Dossier revue

Les nouveaux défis de l’élevage

Les produits animaux, reconnus pour leurs propriétés nutritionnelles, voient leur consommation augmenter. Cependant, les élevages pour les produire, de types variés, font face à de multiples défis. La recherche et les acteurs du monde agricole étudient et expérimentent pour inventer des systèmes plus durables. État des lieux.

Publié le 14 août 2024

Les produits animaux 1 ont toujours eu une place privilégiée sur les tables du monde entier, pour celles et ceux qui pouvaient se les offrir. Confortée par les propriétés nutritionnelles qui leur sont reconnues, leur consommation est le premier signe d’un progrès social et elle ne cesse d’augmenter au niveau mondial. 
À l’autre bout de la chaîne, les élevages pour les produire sont multiples, de plein air ou dans des espaces offrant de grandes libertés, en enclos ou en cages. Si les exploitations peuvent comporter plus de 100 000 têtes dans les mégastructures en Chine, au Brésil ou en Inde, il existe encore de petites structures avec quelques animaux seulement, dont le modèle économique est le plus souvent familial, tourné vers l’échelle locale. En France, les exploitations sont d’une taille assez homogène, avec quelques rares grandes structures. Quelles que soient leur forme et leur taille, les élevages font face à de nombreux défis.

De nombreux défis à relever

La prévention des maladies infectieuses animales, dont certaines sont transmissibles à l’homme, comme la maladie de la vache folle au début des années 90 ou plus récemment la grippe aviaire, implique la mise en œuvre de mesures qui peuvent aller jusqu’à l’abattage intégral de cheptels. Ces maladies ont transformé les systèmes d’élevage, avec le renforcement des mesures de biosécurité, d’hygiène, et le recours préventif aux antibiotiques lorsque c’est justifié 2. L’augmentation de la pression sanitaire a alourdi le quotidien des éleveurs qui doivent désormais répondre à des exigences de contrôle et de traçabilité renforcées (relevés sanitaires et registre d’élevage). Ces contraintes peuvent être accrues par les exigences propres aux cahiers des charges de certains labels ou signes de qualité, par ailleurs vecteurs de valeur ajoutée pour les produits animaux. 
La prise de conscience de la sensibilité des animaux, portée par des associations engagées, est aujourd’hui documentée par les avancées scientifiques. Elle a conduit à des évolutions de la réglementation, avec une prise en compte croissante du bien-être animal dans les élevages, ainsi qu’à une évolution des conditions d’abattage.
Parallèlement s’est opérée une montée en puissance des préoccupations environnementales associées à l’élevage, dans un contexte de changement climatique et de dépassement des limites planétaires. La contribution de l’élevage aux émissions directes ou indirectes de gaz à effet de serre (GES) et les impacts environnementaux associés à la production de l’alimentation des animaux d’élevage (déforestation par exemple) ou à la gestion de leurs effluents (pollution des eaux par les nitrates dans les régions à haute densité d’élevages par exemple) sont autant de points critiques. 
Pour autant, les chercheurs ont mis en évidence les services environnementaux apportés par les élevages, notamment les systèmes extensifs. Sans élevage, les prairies, qui ont un rôle clé pour la biodiversité et la séquestration du carbone dans les sols, tendraient à disparaître. La valorisation des produits végétaux non consommables par l’homme (coproduits, résidus de culture), l’utilisation de surfaces peu ou non labourables et la production d’engrais organiques sont autant d’éléments indispensables dans une trajectoire de décarbonation des économies.


Au cœur de ces multiples défis posés à l’élevage se trouvent les éleveuses et éleveurs qui, chaque jour sans exception, veillent à leurs animaux dans des conditions de travail (astreinte, pénibilité) qui sont souvent en décalage avec les aspirations individuelles d’aujourd’hui. Parfois endettés pour s’installer, ils sont soumis à la fluctuation des coûts de production (cours des matières premières pour l’alimentation de leurs animaux, prix de l’énergie…) et des prix de marché qui leur laissent une faible prise sur les prix de vente de leurs produits. 
Comme pour tout le secteur agricole français où le nombre de travailleurs permanents agricoles a diminué de 40 % entre 2000 et 2020, le métier souffre d’une baisse d’attractivité importante. Or, la moitié d’entre eux sont susceptibles de partir à la retraite d’ici 10 ans. Cette perspective inquiète. Elle peut être cependant l’opportunité d’accélérer le développement de nouveaux systèmes plus durables. Aussi, le renouvellement des générations d’éleveurs est l’une des priorités du projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture bientôt en débat au Parlement et du plan gouvernemental « reconquête de notre souveraineté sur l’élevage ». 
En s’appuyant sur des connaissances toujours plus fines, la recherche imagine, expérimente et documente en partenariat avec les instituts techniques agricoles de nouveaux systèmes d’élevage combinant, dans une perspective de performance productive et de rentabilité économique, de bien-être des éleveuses et éleveurs et de valorisation de leur travail, les réponses aux contraintes de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique et du bien-être des animaux. 

1. Les productions animales englobent la viande, le lait et les produits laitiers (fromage, lait-yaourt, beurre) et les œufs. 
2. Recours thérapeutique. On ne parle pas ici du recours de producteurs de certains pays aux antibiotiques comme facteurs de croissance, pratique interdite dans l’Union européenne.