopolymères, interactions, assemblages à l’Inra de Nantes, où elle peut valoriser sa double formation scientifique en physique et chimie.
Avec la recherche fondamentale pour compagnon de route, Ana est dans son élément. « J’aime décortiquer les compositions de ce qu’on appelle les couches minces : une fois qu’on les a expliqués, on peut les contrôler ! », s’anime-t-elle dans son sourire timide. « Notre ambition est d’obtenir, à partir de polymères naturels, des briques élémentaires que l’on va assembler ou modifier afin de développer leurs fonctionnalités. » Faire avancer les connaissances dans son domaine déploie son imagination. « On ne fabrique pas directement des emballages mais nos travaux fondamentaux permettent d’identifier les polymères qui auront les bonnes caractéristiques. »
Arrivée à l’Inra il y a seulement 3 ans, ses résultats sont impressionnants. Avec notamment une nouvelle méthode de fractionnement des fibres de cellulose par voie enzymatique : « ce mécanisme de défibrillation permet de produire des nanofibres avec moins d’énergie et d’accéder à plus de possibilités d’assemblage. » Ce procédé, utilisant des enzymes LPMO (1), fait l’objet d’une demande de brevet. Ana Villares a également mis au point un modèle pour décrire la modification des celluloses après absorption d’hémicelluloses : « là où la cellulose a surtout des propriétés de résistance, l’hémicellulose sera par exemple soluble dans l’eau. Étudier les interactions cellulose/hémicellulose nous donne entre autres la capacité de stabiliser leur assemblage et ses propriétés finales ». Pour Ana, « publier un résultat, c’est la récompense du travail. »

L’étoile montante

Rédiger avant de manipuler, c'est très important

À 36 ans, elle ne compte pas moins de 65 publications dans des revues internationales ! À la question de ce que cela représente, elle répond avec une modestie non feinte : « un équilibre entre stimulation et pression ». Pour Bernard Cathala, son directeur de recherche au sein de l’unité : « ça prouve surtout sa très grande qualité scientifique et ses capacités parfaites de réalisation ». Une chercheuse d’exception dont le talent confirmé ne laisse rien au hasard.
Extrêmement organisée, Ana Villares sait que l’efficacité d’un travail de recherche repose sur une méthodologie rigoureuse. « On pense parfois perdre du temps à rédiger avant d’entamer des manipulations, mais c’est très important de savoir où on va. » CQFD : « il n’y a aucun déchet dans son travail, avance Bernard Cathala. Elle est d’une productivité redoutable. » Sa grande force : savoir appréhender toutes les dimensions d’un projet, exercice qu’elle réussit avec brio pour sa sélection en post-doctorat Agreenskills (2) ou son concours des chercheurs confirmés sur projet en 2015. « J’ai construit avec Bernard mes projets de recherche. Sans l’équipe, je n’en serai pas là. On ne fait rien seule. » Avec son accent mélodieux, elle souligne l’importance de se nourrir des expériences et pratiques partagées collectivement pour avancer. Car au bout de son voyage, l’enjeu des matériaux biosourcés est de taille : « proposer une réelle alternative pour réduire notre dépendance aux polymères dérivés du pétrole. » Le vœu d’Ana Villares, brillant espoir d’avancées scientifiques qui porte haut son laurier !

 

Et après ?

« Ana est remarquable, elle a un énorme potentiel, on espère la garder avec nous ! » nous confie son directeur de recherche Bernard Cathala. Un souhait partagé par la chercheuse qui a trouvé sa place au sein de l’Institut : « les opportunités de carrière proposées aux chercheurs étrangers sont attractives. Je me sens bien à l’Inra, et l’équipe m’a très bien accueillie ! ». Au sein de son unité, elle dispose d’un équipement à la hauteur du vaste de champ de recherche qui s’ouvre à elle : « nos outils performants nous offrent un environnement de travail très compétitif. » Quant à sa soif de mouvement, elle garde l’idée de l’étancher avec des stages dans des laboratoires à l’étranger : « connaître les techniques des autres permet toujours de progresser ! »

Equipe Ana Villares
Ana Villares, Laurier Espoir scientifique 2016, et son équipe de l'unité Biopolymères, interactions, assemblages du centre INRAE Pays de la Loire

 

 

Julie CherigueneRédactrice

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